What am I supposed to do ? { Ethan }

Invité

« -Oh mon dieu, Riley, mais qu'est-ce qui t'est arrivé ?
- J'ai rencontré un ours polaire dans Central Park et je me suis battu avec ! »

Oui, je sais, c'est bête, con, et méchant. Mais je commençais à en avoir assez d'entendre cette stupide phrase. Cela m'apprendrait à faire quelque chose de bien. Quelque chose de bien ? Ah oui, je ne vous ai pas dit. J'avais pris une balle pour sauver Alexander. Un type avait voulu le tuer en moi, en grand homme je m'étais interposé. Résultat, je m'étais pris une balle dans l'épaule. Merveilleux. Quand j'étais allée à l'infirmerie pour voir Mathilda, il me semble qu'elle avait hésité longuement entre le rire et les larmes. Eh oui, moi, Riley Evans j'avais – encore – sauvé la vie d'Alexander. Oui, moi aussi je trouvais cela surprenant. Qui m'aurait cru capable de faire une telle chose ? Certainement pas moi. Mais quelque chose avait profondément changé en moi quand cette galerie s'était effondrée. J'avais vu des gens souffrir, des gens dont je croyais que le sort m'était indifférent. Et j'avais réalisé que je tenais à toute ces personnes. Le sort des autres ne m'était pas si indifférent que cela, finalement. Et des gens étaient morts... Stella était morte. Je n'étais pas amoureux d'elle, mais cela m'avait choqué, et profondément. Ce n'était pas une vilaine fille, elle ne méritait pas cela. Personne ne le méritait vraiment... Bref, j'avais beaucoup de mal à continuer à jouer les salauds ou encore les imbéciles. Je ne savais plus être ce type qui se moquait de tout. À mon plus grand désespoir d'ailleurs. Parce que ressentir des sentiments... Merde, j'avais perdu l'habitude ! La compassion, la peine, la haine, toutes ces choses... C'était beaucoup pour moi.

Il fallait donc que je m'occupe l'esprit en m'occupant les mains. Ce qui n'était pas si simple que cela étant donné que Mathilda tenait à ce que je garde le bras en écharpe... Et dire que je m'étais moqué d'Ethan quand un de nos jeunes lui avait tiré dessus par mégarde... Lui il n'avait eu que quelques points. Moi, j'avais eu la totale... C'était ce qu'on appelle un retour de flammes. On ne m'y reprendrait plus à me moquer de quelqu'un. Là je me sentais idiot, pour ne pas dire carrément con... Enfin, je n'étais pas mort, c'était déjà ça... Mais j'allais devoir me méfier. On dit toujours « jamais deux sans trois ». J'avais joué les super héros et j'avais déjà sauvé la vie de ce cher Alexander deux fois. Alors si la troisième fois j'étais censé y rester, merci mais non merci. Alexander était un grand garçon, en redevenant maitre de lui même il réussirait peut-être à rester en vie sans que j'intervienne. Non pas que le rôle de sauveur de l'humanité me déplaise tant que ça...

Quoiqu'il en soit, les choses que je pouvais faire étaient assez limités. J'avais fait le pied de grue une partie de la journée devant l'une des entrées avec Matthew. Matthew n'était pas super bavard et moi non plus, alors autant dire que j'ai trouvé le temps très, très long... Surtout qu'il y avait encore la trace d'une énorme flaque de sang pas très loin de nous. Personne n'avait réussi à nettoyer. C'était le sang d'un de nos hommes, un de ceux qui avaient été tués par les ravisseurs de Katarina. C'était tout à fait morbide... Mais je ne pouvais pas m'empêcher de regarder. Ça puait la mort à plein nez... J'ai patienté avec Matthew jusqu'à ce que ceux qu'on avait envoyés en mission reviennent. C'était un miracle, ils ne revenaient pas les mains vides. Faisant preuve de bonne volonté, je décidai de les raccompagner jusqu'à la réserve avec les vivres. Et – ne me demandez pas pourquoi – je décidai ensuite de faire preuve de savoir vivre et de tout ranger parce qu'ils avaient l'air épuisés. Je me retrouvai donc devant la réserve avec un tas de sacs et de cartons. Je soulevai un gros carton et... Me retrouvai sans main libre pour ouvrir la porte. Riley, quel con... Je jetai un bref coup d'oeil à gauche et à droite, et d'un coup de pied j'ouvris la porte. Je me faufilai à l'intérieur avant que la porte ne s'ouvre et je me retrouvai dans le noir. Super... Je cherchai à tâtons l'interrupteur et tentai de l'ouvrir avec mon coude et... La la lumière fut, avant que le contenu de mon carton ne se répande à mes pieds.

« Et merde... »

Je suivit lentement une boite de conserve rouler au sol, jusqu'à ce que sa course soit arrêtée par... Un pied ? Hein ? Je relevai les yeux sur le propriétaire de ce pied. Réflexe con, j'ai lâché le reste du carton quand j'ai réalisé que ce pied était celui d'Ethan. Ethan, qui était recroquevillé sur lui même comme un enfant, les bras passés autour de ses genoux qu'il avait ramené contre sa poitrine et... il pleurait ? Sérieusement. Il pleurait. Je me suis senti totalement... con. Surtout quand je me suis rendue compte qu'il me regardait. J'imagine bien qu'il ne s'attendait pas à me voir débarquer comme ça, les bras chargés... Avant j'aurais pu avoir un geste ou un mot terriblement méchant et déplacé... Là j'étais limite gêné de le trouver dans une position de faiblesse. J'ai pris la plus profonde inspiration de ma vie et j'ai fait un pas vers lui. Et après la seconde plus profonde inspiration de ma vie, je me suis agenouillé à côté de lui. Je n'ai même pas pensé à faire un peu d'humour.

« Ethan ? Est-ce que... est-ce que ça va ? »

Mais oui. Il pète la forme et il est empli de bonne humeur, ça se voit pas ?
Riley, espèce de con.

Les jours avaient beau passés, les blessures de Katarina avaient beau cicatriser et s’estomper, notre amour avait beau s’être trouvé encore plus fort après toutes ces épreuves, je ressentais toujours ce mal-être. Je me sentais fautif. Toujours. Même si Katarina m’avait rassuré, en me disant qu’elle ne m’en voulait pas et qu’elle m’aimait toujours passionnément ; je me sentais toujours terriblement mal.

Ce sentiment de honte ne me quittait pas. J’avais honte d’avoir été un des coupables des souffrances de ma femme. Je n’étais pas à la base de son enlèvement, vu que le père de Vitali l’avait fait enlever pour que le père de Katarina se montre. Mais j’avais contribué à sa souffrance parce qu’Alan avait compris qu’il avait Katarina, ma femme, en face de lui.

Bien sûr, nous avions retrouvés un peu d’intimité mais ça n’effaçait pas tout. En tout cas pas dans mon esprit. J’essayais chaque jour de ne pas lui répéter a quel point j’étais désolé et à quel point je m’en voulais, parce que je savais qu’elle ne voulait plus en entendre parler. Et elle refusait que je m’excuse pour quelque chose dont je n’étais pas coupable selon elle. Alors je gardais les choses pour moi.

Je n’avais plus guère de contacts avec le reste de la communauté. Ils m’étaient désormais devenus comme des étrangers. Bien sûr j’en croisais certains. Au début, ils me souriaient, me demandaient des nouvelles de Katarina ou s’inquiétaient pour moi. Mais au bout de trois jours, ils avaient fini par comprendre que je ne voulais plus les voir ou leur parler. Je me sentais étranger à ces gens. Complètement étranger. J’appréciais peu de personnes. Seules Mathilda et Lilly étaient pour moi un baume au cœur. Jamais je n’aurais cru pouvoir me sentir bien avec Mathilda. Elle était si froide et distante de nature, mais depuis la disparition de Katarina, elle ne me voyait plus comme avant. Je n’étais plus l’ancien junkie pour elle. J’étais Ethan, le mari de Katarina. Et le papa de Lena. Je savais qu’elle adorait notre petite princesse.

Je rasais les murs et évitait donc de me retrouver avec tous ces gens. Je ne supportais plus qu’on me regarde. Je voulais partir d’ici. Je désirais ça tellement fort que j’en devenais dingue. Mais j’avais promis à Katarina d’attendre. Qu’elle guérisse, que Lena grandisse. Et que je trouve des gens qui viendraient avec nous. Seulement je ne voulais pas grand monde avec moi…. Ma famille et Lilly étaient sans doute les seules personnes que j’avais envie d’avoir avec moi. Mais cela ne suffirait pas à Katarina je le savais. Nous n’en avions pas reparlé, puisque j’étais censé en parler avant à Alexander et Aaron, mais nous nous évitions mutuellement.

Je ne me préoccupais plus de la vie des gens, mais j’avais entendu des choses. Je voyais bien aussi qu’on me prenait pour un fou…. Mais qu’est ce qu’ils auraient aimé ? Que je revienne, le sourire aux lèvres alors qu’en un mois j’avais failli perdre ma femme trois mois, qu’elle avait été abusée, et que j’avais cru la perdre à tout jamais. Non, je ne pouvais pas redevenir l’Ethan devant, et je ne voulais pas du tout redevenir cet Ethan insouciant. Si je n’avais pas été aussi peu prévoyant, rien de cela ne serait arrivé.

J’avais laissé Katarina dans le salon avec Lena. Je savais qu’elle voulait un peu sortir de notre chambre, et pouvoir revoir des gens. J’aurais aimé avoir le courage de rester avec elle, mais je ne voulais pas rencontrer des gens. Tout ce à quoi j’aspirais, c’était de me retrouver seul et de pleurer tout mon saoul.

Je le faisais tous les jours depuis que j’avais ramené Katarina à l’infirmerie. Je m’assurais qu’elle allait bien, et je prétendais une douche, ou une chose à faire et je lâchais les vannes. Je n’arrivais pas à pleurer devant elle, j’aurais aimé mais je n’y arrivais pas. Il y avait une chose qui me retenait de le faire. Comme si pleurer dans ses bras aurait été une faiblesse qu’une part de moi refusait complètement. Seul, j’arrivais à pleurer. Je pleurais comme un enfant même.

Je marchais comme un automate depuis que je l’avais laissée seule dans le salon. Bien sûr j’aurais pu aller dans notre chambre, mais je ne voulais pas faire entrer de mauvaises ondes dans cette pièce. Je voulais qu’elle reste le havre de paix et de repos pour ma famille. Alors je me suis retrouvé, sans le chercher réellement, à l’endroit même où j’avais cru qu’elle mourait dans mes bras. L’étage inférieur, devant les réserves. Je suis resté à regarder l’endroit, et tout m’est revenu en mémoire, et j’ai commencé à sangloter.

J’essayais de chasser tous ces souvenirs de ma mémoire mais je n’y arrivais pas. J’aurais aimé mourir tellement j’avais mal. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé dans une des réserves. Surement pas peur que quelqu’un n’arrive et me voit comme ça. Je ne voulais pas qu’on s’apitoie sur mon sort. Je voulais partir d’ici, je voulais que nous reconstruisions nos vies hors de cet endroit, hors de New York.

J’ai ouvert la réserve et je me suis engouffré dans la pièce, le plus au fond possible. J’étais secoué par des sanglots trop longtemps retenus. Je n’étais pas aussi fort que j’y paraissais. Je n’étais pas un bon mari, pas un bon père non plus.

Je n’avais pas été capable de les protéger, y arriverais je maintenant ? Est-ce que tout ce que je faisais suffirait ? Est-ce que ma famille était heureuse ?

Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête et me rendaient malheureux. J’avais mal, si mal. Et je ne pouvais que pleurer, maintenant que je m’étais retrouvé seul. Je n’ai pas entendu les pas qui avançaient vers moi. J’avais trop mal, je pleurais tellement à chaudes larmes que j’étais sourd à tout. Ce n’est que quand j’ai senti une présence à côté de moi que j’ai compris que je n’étais plus seul.

Riley était assis à côté de moi et me regardait. J’allais le repousser et partir en courant. Parce que Riley et moi n’étions pas vraiment amis. Mais alors que j’aurais pensé qu’il se moque de moi, il a lâché dans une voix que je ne lui connaissais pas :

« Ethan ? Est-ce que... est-ce que ça va ? »

Je l’ai regardé pendant prés d’une minute, le visage défait ruisselant de toutes les larmes que j’avais versées. Et alors que j’avais eu envie de lui en coller une parce qu’il me voyait dans une situation embarrassante et qu’il pourrait en profiter pour me mettre encore plus bas que terre, ou alors répéter à qui veut l’entendre qu’il m’avait vu pleurer comme un enfant, ma réaction a été toute autre.

Je me suis encore plus recroquevillé sur moi-même et j’ai pleuré pendant cinq bonnes minutes. Incapable de m’arrêter. Me balançant. J’avais gardé mes mains autour de mes jambes. J’avais l’impression d’étouffer. J’étouffais ici. J’avais peur, terriblement peur. Et j’avais honte. Et j’avais mal.

Je ne sais pas trop si j’arriverais un jour à ne plus pleurer. Le visage baigné de larmes, je me suis retourné vers Riley qui était resté silencieux. J’ai juste secoué la tête, incapable de dire quoi que ce soit pour le moment. J’essayais d’ouvrir la bouche mais je n’y arrivais pas.

Ce qui n’a fait que me rendre encore plus malheureux. Non ça n’allait pas. Ca n’allait pas du tout même…..La preuve….j’ai posé la tête sur l’épaule de Riley et j’ai pleuré. Comme si j’avais encore des larmes à verser….

Invité

Il y avait cette voix dans ma tête.

« Allez vas-y, insulte le ! Vas-y profite, il est plus bas que terre, rajoutes-en une couche, ne t'en prive pas ! Allez ! Insulte, moque toi, fais lui mal comme tu sais si bien le faire ! »

Je me suis étonné moi même. Vous voulez savoir ce que j'ai fait ? Tout le contraire. J'ai collé une claque à cette fichue voix pour la faire taire une bonne fois pour toutes. Non, je n'allais pas insulter Ethan, ni même me moquer de lui. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais plus. C'était comme si je n'en étais plus capable. J'avais perdu cette capacité depuis que je l'avais aidé à sortir Katarina des décombres, quand cette galerie s'était effondrée sur elle. Ce jour là j'avais réalisé quelque chose, quelque chose qui m'avait à la fois choqué et marqué. Ethan, que je considérais jusque là comme un connard, un paumé, un junkie, un minable de première, avec une qualité qui m'avait échappé jusqu'alors. Que je le veuille ou non, il était sincèrement amoureux de Katarina et plus important encore, elle l'aimait aussi. C'est là que je me suis souvenu de l'amour que j'avais éprouvé pour Meredith. C'était le même amour fou et inconditionnel... Enfin, peut-être pas. Je n'aurais peut-être pas pu, et pas su la retrouver si elle avait été enlevée. Je n'étais pas particulièrement courageux. Enfin, pas consciemment. Par exemple, se jeter devant quelqu'un pour prendre une balle à sa place relevait certainement plus de la connerie que du courage. Enfin, peu importe...

Je me sentais atrocement gêné. Sans vraiment le vouloir, je l'avais « dérangé ». S'il était venu ici pour pleurer, c'était très certainement pour être seul. Et j'étais certainement la dernière personne qu'il aurait voulu voir débarquer. Alors oui, j'aurais pu faire comme si je n'avais rien vu et me contenter de repartir en claquant la porte. Mais j'en étais incapable. Il fallait que je fasse quelque chose, je ne pouvais pas le laisser seul comme ça... Il avait l'air trop mal. Ce n'étais pas la première fois que je voyais Ethan dans un triste état. Mais là c'était vraiment quelque chose... Bêtement je croyais qu'il avait l'habitude de « pleurnicher » dans les bras de sa femme. Je m'étais visiblement trompé. Et je me rendais compte que depuis qu'il était revenu avec elle, à chaque fois que je l'avais croisé, il m'avait ignoré, il avait ignoré tout le monde, affichant un air froid que je ne lui connaissais pas vraiment. Certes, je n'étais pas son meilleur ami, mais j'aurais remarqué ce genre d'air chez lui. Pour la simple et bonne raison que j'avais presque le même en permanence. Là c'était le contraire... Quand il m'a vu, il ne m'a même pas demandé de m'en aller. J'aurais préféré. Vraiment. Mais au lieu de cela il s'est contenté de se recroqueviller sur lui même, avant d'enfouir sa tête entre ses jambes. Et il s'est remis à pleurer. Oh putain... J'ai eu un soupir. Silencieusement je suis allé m'asseoir à côté de lui, contre le mur. Et bêtement, j'ai attendu qu'il se calme.

En cet instant, Ethan me rappelait moi quand je m'étais rendu compte que j'étais l'idiot trompé. Bon évidemment, Ethan n'était pas victime d'adultère – non non, ce rôle allait à la perfection à Alexander. Et puis Katarina n'était pas Meredith. Ça avait mis deux ans à rentrer dans ma tête, mais c'était rentré. Je me disais qu'il avait peut-être besoin de... Euh... Évacuer la pression ? Non. Ce devait être plus grave, vu son état. Je l'ai regardé avec un air un peu perdu quand il a relevé la tête vers moi. Il a secoué la tête, comme pour me faire comprendre qu'il n'arrivait pas à parler. OK. J'ai acquiescé pour lui montrer que j'avais compris. J'ai eu le choc de ma vie quand il a laissé retomber sa tête sur mon épaule pour continuer à pleurer. D'accord... Un peu par réflexe j'ai passé un bras autour de ses épaules. J'ai eu un soupir.

« Je préfère presque quand on se frappe tous les deux. »

Non je n'aimais pas particulièrement me prendre son poing dans la gueule, mais au moins quand on se cognait eh bien... Ca en restait là. Là, je savais très bien que nous aurions du mal à reprendre nos bonnes vieilles habitudes. Allez Riley, respire à fond, et trouve quelque chose à dire. Quelque chose d'intelligent, si possible. Ça te changera.

« Je suis certainement pas le mieux placé pour te dire ça, mais... Tu devrais peut-être... Enfin, tu ne devrais pas rester comme ça, je veux dire tout seul. »

Techniquement seul, il n'était plus. Mais passons.

« Tu devrais certainement... essayer de parler à quelqu'un qui n'est pas Katarina. Parce que si tu es là c'est que tu ne veux pas l'inquiéter, pas vrai ? »

Je rêvais là, non ? J'étais carrément en train de le rassurer – enfin j'essayais.

« C'est pas bon de... de garder tout ça pour toi. »

Je ne savais pas vraiment ce qu'était « tout ça ». Il faut dire que ces dernières semaines avaient été... mouvementées je crois. Katarina avait failli mourir trois fois en un mois... C'était beaucoup, même à l'heure actuelle. Je ne l'avais pas vraiment revue depuis qu'il l'avait ramenée. Je n'avais pas osé aller la voir, je ne m'en donnais pas le droit. Mais voir Ethan comme ça me faisait repenser à tout un tas de choses. C'était peut-être le moment d'enterrer la hache de guerre, non ? Indirectement je lui proposais de se confier à moi en quelque sorte. J'avais cru comprendre que ses relations avec Alex, Aaron et Liam s'étaient dégradées. Peut-être qu'il se sentait aussi seul que moi. Et peut-être qu'il allait m'en coller une et se barrer parce qu'il n'avait pas besoin de mes conseils stupides.

J’aurais pensé qu’après avoir pleuré à chaudes larmes pendant un quart d’heure, je n’aurai plus aucune larme qui coulerait, mais je m’étais trompé. Encore ! Je me trompais tout le temps. A croire que c’était le leitmotiv de ma vie. J’avais cru que nous serions en sécurité dans la communauté, et je m’étais trompé. Katarina avait failli y perdre la vie à de multiples raisons. Je ne voyais que ça : nous étions en danger ici. Il fallait qu’on parte. Mais j’avais promis d’attendre….Je ne savais plus ce que j’étais supposé faire. Supposé dire…

J’avais l’impression d’être perpétuellement anesthésié. J’avais l’impression de plus rien ressentir. Enfin si, cela se résumait entre amour et haine. J’avais l’impression de n’être motivé que par ces deux sentiments. J’aurais aimé savoir ce que je devais faire, mais je n’en étais pas capable. Quand j’essayais de réfléchir à la meilleure solution, tout s’embrouillait dans ma tête. Alors, quand j’étais avec ma famille, je me contentais de prendre soin d’elles, de les entourer, de leur dire et montrer que je les aimais.

J’avais la tête posée sur l’épaule de Riley, et je ne m’étais même pas rendu compte de ce que j’avais fait. Après tout, lui et moi ne nous entendions pas vraiment. Mais il avait l’air….différent…. Et puis surtout, je n’étais pas en mesure de quoi que ce soit d’autre. Même quand il a passé un bras autour de mes épaules, je ne me suis pas dérobé. Finalement j’avais terriblement besoin de ce geste.

J’étais las de devoir me contenir, de devoir me taire, de devoir taire ces sentiments de culpabilité et de honte parce que Katarina les refusait. J’aurais aimé pouvoir lui faire plaisir en ne m’en voulant plus, mais je ne pouvais pas. C’était trop me demander. Là j’avais seulement besoin de pleurer. Et c’est ce que je faisais. Dans les bras de mon meilleur ennemi.

J’aurais aimé être assez fort pour m’enfuir en courant pour qu’il ne profite pas de la situation pour me mettre encore plus bas que je ne l’étais déjà. Mais c’est comme si notre passé commun n’avait jamais eu lieu. Enfin..Jusqu’a ce qu’il me dise qu’il aurait presque préfère qu’on se frappe. Parce que c’est ce que nous faisions souvent quand nous étions en présence l’un de l’autre.

Mais moi j’avais changé…. Je n’étais plus le même et ne le redeviendrait peut être jamais. Les choses avaient été trop loin et étaient trop graves. J’étais brisé, terriblement brisé.

« Je suis certainement pas le mieux placé pour te dire ça, mais... Tu devrais peut-être... Enfin, tu ne devrais pas rester comme ça, je veux dire tout seul. »

J’ai relevé la tête, pour le regarder. Pour voir que j’étais un lâche, un moins que rien, un idiot. Mais il avait l’air serieux. Il ne se moquait même pas de moi. Il n’avait pas ce sourire narquois qu’il avait toujours quand il allait me balancer une horreur en travers de la figure.

« Tu devrais certainement... essayer de parler à quelqu'un qui n'est pas Katarina. Parce que si tu es là c'est que tu ne veux pas l'inquiéter, pas vrai ? C'est pas bon de... de garder tout ça pour toi. »

J’avais l’impression que c’était le seul qui se souciait de moi, et de savoir si j’allais bien. Le seul aussi qui voyait à quel point je souffrais. Bien sûr Katarina le voyait, mais elle avait la décence de ne rien dire. Elle savait que si elle le voulait vraiment elle arriverait à me faire parler. Ou alors se doutait elle de ce qui me chagrinait, et qu’elle me laissait vivre les choses parce qu’elle pensait que c’était comme ça que ça devait se passer. Katarina ne m’aurait jamais laissé souffrir pour rien.

Et j’étais là à pleurer comme un enfant, assis à côté de Riley que j’avais eu l’habitude de hair. Et il se comportait avec moi comme avec un ami. Un ami qui ne me jugeait pas. Il n’avait pas encore dit « tu vas mal, je le vois bien ». Parce que ce n’était sans doute pas de cette façon que j’allais rester et m’épancher. Qui aurait pu croire un jour que Riley et moi serions dans une situation pareille et que j’allais me confier à lui. Personne ! Pourtant c’est bien ce qui allait se passer.

-Sais pas…quoi faire…je…perdu….Oh….
J’étais encore secoué par des sanglots et j’avais un peu desserré mon auto étreinte. Je ne sais pas si j’avais été très clair puisque ma voix était saccadée et que je n’avais été capable que d’aligner certains mots. J’ai du prendre de longues et profondes inspirations en essayant de ne pas m’hyper ventiler. Et alors que je voulais lui demander des conseils, je n’ai pu qu’aligner deux mots à la suite. Mon regard était perdu et las.

-Quoi…faire ??

Et finalement cela résumait bien ce que je lui demandais. Mais je ne réalisais même pas qu’il devait se demander de quoi je parlais. J’ai posé ma main sur son bras et je l’ai regardé comme un sauveur. J’avais besoin qu’il m’aide à comprendre. Qu’il me dise quoi faire.

-Qu’est ce que je suis supposé faire Riley ?

Je lui parlais comme auparavant j’aurais parlé à Liam. Comme à un ami. Je lui donnais ma vie entre les mains. Et même si une petite voix me disait qu’il allait se vanter de m’avoir trouvé dans cet état et se moquer de moi, une part de moi voulait lui faire confiance. Après tout, on peut changer. Même Riley….Oui j’étais vraiment perdu et malheureux pour penser ça, mais je le pensais sincèrement. J’avais besoin qu’il me conseille. Je savais qu’il appréciait (pour ne pas dire aimait) Katarina, et qu’au fond il tenait à son bonheur. Et c’est de cela qu’il s’agissait.

-Dis-moi ce que je suis supposé faire s’il te plaît !

Invité

Surtout, pas de panique. Pas de panique... Tu parles. Ethan était là en train de pleurer toutes les larmes de son corps sur ma pauvre épaule, et je ne savais pas quoi faire. Il faut dire que j'étais un très mauvais confident, en règle générale. Mêmes mes « amantes » ( et elles étaient nombreuses ) ne m'avaient jamais rien dit, ou alors à peine. Il faut dire que mon air « je me fiche de toi et de ta vie » n'aidait certainement pas et prêtait peu à la confidence. Mais là, je me retrouvais avec un Ethan au trente-sixième dessous un peu par hasard et j'étais largué. Je me disais qu'il aurait peut-être mieux fallu que quelqu'un d'autre prenne ma place... Genre Liam, Alexander, Aaron... Le problème c'était que notre merveilleux quatuor n'avait plus l'air de s'entendre si bien que cela. Alexander et Ethan semblait s'ignorer complètement et les deux autres étaient complètement largués. Autant dire qu'on était tous légèrement dans la merde. Tout s'était dégradé lentement depuis que cette galerie s'était effondrée sur Katarina et les autres. Ça avait été comme le point de départ... Adieu la gaité et la bonne humeur, bonjour la déprime et les coups bas. Et bizarrement, depuis cet épisode là, Ethan et moi nous entendions « bien ». Comme si sauver sa femme nous avait rapprochés, en quelque sorte. Après ça, je n'avais pas hésité à lui demander des nouvelles de Katarina et il n'avait pas hésité à en donner. Le choc s'était comme transformé en électrochoc. Après presque deux années à se taper dessus, il était peut-être temps de se comporter en adultes. Nous avions la trentaine tous les deux, il était peut-être temps de passer à autre chose. Ou du moins d'essayer.

Il a relevé les yeux vers moi et j'ai dégluti. Fini la plaisanterie. Je n'avais pas du tout le cœur à me moquer de lui. J'ai senti mon cœur se serrer et cela m'a fait un drôle d'effet. Il me faisait de la peine. Oui, c'était de la peine que je ressentais. Pas de la pitié, comme je l'avais si souvent cru. Ce n'était pas la même chose. Cela me faisait mal de le voir comme ça. J'étais à deux doigts de lui dire qu'il pouvait me frapper s'il en avait envie pour se soulager. Mais quelque chose me disait que cela ne lui ferait pas le moindre effet. J'ai eu une grimace quand il a bafouillé, cherchant certainement à reprendre sa respiration. Il n'arrivait pas à parler correctement, il était certainement trop secoué. Alors tout ce que je pouvais faire pour le moment c'était tapoter son épaule avec compassion, comme je l'aurais fait avec un ami. À ceci près que je n'avais pas d'amis du tout. Enfin, jusque là. J'ai juste hoché la tête pour lui faire comprendre que ce n'était pas grave, qu'il pouvait prendre son temps pour parler. J'avais tout mon temps, personne ne m'attendait nulle part... Pendant un très court instant, cette pensée me rendit triste. Non, personne ne m'attendait nulle part. J'étais seul, désespérément seul. Je n'avais personne. Personne ne tenait à moi outre mesure. Voilà pourquoi j'avais été et étais toujours aussi jaloux d'Ethan. Il avait des amis, une femme qui l'aimait, et maintenant une petite fille... Finalement j'avais toujours eu tort. C'était moi la merde dans cette histoire. J'étais le paumé, le raté, le moins que rien, l'imbécile.

Et le réaliser faisait certainement plus mal que de se prendre une balle.

J'ai baissé les yeux sur sa main qu'il avait posé sur mon bras. Il me demandait ce qu'il était censé faire... J'ai légèrement secoué la tête avant de pencher la tête en arrière. J'ai soupiré. Je réfléchissais. Ce qu'il était supposé faire ? Je n'en avais pas la moindre idée. Non, je ne savais pas. Je me doutais bien qu'il se demandait quoi faire par rapport à Katarina, par rapport à tout le reste... J'avais si bien appris à me moquer de tout que j'étais bien incapable de lui donner le moindre conseil. Je ne valais pas grand chose dans le rôle du confident. J'ai pris une profonde inspiration.

« Déjà, tu vas laisser tes larmes couler. C'est pas si grave de pleurer... Faut avoir un sacré courage pour se laisser aller. Moi tu vois, je ne suis qu'un abruti qui préfères se saouler plutôt que d'avouer qu'il est minable. »

Maltraiter mon égo revenait à flatter le sien, non ? Bon d'accord, peut-être pas. Avec un soupir, j'ai retiré mon bras de son épaule et je me suis relevé, avant de venir m'agenouiller devant lui. J'ai posé une main sur son épaule et j'ai tenté un sourire.

« Je ne sais pas ce que tu dois faire Ethan. Pour ainsi dire j'en sais strictement rien. Je suis pas de très bon conseil, tu sais... »

Pas du tout même. Aider les autres, ce n'était définitivement pas mon truc. C'est que je n'étais pas doué avec les gens. Je n'étais pas vraiment altruiste. J'étais égoïste. Et là, le fait que ce soit Ethan qui réclame mon aide rendait les choses plus difficiles encore. Que pouvais-je dire ? Personne n'avais jamais besoin de moi, alors je me fichais de ce que j'étais supposé faire. Cela m'avait toujours été égal. Je n'étais pas un leader, je n'avais pas de famille. Je n'étais pas Ethan, en résumé. J'ai tenté un sourire, puis j'ai haussé les épaules.

« Je crois que je ne peux même pas imaginer ce que tu ressens et ce que tu vis. Alors je me vois mal te dire ce que tu as à faire. »

C'était vrai. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il avait pu vivre et ressentir par rapport à Katarina. Ma jalousie ne m'aidait pas à le comprendre... Au contraire, même. De toute façon cette jalousie commençait déjà à s'estomper. J'avais compris que Katarina ne me regarderait jamais. J'avais perdu cette bataille et j'étais en train d'agiter le drapeau blanc sous ses yeux.

« Tant que tu prends soin de ta femme et de ta fille, je pense que tu fais ce que tu es supposé faire. Qu'est-ce que tu veux faire d'autre ? Tu ne peux pas remonter le temps et changer ce qui s'est passé. Alors... prends soin d'elles. C'est le meilleur conseil que je puisse te donner. »

J'eus un petit rire.

« C'est le seul, d'ailleurs. »

Je me sentais dans le même état depuis que j’avais ramenée Katarina auprès de Mathilda. J’aurais pourtant aimé me sentir en sécurité comme ma femme, ou alors accepter que je n’étais pas le fautif mais je n’y arrivais pas. J’aurais aimé pourtant….parce que cela aurait été beaucoup plus facile à vivre. Et je n’aurais pas ce sentiment de cacher des choses à mon ange. J’avais l’impression de lui mentir tout le temps. Je lui souriais, et de temps en temps je lui souriais franchement, mais la plupart du temps je me forçais. Je ne voulais pas qu’elle se sente encore plus mal. Je voulais qu’elle se sente bien. Même si moi je ne l’étais pas… Je ne voulais pas que ma famille pâtisse encore une fois de mes erreurs passées, et de ce que j’étais. Je pensais avoir changé, et grandi quand Katarina m’avait quitté après m’avoir annoncé sa grossesse, mais la vérité c’est que depuis un mois, j’étais redevenu le même Ethan. En fait non, j’avais changé…. J’étais devenu fou. Ce que je détestais le plus au monde chez moi : ce côté violent et dangereux, je l’avais laissé éclater au grand jour. Et le pire, le plus dur à vivre c’est que je ne regrettais pas.

Pas un seul jour, je ne m’étais pas isolé pour pleurer et évacuer la pression. Et là…alors qu’une partie de moi aurait voulu repousser Riley parce que c’était sans doute la dernière personne devant qui je voulais me montrer comme ça, je rendais les armes. Je le laissais me voir comme il m’avait toujours vu : un loser, un mec pathétique…. Finalement il avait raison….Il fallait que je vois les choses en face. J’étais incapable de faire face à la vie, je n’avais pas les armes pour. J’avais besoin qu’il me dise ce que je devais faire. Il pouvait se moquer de moi je m’en fichais, j’avais juste besoin que quelqu’un me dise quoi faire.

« Déjà, tu vas laisser tes larmes couler. C'est pas si grave de pleurer... Faut avoir un sacré courage pour se laisser aller. Moi tu vois, je ne suis qu'un abruti qui préfère se saouler plutôt que d'avouer qu'il est minable. »

Je l’ai regardé, complètement halluciné qu’il ne se moque pas de moi. Ni dans ses mots, ni dans sa voix. Au contraire….j’avais l’impression qu’il me comprenait, qu’il me parlait comme si nous étions amis. Et alors que je croyais que ce ne serait jamais possible, je me suis dit que j’avais été idiot d’agir comme je l’avais fait. Sur le moment, j’oubliais totalement qu’il avait été plusieurs fois trop loin avec Katarina, et qu’il avait été trop entreprenant avec elle devant moi. J’oubliais aussi nos querelles, et nos bagarres.

Il se montrait aussi faible que je me montrais moi-même devant lui. Nous avions en quelque sorte perdu notre arrogance chacun de notre côté. Et j’ai eu pitié pour lui. Sincèrement. Si bien que le voir comme ça m’a redonné un peu plus de volonté alors j’ai séché mes larmes sans cesser de le regarder. Il aurait aimé pleurer, c’était cela qu’il m’avait dit. J’ai reniflé quand il s’est relevé pour s’agenouiller devant moi, une main posée sur mon épaule. Je ne pensais jamais que cela soit possible un jour…mais quand il m’a souri, j’ai tenté un sourire en retour. §J’aurais aimé lui sourire un peu plus sincèrement, mais j’avais encore bien trop mal. Cette souffrance ne voulait pas me quitter. La honte non plus…

« Je ne sais pas ce que tu dois faire Ethan. Pour ainsi dire j'en sais strictement rien. Je suis pas de très bon conseil, tu sais... »

Jamais il ne s’était montré faible avec moi. Surtout pas quand je me montrais faible devant lui. Nous avions perdus notre dynamique de toujours. J’étais le mec faible et lui était celui qui s’en moquait ouvertement. Et là plus rien de tout cela. C’est comme si nous ressentions tous les deux, cette impuissance. Je m’en voulais même de me montrer comme ça devant lui et de lui demander de l’aide. Mais à qui me serais-je confié ? Je n’avais plus d’amis ici. En tout cas c’est ce que je ressentais.

« Je crois que je ne peux même pas imaginer ce que tu ressens et ce que tu vis. Alors je me vois mal te dire ce que tu as à faire. Tant que tu prends soin de ta femme et de ta fille, je pense que tu fais ce que tu es supposé faire. Qu'est-ce que tu veux faire d'autre ? Tu ne peux pas remonter le temps et changer ce qui s'est passé. Alors... prends soin d'elles. C'est le meilleur conseil que je puisse te donner. »

Je l’ai regardé en ne comprenant pas sur le moment ce qu’il me disait réellement. Je devais avoir l’ait idiot, le visage ravagé par les larmes, les yeux rougis, la bouche ouverte comme si j’étais un poisson rouge. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Il ne me disait pas que j’étais un abruti incapable de s’occuper de sa famille. Il me disait même que je faisais ce qu’il fallait. Mais dans un sens il ne comprenait pas… Il ne comprenait pas à quel point je m’en voulais, à quel point tout était de ma faute. Et ce n’est pas son petit rire gêné, et qu’il me dise qu’il n’avait pas d’autres conseils à me donner qui allait arranger les choses. J’aurais aimé que ses mots de réconfort m’atteignent, mais tout ce que je ressentais c’était un sentiment de gâchis.

Et j’ai ressenti quelque chose que je n’aurais jamais pensé cru possible un jour…. Peut être que Katarina aurait été plus heureuse avec lui…. C’est ce que j’aurais aimé pouvoir lui dire. C’est ce que j’avais au bout de la langue, mais quand j’ai tourné la tête vers Riley, et que j’ai vu qu’il paraissait gêné, les mots n’ont pas voulus passer le cap de simples pensées. Mais je savais que je continuerais à le penser. Seulement mon esprit a commencé à vagabonder, et je me suis souvenu de tous ces moments qui avaient été le prémices de mon union avec Katarina. Et j’ai repensé à ma vie avant de venir dans la communauté. Cette vie qui était responsable d’une partie du sort de Katarina. Elle n’aurait pas été abusée sans moi. Je n’arrivais pas à me décoller cette image de la tête : Alan abusant de ma femme. Ma femme innocente, vulnérable, angélique. Il l’avait souillée, il lui avait fait du mal.

Mais elle ne m’en voulait pas….elle savait pourtant maintenant pourquoi Alan l’avait violée. Elle savait vraiment ce qui s’était passé avec Lucy. Et pourtant elle m’aimait toujours…. C’était cela que je voulais faire comprendre à Riley. Et s’il me disait qu’avec lui, elle n’aurait jamais vécu tout ça, je savais que je ne pourrais qu’abonder dans son sens. J’ai reniflé de façon pas très élégante et j’ai regardé Riley droit dans les yeux.

-Je me sens terriblement coupable. J’ai l’impression que sans moi elle n’aurait jamais vécu tout ça. J’ai tellement peur qu’on me l’arrache encore une fois. Je le supporterais pas cette fois-ci.

J’ai refoulé un sanglot avant de prendre une profonde inspiration. Rien que de formuler l’éventualité qu’on me reprenne à nouveau Katarina me donnait envie de pleurer. Je ne sais pas si cette fois j’arriverais à trouver la force de sortir la chercher. J’avais peur de faire une bêtise cette fois-ci. J’aurais voulu être à nouveau fort, mais je ne l’étais pas. Pas aujourd’hui. Je faisais tellement d’efforts quand nous étions ensemble que là avec Riley je n’y arrivais pas. Même si nous n’étions pas vraiment amis, je ne pouvais pas faire semblant pour donner le change. Lé vérité c’était que j’étais totalement perdu. J’avais l’impression de ne pas faire ce qu’il fallait.

-Mais est-ce que je fais ce qu’il faut pour la rendre heureuse ?

Est-ce qu’elle était en sécurité avec moi ? Est-ce que je faisais bien de la ménager ? Est-ce que j’étais assez aimant et prévenant ? Est-ce que ? Est-ce que ? Tant de questions et si peu de réponses. Sinon aucune en réalité. Elle méritait tellement d’être heureuse. Mon ange…..Mon amour…. Ma vie….. Et si jamais je ne réussissais à être celui dont elle avait besoin. Et si je la détruisais plus que j’avais l’impression de l’avoir déjà fait ?

-J’ai l’impression de pas faire ce qu’il faut pour lui faire oublier tout ça. Et moi, j’arrive pas à oublier, j’y arrive pas Riley.

J’aurais aimé oublier. Mais à chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais la réserve saccagée, je me revoyais chercher Katarina partout, je revoyais ma femme presque morte dans mes bras. Je n’arrivais pas à faire autrement. Et j’avais peur de ne jamais y arriver. C’était trop vif dans mon esprit. J’avais même l’impression que l’annonce de la mort de mes parents ne m’avaient pas fait aussi mal. Et maintenant que j’y repensais, je savais que si on m’avait proposé un shoot, je n’aurais sans doute pas hésité. J’aurais aimé oublier…. Mais comment faire. Alors que je n’avais qu’une envie : partir d’ici et repartir à zéro. Je ne me sentais pas en sécurité dans la communauté, je n’y arriverais plus.

-Je me réveille au moindre bruit, j’ai tellement peur Riley.

Et alors que je pensais avoir pleuré tout mon saoul, j’ai à nouveau éclaté en sanglots et je me suis encore recroquevillé en me cachant entre mes bras. Ma voix entrecoupée de sanglots. J’étais impuissant, faible. J’aurais pu avoir honte de me montrer comme ça devant Riley, mais je n’y pensais plus. Comme si j’étais seul au monde. Et c’est ce que je ressentais à cet instant là.

-J’ai tellement peur. Je suis rien sans elle, rien du tout.

Invité

C'était presque un miracle que nous soyons tous les deux là. Nous nous confessions chacun de notre façon, en quelque sorte. Je n'avais plus de l'insulter, de me battre avec lui. C'était stupide. Et inutile... J'étais las de cette guerre incessante entre nous deux. Guerre que j'avais moi même bêtement déclarée, en passant... La jalousie fait faire bien des choses, stupides la plupart du temps. Et étant donné que j'étais un mec particulièrement jaloux, j'étais également particulièrement stupide. Alors en fin de compte, c'était à moi de faire des efforts. Ethan n'avait jamais fait que riposter à mes attaques au final... Ce qui ne faisait qu'accroitre ma culpabilité. Il fallait que je fasse des efforts avec lui. Oh attention, n'allez pas croire que je cherchais à me faire pardonner. Ce n'était pas le cas. Parce que j'étais souvent allé trop loin, avec lui comme avec sa femme. Je ne pouvais qu'arrêter de faire le con et espérer que cela suffise pour le moment. Encore que j'avais peu d'espoir à ce sujet... Mais qui sait ? Il était peut-être plus intelligent que moi et un peu moins excessif. Quoique. D'après Alexander, était était l'être le plus excessif qui soit. Mais c'était assez paradoxal venant d'un type qui allait descendre les Hors La Loi pour se défouler comme il aurait fait son marché. Alors très franchement... Entre celui qui protégeait sa femme comme un fou furieux et celui qui se défoulait parce qu'il n'avait pas si la garder... A mon humble avis ils étaient à égalité. Mais ce n'était pas mon avis, qui était rarement le bon d'ailleurs. Et je ne connaissais pas les détails de leurs histoires respectives. Tout ce que je savais c'était que Katarina avait été enlevée alors que Gabrielle était partie de son propre chef. Cela faisait une nette différence. Et à leurs yeux aussi, j'imagine.

Je soupirai. Il se sentait terriblement coupable, il ne cessait de le répéter. Je ne savais pas quoi lui dire pour qu'il cesse de le penser. Non, ce n'était pas sa faute... Mais comment le lui faire avaler ? Il avait l'air d'être persuadé que tout était arrivé par sa faute. Ce qui n'était pas très juste selon moi.

« Tu ne pouvais pas savoir. Elle était censée être en sécurité ici. C'est pas ta faute si ceux qui surveillaient l'entrée n'ont pas été foutus de faire leur job correctement. »

D'accord, j'exagérais peut-être un peu. Mais j'essayais de le déculpabiliser au maximum. Il était humain, impossible pour lui de savoir que les cinq minutes qu'il n'avait pas passées avec sa femme seraient fatales à cette dernière. Évidemment, les deux types qui s'étaient fait tués n'avaient rien demandé à personne, je ne leur lançais pas la pierre. Enfin, pas vraiment. Mais je rejoignais un peu le point de vue d'Ethan... S'ils avaient fait plus attention... Je savais qu'il était facile de se laisser distraire, quand on doit passer des heures à surveiller une porte. Mais tout de même... On avait eu l'impression que cela avait été un jeu d'enfant d'entrer pour enlever Katarina. Que vouliez vous qu'elle fasse face à des brutes pareilles ? Je comprenais le désarroi d'Ethan, malgré mes tentatives pour l'apaiser. Il pleurait moins, c'était déjà ça de gagné.

« Personne ne te l'enlèvera. Il n'y a aucune raison à ça. Nous avons fait renforcer la sécurité. Et si cela ne te suffit pas, je pourrais toujours t'aider à garder un œil sur elle. De loin j'entends. »

Je lui proposais ni plus ni moins de l'aider à protéger Katarina. Je préférais préciser que je n'avais pas l'intention de m'approcher d'elle, pour qu'il ne se fasse pas d'idées quant à mes intentions. J'avais renoncé à la conquérir, et j'espérais être assez clair sur ce point. Et puis Ethan n'était pas idiot, il ne cracherai sans doute pas au visage de quelqu'un qui voulait garder sa femme autant en sécurité que lui le voulait. Je lui proposais un coup de main alors que les autres lui tournaient le dos, il n'avait pas de raison de me dire non quoiqu'Ethan était quelqu'un d'assez compliqué et incompréhensible.

Je l'ai regardé d'un drôle d'air quand il m'a demandé s'il faisait ce qu'il fallait pour la rendre heureuse. Il en doutait ? Alors là je suis resté scotché, à le regarder la bouche ouverte. Il en doutait ? Non, vraiment, il devait être dans un sale état pour penser une stupidité pareille ! Même moi je voyais qu'il la rendait heureuse ! Même moi ! Et pourtant j'avais été jaloux à en crever, souhaitant presque le contraire pour pouvoir tenter ma chance avec elle. Mais j'avais rapidement constaté qu'elle ne sourirait jamais qu'avec lui... Ça crevait les yeux qu'elle était bien avec lui. À chaque fois qu'ils étaient ensemble elle souriait, riait, restait blottie contre lui, l'embrassait... Si avec tout ça il ne se rendait pas compte qu'elle était heureuse, je ne savais pas ce qu'il lui fallait. Mais le pauvre avait l'air de nager complètement dans le brouillard, là, tout de suite. J'aurais très bien pu profiter de ce moment pour lui dire que non, elle n'était pas heureuse et qu'il devrait avoir honte de rester avec elle. Avant, je l'aurais fait. Mais pas maintenant. J'ai soupiré doucement.

« Tu fais ce qu'il faut. Et si elle n'était pas heureuse, tu crois vraiment qu'elle resterait avec toi ? Katarina est une femme intelligente et elle n'a rien de masochiste. Si elle t'as épousé et si elle a mis ta fille au monde, c'est parce qu'elle t'aime et que tu la rends heureuse. »

Dire tout ça nécessitait bien évidemment quelques efforts de ma part. Mais je ne faisais qu'énoncer une évidence... évidente. Ethan ne devait pas l'oublier, sous peine de vraiment faire les choses de travers. Si Katarina n'avait pas été heureuse, cela ce serait vu. Mais elle avait l'air épanouie avec lui. N'importe qui dans la communauté pourrait en témoigner. J'ai eu un petit sourire triste quand il m'a avoué qu'il n'arrivait pas à oublier ce qu'il s'était passé. C'était normal. Mais lui semblait croire qu'il aurait dû passer à autre chose directement. J'ai secoué la tête.

« Tu es un être humain Ethan. Les choses te marquent, et c'est normal, crois moi. Mais c'est fini, c'est du passé. Katarina est là, est c'est ce qui compte le plus, non ? Personne ne te demande de faire comme si tout allait bien. Tu n'es pas obligé de faire comme si c'était le cas. »

Je me suis relevé doucement, m'éloignant un peu pour ramasser tout ce que j'avais fait tomber en entrant. Pour autant je ne mettais pas fin à notre conversation.

«... Et ne dis pas que tu n'es rien sans elle, parce que ce n'est pas vrai. Elle est peut-être le moteur de ta vie, mais tu es aussi capable d'avancer par toi même. Si ce n'était pas vrai tu n'aurais pas pris les choses en main pour aller la chercher. »

Je commençais sérieusement à m'impressionner... Je remis tout sur une étagère, avant de revenir vers Ethan. Je lui tendis la main.

« Allez, lève toi. »

Peut-être ce simple geste suffirait-il à signer l'armistice entre nous. Je l'espérais sincèrement.

Katarina était revenue oui…Mais je n’arrivais pas à oublier dans l’état dans lequel je l’avais ramenée. Dés que je fermais les yeux, je voyais son corps abîmé par des jours entiers de violence. Et j’en avais presque des hauts le cœur. J’essayais de ne pas y penser, et de graver en moi les images de son corps parfait, mais ces images ne restaient que quelques secondes dans mon esprit. Les autres revenaient toujours, se superposant jusqu'à en effacer les belles. Et j’avais mal, si mal. Et j’étais tellement perdu….J’avais l’impression que cela ne s’arrêterait jamais. Je me sentais sans doute encore plus perdu que quand on m’avait annoncé la mort de mes parents. Je m’en voulais, mais je devais bien l’admettre.

Riley avait beau me dire que j’avais fait ce qu’il fallait, et que je ne pouvais pas savoir qu’on allait l’enlever, je n’arrivais pas à admettre que je n’étais coupable de rien. Je n’avais pas eu ce sixième sens qui me disait que ma femme était en danger. Je ne l’avais pas…et ça me tuait lentement. Alors oui, je rejetais la faute sur les autres. C’était de leur faute à eux. Et si on ne les avait pas tués avant moi, je l’aurais sans doute fait. Oui j’allais très loin….mais je leur en voulais. Même si je les savais morts et enterrés je leur en voulais. Enfin non….j’en voulais à la terre entière. Et moi le premier…

Je ne pouvais pas faire autrement de me dire que j’aurais du sentir que quelque chose n’allait pas. J’aurais du le deviner. Mais j’avais cédé à la laisser aller à la réserve…..Chose qui ne se reproduirait pas. Je ne la laisserais plus naviguer seule dans la communauté. Plus jamais…j’avais trop peur qu’on ne me l’enlève. Même si Riley disait qu’ils avaient renforcé les mesures de sécurité, je n’avais plus confiance en personne. Alors j’ai haussé les épaules. Sur le moment, sa proposition je l’ai ignorée….Trop focalisé sur la culpabilité que je ressentais.

Je ne comprenais même pas que Katarina ne m’en veuille pas. J’avais promis en l’épousant de la protéger. Et je n’avais pas su .J’avais l’impression encore maintenant de ne pas arriver à la protéger correctement. Mais ce qui était le plus douloureux, ce n’était pas les paroles rassurantes de Riley. Selon lui, je faisais ce qu’il fallait, et je rendais heureuse Katarina. Mais dans ma tête, je ne savais pas la protéger….parce que je ne savais pas définir ce qui était réellement dangereux pour nous. Je n’arrivais pas à mettre un mot, un nom ou un visage… Et ca me rendait fou de douleur….

J’ai cru pendant un moment que j’étais à nouveau seul. Mais dans un sens, je l’étais. Seul. Riley avait tort…. Sans Katarina j’étais seul, perdu, incapable d’avancer. Je n’avais fait tout ça que parce que j’avais besoin d’elle si fort que je n’avais vu que ça. Je ne savais même pas comment j’avais fait. …. C’était ça le pire, j’avais eu l’impression de ne plus être moi-même.

Riley était toujours là, à me tendre la main. Pas seulement physiquement…. Il m’avait proposé de m’aider.

Riley…

M’aider...

Moi…

J’ai pris sa main et il a forcé dessus pour m’aider à me relever pendant que du revers de la main j’essuyais mes larmes.

-Tu ferais ça ? Pour moi ? Tu ferais vraiment ça pour moi ?

Je n’y croyais pas vraiment. Pourquoi Riley accepterait de m’aider à garder un œil sur Katarina. Il ne m’aimait pas… Moi je ne pouvais pas dire que je ne l’aimais pas. Je ne savais plus…. Je me rappelais qu’il avait été là quand la galerie s’était effondrée sur Katarina. Et puis…depuis un moment il avait l’air différent. Finalement, depuis un moment nos rapports étaient devenus plus normaux. Et puis j’avais besoin de quelqu’un. Je n’avais presque plus personne. Personne ne m’avait aidé pour retrouver Katarina…Riley, lui, était là. Alors sans réellement comprendre ce que j’étais en train de faire, je me suis confié à lui. Sincèrement…

-Je ne me rappelle plus trop ce qui s’est passé….tout ce que je me rappelle c’est que j’avais mal, j’étais perdu. Et j’avais besoin d’elle.

J’avais l’impression d’avoir été hors de mon propre corps pendant cette semaine là. Surement parce que mon esprit, mon cœur étaient partis avec elle.

-J’ai toujours besoin d’elle…J’avance pas sans elle…je sais pas avancer sans elle.

C’était une constatation. Ca n’avait rien de péjoratif. Je savais que je ne méritais pas tout ce qu’elle avait fait pour moi. Et si elle avait été plus heureuse avec quelqu’un d’autre. J’étais tellement malheureux que j’ai dit ce que mon esprit tordu avait en tête.

-Je suis désolé Riley.

J’ai eu une seconde ou deux de silence où j’ai soupiré. Riley, lui me regardait comme si j’étais devenu fou.

-Qu’elle t’ait pas choisi….

Finalement, aussi fou que cela puisse paraitre, j’étais sérieux. Il l’avait peut être aimé, ou l’aimait il encore peut être. Et j’aurais sans doute réagi comme il l’avait fait. Jamais je ne m’étais mis à sa place. Et pourtant….

Riley avait ouvert la bouche en grand, me regardant toujours avec des yeux hallucinés. Alors j’ai expliqué un peu plus ce que je pensais.

-Je dis pas que j’aurais aimé qu’elle te choisisse et tout ça…je vais pas mentir…. Mais je suis désolé….pour tout…et pour Stella… Je l’aimais pas plus que ça, mais je sais que vous étiez proches et ….

Oui…je m’excusais auprès de celui que je pensais être un enfoiré, un égoïste… Mais je m’étais trompé… Encore une fois… S’il l’avait vraiment été il ne m’aurait jamais aidé lors de l’effondrement de la galerie, il n’aurait jamais pris des nouvelles de Katarina, et surtout…il ne serait pas là à me réconforter….

Oui…j’avais mal jugé Riley…

- Enfin je ne sais pas….
Ca paraissait dingue. Surtout pour moi. Mais je lui étais reconnaissant.

-Merci Riley…Ca m’a fait du bien de pleurer, et de vider mon sac. J’ai plus personne ici….

Et je ne voulais personne…. C’est pour ça qu’après lui avoir serré la main, je me suis enfui. J’avais honte….