Come someone make my heavy heart light... { NATHANIEL }

Deux semaines.

Cela faisait deux semaines que j'avais ramené Nathaniel dans la communauté. Quand Alexander avait su que j'étais sortie, cela avait été ma fête, mais quelque chose d'incroyable. De la part d'Alexander, j'avais eu droit à une colère froide. Il m'avait fait la morale pendant des heures et des heures, avant de me menacer gentiment que si je refaisais une chose pareille il m'attachait à mon lit. Ah ah... Ah ? Quant à Aaron... J'aurais appuyé sur le bouton de la bombe atomique que c'eût été la même chose. Il m'a passé un savon, avant de m'avouer qu'il s'était inquiété pour moi et qu'il avait regretté de ne pas m'avoir écoutée plus attentivement. Vraisemblablement, Alexander lui avait passé un savon à lui aussi. De toute façon j'avais eu bien trop peur. Je n'étais pas prête à recommencer l'expérience. La prochaine fois, ils iraient chercher leurs médicaments tous seuls. Moi j'avais eu la peur de ma vie. J'avais bien failli me retrouver face à Alan et cette simple perspective m'avait glacée la moelle. Ethan avait raison... C'était trop dangereux pour une femme comme moi de sortir, et seule surtout. J'avais bien retenu la leçon cette fois-ci. Je ne mettrais plus un pied dehors...

Évidemment, Nathaniel avait eu droit à une véritable garde à vue. J'imagine que ces deux là avaient dû lui poser toutes les questions possibles et imaginables. Heureusement pour lui, ils avaient confiance en mon jugement. Si j'avais osé le ramener parmi nous, c'est qu'il ne représentait pas de danger... Je n'étais pas folle. Ils avaient fini par le laisser tranquille. Quant à moi, je m'étais occupée de lui faire visiter les lieux. Je lui avais trouvé une chambre et tout le tralala nécessaire. Mais rapidement, d'autres demoiselles avaient décidé de s'occuper de lui. Touchant... Je n'avais pas pu m'empêcher de rire quand Alexander avait fait remarquer à Riley qu'il avait un nouveau concurrent. Cet idiot n'avait pas ri, forcément. Mais cela ferait du bien à son égo. Même si je doutais que Nathaniel soit du genre à sauter sur tout ce qui bouge. Ou alors il l'avait fait très discrètement. J'étais plutôt contente de l'avoir sorti de sa solitude. Cela ne devait pas être simple de passer toutes ses journées seul... Je n'aurais pas supporté à sa place. D'ailleurs, je ne supportais pas...

Trois semaines.

Cela faisait trois semaines qu'Ethan était parti. Il était parti, il m'avait laissée seule, une fois encore. Mais c'était pire que tout cette fois. Il était parti sans prévenir. Et d'après Alexander, il n'était pas sûr de revenir. J'avais l'impression qu'il m'avait arraché le coeur et tout le reste avec. J'étais folle d'angoisse. S'il ne revenait pas, je ne m'en remettrais jamais. J'avais beau dire que cela m'était égal, qu'il pouvait bien faire ce qu'il voulait... J'étais terrifiée rien qu'à l'idée qu'il lui arrive quoi que ce soit. D'autant plus qu'il m'avait laissée avec un énorme problème... Enfin, pour le moment, le problème en question devait être ridiculement petit. Mais il avait tout le temps de grandir.

J'avais fini par réaliser que j'avais du retard. Beaucoup de retard. À peu près trois semaines. Et ça, ce n'était vraiment pas bon. Au début, j'avais mis ça sur le compte du stress, de l'angoisse, de la peur... Avant que je ne me retrouve avec des nausées. Cela faisait plus d'une semaine que j'étais malade. Nausées, vomissements et compagnie... Il ne m'a pas fallu longtemps avant de comprendre ce qui m'arrivait. Je n'arrivais pas à y croire. C'était définitivement incroyable. J'étais enceinte. Moi, enceinte ! Ça, c'était le coup de grâce. Les choses ne pouvaient pas être pires. Cette fois ci, le hasard avait vraiment mal fait les choses. Pendant près de six mois, j'avais passé toutes mes nuits dans les bras d'Ethan. Toutes. Et il n'était rien arrivé... Et là, en un peu plus de deux mois de séparation, si je puis dire, il avait fallu d'une toute petite fois de rien du tout pour que je me retrouve enceinte. Et c'était bel et bien terrifiant. S'il y avait une chose que je savais parfaitement, c'est que je n'étais pas prête à être mère. Pas du tout. Et surtout pas seule. Ethan était parti et Dieu seul savait s'il reviendrait ou non un jour. Et moi j'étais enceinte...

J'avais bel et bien passé une semaine toute entière à pleurer, seule. Tout le monde pensait que c'était parce qu'Ethan était parti. Je n'avait dit à personne ce qu'il m'arrivait vraiment. Et je n'avais envie de le dire à personne. Pas même à Gabrielle. Je me sentais trop mal. Je ne savais pas qui pourrait comprendre ma peine. J'aurais dû sauter au plafond, pas pleurer sur mon sort. Après tout, j'étais enceinte de l'homme que j'aimais le plus au monde... Sauf qu'il était parti. Sans prévenir. Ah ! Si j'avais su... Et pourtant, au bout d'une semaine, j'ai cessé de pleurer. Parce que je n'avais pas le droit. Après tout, ce bébé, ce petit bout de chou n'avait rien demandé à personne. Je n'avais pas le droit de lui faire du mal, consciemment ou non. Si je comptais bien, je ne devais pas être loin de deux mois de grossesse... Il fallait que je me reprenne et vite...

Il était certainement très tard, mais je n'arrivais pas à dormir. Pas étonnant, j'étais légèrement nauséeuse. Enfin, légèrement... J'ai fini par me sortir de mon lit, avant d'aller me préparer quelque chose à boire. Une tisane ou un thé ferait peut-être passer cette maudite nausée... Je suis allée vers ce qui nous servait de salle à manger. Certainement vide à cette heure là. Je m'attendais si peu à trouver quelqu'un que j'ai fait un bond en me rendant compte qu'il y avait quelqu'un. Nathaniel. J'ai soupiré en l'apercevant.

« Eh bien, je ne suis pas la seule à ne pas pouvoir dormir on dirait. »

Je suis allée m'asseoir en face de lui. J'ai posé ma tasse sur la table avec un petit sourire. Si j'avais su, j'en aurais fait deux. J'ai un petit soupir. Nous ne nous étions pas beaucoup vu ces derniers jours. J'imagine que tout le monde savait que j'étais malade, et lui aussi d'ailleurs.

« Je suis ravie de voir que tu es toujours entier. Aucune demoiselle ne t'as encore sauté dessus et Aaron ne t'as pas découpé en morceaux... J'imagine que tu es plutôt bien intégré, alors. »

Je lui ai souris. J'ignore si cela se voyait, mais j'étais vraiment épuisée. Plus que d'habitude.
Si Ethan rentrait, je le tuais.

Déjà deux semaines que j'avais rejoint la communauté.
LA communauté. Celle qu'Armando voulait voir périr. Celle dont il m'avait chargé d'en tuer les leaders.

Et d'après ce que j'avais pu voir dès mon arrivée, ils étaient deux. Alexander, bien sûr, et Aaron. J'avais eu droit à un véritable interrogatoire en bon et due forme. Alexander était un ancien militaire, et ça se voyait. Ses méthodes n'avaient rien à envier aux plus dangereux des hors-la-loi.
Oh bien sûr, il ne m'avait pas touché, ça n'était pas non plus son genre, mais il avait l'art et la manière de poser tout un tas de questions pertinentes. De très bonnes questions.
J'avais joué le jeu à fond, répondant à tout.
J'avais été sincère sur toute la ligne, évitant seulement de parler de mon métier et des Venezzio. Mais tout le reste était vrai... mon enfance en Californie, la mort de ma mère, mon arrivée à New York par mes propres moyens. J'avais tout raconté dans les moindres détails.

Cela avait duré quelques jours, puis ils m'avaient laissé tranquille. Rien à me reprocher sans doute.
Sans doute...

Katarina s'était chargée de me faire visiter les lieux. De quoi alimenter mon rapport pour Armando. Il serait ravi d'apprendre tout un tas de choses.
Quelques jeunes filles avaient également attiré ma sympathie. Elles devaient être en manque de jeunes hommes, à croire...
Mais la vérité, c'est qu'elles ne m'intéressaient pas.
Oh j'avais été plutôt agréable avec elles, mais voilà tout. Je ne tenais pas à me détourner de ma mission. Pas pour le moment en tout cas.
Et ce jeune là, Riley, ne semblait pas particulièrement apprécier mon lien avec mes nouvelles amies. Un jaloux, voilà tout.

Cette dernière semaine, je n'avais pas beaucoup vu Katarina. Elle semblait très triste, et passait presque tout son temps dans sa chambre. Probablement à pleurer, même si je comprenais pas vraiment pourquoi.
En tout cas, cette "rencontre" avec Alan l'avait quelque peu perturbée. Mais pas à ce point. Quelque chose d'autre devait la travailler.

Un soir, alors que j'avais planifié de donner des nouvelles à Armando dès le lendemain, bien que je ne sache pas encore comment, je décidais de me rendre dans la salle à manger, pour réfléchir et mettre en ordre tout ce que j'avais appris au cours des deux dernières semaines. Et il y en avait un paquet à dire... trop peut-être.

Assis à une table, le regard dans le vide, Katarine fit son entrée, d'abord sans me voir. Je me redressais alors sur ma chaise, et elle réalisa qu'elle n'était pas seule.

- Eh bien, je ne suis pas la seule à ne pas pouvoir dormir on dirait.

- On dirait.

Elle s'installa en face de moi puis me sourit.

- Je suis ravie de voir que tu es toujours entier. Aucune demoiselle ne t'as encore sauté dessus et Aaron ne t'as pas découpé en morceaux... J'imagine que tu es plutôt bien intégré, alors.

Intégré. Je ne savais pas si c'était le bon mot.

- Aaron et Alexander sont méfiants, c'est normal. Mais ils ont bien vu que je n'ai rien d'un mauvais type...

Ah ah ah.


- Quant aux demoiselles, à vrai dire, je me passerais bien de leur intérêt à mon égard... elles sont gentilles et prévenantes, mais je n'ai pas vraiment... l'habitude.

J'avais toujours préféré être seul, même si ça ne m'avait jamais empêché d'avoir quelques aventures. Mais là, en pleine mission, je ne le sentais pas.
Et puis, il va sans dire que je préférais la compagnie de la jolie russe.

Je me levais pour aller chercher un simple verre d'eau puis me rassit aussitôt face à elle.

- Tu n'as pas l'air en forme en ce moment... je me trompe ?

Les rares fois où je l'avais aperçue ces derniers jours, elle avait les larmes aux yeux.

- Je ne te connais pas encore bien mais... j'aurais juré que tu es de nature plus joyeuse.

Je lui tendais une perche pour qu'elle m'explique ce qui n'allait pas. Je ne voyais vraiment pas pourquoi ni comment elle avait pu se mettre dans un tel état.
Et les larmes ne lui allaient vraiment pas...

J'ai eu un petit sourire, légèrement moqueur. Dire qu'Alexander et Aaron étaient méfiants, c'était un euphémisme. Ils n'étaient pas méfiants, ils étaient paranoïaques. Aaron surtout. Il aurait demandé à un enfant de deux ans s'il savait se servir d'une arme. Il me l'avait demandé à moi, alors que j'étais à peine capable de tenir debout. Par contre, il avait évité ça à Ethan. Pas étonnant, puisqu'il était à la limite de l'évanouissement aussitôt qu'il gardait les yeux ouverts plus d'une minute. J'ai secoué la tête doucement. Pauvre Nathaniel. Heureusement pour lui, il avait réussi à sortir de leurs griffes. Par contre, il aurait un peu plus de mal à échapper aux jeunes demoiselles de la communauté. Vous me dirait, il ne passait pas vraiment inaperçu. Riley était vert de rage. Et cela me faisait rire doucement. Il ferait peut-être plus attention à son attitude avec un rival. Les filles se lassent vite des salauds... Quoique. En ce qui me concernait, je devais être sacrément masochiste... J'ai eu un petit rire.

« Vraiment ? J'aurais pensé qu'au contraire tu avais l'habitude d'avoir des demoiselles à tes pieds. Et celles ci sont coriaces, tu vas avoir du mal à t'en défaire. »

Ce n'était pas tous les jours qu'elles pouvaient courir après un nouveau venu... Ethan avait eu la chance d'éviter cela. Évidemment, j'avais marqué mon territoire tout de suite. Et puis je crois qu'il n'était pas intéressée pat les autres... J'ai chassé cette pensée de ma tête. Voilà que je recommençais à penser au passé. Ce n'était pas une bonne chose. J'avais passé une semaine entière à pleurer en pensant au passé. J'ai regardé Nate allait chercher un verre d'eau avant de revenir vers moi. Mes mains étaient crispées sur ma tasse. Je me suis empressée de baisser les yeux, avant de soupirer. J'aurais dû me douter que j'allais avoir droit à un petit interrogatoire. Mais cela ne me dérangeait pas. Pour la simple et bonne raison que j'avais besoin de parler à quelqu'un. Quelqu'un de neutre dans cette histoire, qui ne prendrait parti pour personne.

« Non, tu as raison... Je ne suis pas en forme, c'est le moins que l'on puisse dire. »

J'avais à peine murmuré. Naïvement, j'avais pensé que je pourrais m'habituer à l'absence d'Ethan. Stupidement aussi. Je savais que j'en étais incapable. Encore moins enceinte. S'il n'était pas parti, j'aurais certainement été très heureuse. Attendre un enfant à deux, ce n'est déjà pas rien. Mais alors seule et abandonnée... C'était pire que tout. Ethan n'avait probablement pas idée de l'état dans lequel j'étais. S'il avait été en face de moi, je lui aurais certainement collé une bonne claque. J'ai inspiré à fond. Je sentais les larmes revenir. Ah. J'avais très envie de maudire mes hormones, là. Je me suis empressée d'essuyer mes yeux. Je refusais de me remettre à pleurer. Et surtout pas devant Nathaniel. Nous nous connaissions à peine et je n'avais pas envie de paraître fragile et... idiote. Surtout.

« Je suis censée sourire tout le temps, je suis censée être présente pour tout le monde et je suis censée être agréable à vivre... Regarde moi, je ne ressemble plus à rien, et surtout pas à la jolie petite infirmière que je devrais être... »

J'ai ri, me moquant de moi même. En un sens, j'étais bien contente qu'Ethan ne soit pas là pour me voir. Je ne ressemblais à rien. Mes traits étaient tirés, mes yeux cernés, et j'étais atrocement pâle. Grossesse, moment magique ? Allez dire ça à une femme seule, quelques mois après la fin du monde. Là, j'étais surtout très inquiète. Je ne me voyais pas mettre au monde un bébé dans de telles conditions. Et cet enfant, s'il n'avait pas de père, hein ? Si Ethan ne revenait jamais. J'ai passé une main dans mes cheveux. Je tremblais. J'étais à deux doigts de fondre en larmes.

« Je suis enceinte, Nate. Et le père est parti je ne sais où, en me laissant complètement seule. Je ne sais pas quoi faire... Si Ethan ne rentre pas... »

J'ai secoué la tête doucement. Je ne savais pas pourquoi Alexander l'avait laissé partir. Mais à mes yeux, il n'y avait aucune raison valable. J'ai relevé la tête avant d'avoir un petit sourire désolé.

« Je suis bête, ces histoires ne t'intéressent certainement pas. Je ne devrais pas t'embêter avec ça, excuse moi. »

- Non, tu as raison... Je ne suis pas en forme, c'est le moins que l'on puisse dire.

Un arbre l'aurait sans doute remarqué.
Elle inspira profondément et essuya ses yeux. Je ne la lâchais pas du regard.

- Je suis censée sourire tout le temps, je suis censée être présente pour tout le monde et je suis censée être agréable à vivre... Regarde moi, je ne ressemble plus à rien, et surtout pas à la jolie petite infirmière que je devrais être...

Euh... bon, là, il fallait que je dise quelque chose. Et quelque chose de censé, de préférence.

- Mademoiselle Katarina ! Je t'interdis de dire ça ! Tu as le droit de ne pas être à 100% tout le temps, tout le monde a des coups de blues parfois... moi y compris.
Et sérieusement, tu ne me feras pas croire que tu ne ressembles plus à rien. Tu es magnifique, comme d'habitude.

Et c'était complètement sincère.
Malheureusement pour moi, elle coupa court à mon imagination débordante...

- Je suis enceinte, Nate. Et le père est parti je ne sais où, en me laissant complètement seule. Je ne sais pas quoi faire... Si Ethan ne rentre pas...

Enceinte !
Elle était enceinte.
OK.
Euh...
Quoi dire ?

Ethan, c'était qui ça Ethan d'abord ?
Deux semaines que j'étais là et je n'avais jamais entendu ce nom là.

Katarina se confondit en excuse en voyant ma mine désappointée.

- Je suis bête, ces histoires ne t'intéressent certainement pas. Je ne devrais pas t'embêter avec ça, excuse moi.

Je lui pris alors la main, comme pour la rassurer.

- Non... non c'est pas ça. Je suis content que tu me dises ce qui ne va pas mais... c'est juste que j'avais jamais entendu parler de... de cet Ethan. Alors forcément, je suis un peu surpris, voilà tout.

Alors comme ça, cet Ethan était parti, laissant une Katarina seule, et enceinte.
Inutile de préciser que cela me faisait penser à mon père. Parti sans un mot alors que j'avais à peine une dizaine d'années.
Un véritable enfoiré.

- Par les temps qui courent, c'est pas non plus facile d'élever un enfant... mais si y'a bien quelqu'un capable de le faire, c'est toi.
Tu es douce, prévenante, intelligente... tu seras une mère fantastique.

Et tant pis si l'autre abruti avait préféré se barrer, il ne savait pas ce qu'il loupait. Bien fait pour lui.

- Cet Ethan... il est au courant que tu es... enceinte ?

Après tout, peut-être ne le savait-il pas. Non pas que cela l'excusait d'être parti, mais disons que ça le rendait moins stupide.
La pauvre était très mal, et je savais très bien que je n'étais vraiment pas doué pour remonter le morale des troupes. Surtout des jolies jeunes femmes...

J'ai relevé la tête vers lui, incrédule. Moi, magnifique ? Ce n'était vraiment pas le moment de me faire ce genre de compliment... Mais j'ai souris. C'était gentil de se part de me remonter le moral. L'espace d'une seconde, je me suis demandée s'il était sincère ou s'il disait cela pour me faire plaisir. Parce que je ne me sentais pas jolie du tout... Mais alors vraiment pas. J'aurais peut-être dû essayer de prendre soin de moi. Mais là je sortais à peine de ma chambre... Je mettrais un sourire niais sur mon visage plus tard. Pour le moment je m'en fichais complètement. J'étais juste terriblement malheureuse et j'avais besoin de me confier à quelqu'un. Et ce quelqu'un serait Nathaniel. J'étais pratiquement sûre qu'il n'était pas du genre à me juger. Et puis s'il le faisait tant pis, il aurait certainement le droit à une crise de larmes. La faute aux hormones. Une petite voix me disait que j'étais le genre de femme enceinte incapable de se contrôler. Les prochains mois allaient être merveilleux, je le voyais venir...

Il a fait une drôle de tête quand je lui ai dit que j'étais enceinte. J'imagine qu'il ne s'y attendait pas. Évidemment, j'avais lancé cela dans la conversation comme une banalité. Comme si tout le monde était au courant, alors que je ne l'avais dit à personne. Pas même à ma meilleure amie. Je n'avais envie de le dire à personne d'autre pour le moment. Nate, lui, ne savait pas qui était Ethan, il n'avait aucune idée de ce qu'il s'était passé entre nous. Alors que les autres savaient tout... Ils auraient pris parti ou se seraient apitoyés sur mon sort. Et je n'avais vraiment pas besoin de ça. J'ai eu un petit sursaut quand il a pris ma main. Mais je l'ai laissé faire. Sa main était chaude, la mienne était glacée. J'imagine qu'il essayait de me rassurer. Et j'avais bien besoin de quelqu'un pour me rassurer. J'ai eu un petit sourire triste. J'appréciais le geste, néanmoins. Il ne savait pas qui était Ethan, comme je l'ai dit. J'ai eu un petit soupir. Et puis je me suis mordue la lèvre, comme si j'étais gênée.

« Ethan est... Etait mon fiancé. Il est le bras droit d'Alexander. Son frère, en quelque sorte. C'est normal que tu ne le connaisses pas. Ça fait presque un mois qu'il est parti, je ne sais trop où... »

J'ai eu un autre soupir. J'ai secoué la tête doucement, comme pour chasser d'éventuelles nouvelles larmes. J'avais envie de maudire Alexander, qui avait laissé Ethan partir et qui l'avait encouragé à le faire, très certainement. Mais comment avait-il osé ? Il n'avait pas le droit... Et Aaron qui n'avait rien dit ! J'ignore si j'avais le droit de leur en vouloir. Ils faisaient passer la communauté avant notre histoire, et ils avaient raison. Mais cela me rendait terriblement malheureuse. La faute aux hormones peut-être ? Pff, je ne pouvais pas tout leur mettre sur le dos. Ce serait trop facile. J'ai secoué la tête doucement.

« Mais je ne suis pas prête à être mère... Je n'avais jamais pensé l'être... Et pas seule. Même si Ethan m'a quittée, j'aurais bien besoin de lui... Toute seule, je ne tiendrais pas le coup. »

Et pourtant il le faudrait. Pour le bébé. Je n'avais le droit de mettre cet enfant en danger. Il n'avait rien demandé à personne, il n'avait pas demandé à être là. Et puis l'air de rien, cet enfant... C'était quand même un petit bout d'Ethan qui grandissait en moi. En temps normal, j'aurais considéré que c'était un merveilleux cadeau. Mais là j'avais encore du mal à savoir si ce bébé était une bénédiction ou non. Et puis je voulais qu'il ait une vie correcte. Le pauvre serait déjà précipité dans un monde dangereux et noir dès sa naissance.

« Non, il ne sait pas. J'imagine qu'il ne serait pas parti s'il avait su. Enfin après tout, il a tellement changé ces derniers temps que je ne sais pas vraiment ce qu'il aurait fait. »

Ma tasse avait refroidi. Mais peu importait. J'ai appuyé ma tête sur ma main.

« Qu'est-ce que tu ferais toi, à ma place ? Je pourrais bien essayer de passer à autre chose, mais je n'y arriverais jamais... »

Mais je ne pouvais pas l'attendre éternellement non plus... Les questions se bousculaient dans mon esprit, sans qu'aucune réponse ne les suive.

- Non, il ne sait pas. J'imagine qu'il ne serait pas parti s'il avait su. Enfin après tout, il a tellement changé ces derniers temps que je ne sais pas vraiment ce qu'il aurait fait.

Ainsi, il ne savait pas. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir d'être parti alors. Enfin je ne savais pas... je ne connaissais pas cet Ethan encore 1 minute auparavant. Je ne pouvais pas le juger comme ça.

En tout cas, l'information essentielle ici, était le fait qu'Ethan soit le bras droit d'Alexander. Enfin... était.

Katarina me posa alors une question... à laquelle je ne m'étais pas du tout attendu.

- Qu'est-ce que tu ferais toi, à ma place ? Je pourrais bien essayer de passer à autre chose, mais je n'y arriverais jamais...

Ouhla.
J'avais du mal à m'imaginer à la place d'une femme enceinte tout de même.
Je devais tirer une drôle de tête... la jolie russe attendait ma réponse impatiemment.

- Hé bien... à vrai dire... je ne sais pas trop. Je ne connais pas cet Ethan, et je ne connais pas votre histoire.

C'était peut-être pour ça qu'elle me demandait mon avis. Parce que je ne les connaissais pas, et que je ne pouvais donc émettre aucun jugement à ce propos. Bien joué.

- La seule chose que je peux te conseiller, c'est de te demander ce que tu ressens pour lui. Est-ce que tu l'aimes ?

A voir comme elle en parlait, c'était plutôt évident. Mais il fallait souvent entendre les choses à voix haute pour en être persuadé.
Enfin, en amour, je n'avais pas vraiment de conseil à donner. J'étais véritablement mauvais à ce jeu là. Peut-être parce que je n'avais jamais rencontré la fille idéale non plus. Mais allez lui raconter que vous êtes tueur professionnel aussi... pas exactement le genre de profession à les faire tomber à la renverse. Enfin, façon de parler.

Je regardais la jolie docteur...

- A ta place, je ne me ferais pas de souci. Si ce type tient à toi, il reviendra. Et si ce n'est pas le cas, dis-toi que ça n'aura pas été une grande perte, tu vaux mieux que ça. Et ton futur enfant vaut mieux que ça, surtout.

Et bla bla bla. N'importe quoi.
Enfin c'était pas bête en même temps. Je me surprenais moi-même à ce stade là. Armando rigolerait bien en m'entendant parler.

- Et puis, je me fais pas trop de bile pour toi... avec tous les gens qui tiennent à toi ici, ton bébé sera plus que bien entouré.

Et mieux valait être bien entouré en ces temps difficiles. Et si un père ne pouvait ou ne souhaitait pas prendre soin de son enfant, alors tant pis. Quelques amis s'en chargeraient à sa place. Il ne savait probablement pas ce qu'il perdait.

Néanmoins, il faudrait que j'enquête un peu. Voir si cet Ethan avait été aperçu quelque part par les troupes d'Armando. Hmmm... à méditer.

- Dis-moi, quelqu'un est au courant ici de ce qui t'arrive ? Parce qu'ils se font du souci pour toi. Enfin, surtout Gabrielle, d'après ce que j'ai pu comprendre.

Gabrielle, la femme d'Alexander, était une femme douce et sensible, agréable avec tout le monde. Même avec moi.
Je commençais à trépigner nerveusement. Je n'avais pas vraiment l'habitude des conversations si sérieuses avec une jeune femme. Je ne rêvais que d'une seule chose, respirer de l'air frais. Je n'étais pas claustrophobe, mais cela faisait déjà deux semaines que je n'avais pas mis le nez dehors.

Je me levais alors de ma chaise, une idée un peu folle en tête.

- Ca te dit de prendre un peu l'air ?

Devant le regard interloqué de Katarina, je précisai.

- Pas loin, juste devant une sortie... histoire de respirer un peu d'air frais... quelques minutes.

Elle ne répondait pas.

- S'il te-plaît, juste quelques instants, ça nous fera du bien. Et puis... tout seul, ils ne me laisseront pas sortir, pas encore.

Est-ce que je l'aimais ? J'étais sûre que ce devait être une question posée comme ça, pour la forme. Parce que j'avais l'impression que la réponse était claire. Je ne me serais pas mise dans un état pareil si cela n'avait pas été le cas. Cela aurait été certainement plus facile pour moi si je ne l'aimais plus. Mais je pourrais bien faire tous les efforts du monde, je ne pourrais jamais oublier Ethan, je ne pourrais jamais en aimer un autre que lui. J'avais toutes les raisons du monde de le détester pourtant. Il m'avait quittée sans explication, et plusieurs fois, il m'avait menti... Je pouvais bien faire mine de le haïr, je savais que je n'éprouverais plus une once de haine devant lui. De la colère au pire... Mais c'était si éprouvant d'être séparée de lui que lui aurais pardonné n'importe quoi. Et ça n'allait pas du tout. Je devais absolument me reprendre. De toute façon je ne savais même pas si Ethan allait revenir ou non... Autant essayer de me relever, sans lui. Mais me laisser tenter par un autre, ça certainement pas. J'ai fini par soupirer franchement.

« Oui, je l'aime. Même si je ne suis pas sûre qu'il le mérite encore. »

Pas sûre du tout même. C'est quand même drôle l'amour. Enfin, drôle... Plus douloureux en réalité. Mon père avait bien raison quand il me conseillait de faire attention à l'amour. J'aurais vraiment dû écouter mon père. Il y avait vraiment des fois où je regrettais d'être venue aux USA... Horrible n'est-ce pas ? Il y a quelques semaines encore, je bénissais cette guerre parce qu'elle m'avait permis de rencontrer Ethan. Je n'étais plus aussi certaine de la bénir, aujourd'hui... Bien sûr, j'avais rencontré des personnes extraordinaires... Mais ils y avaient bien des choses que j'aurais souhaité éviter. Cette situation, par exemple. Il y avait tout de même mieux comme situation. Je n'avais décidément pas de chance. Qu'Ethan m'abandonne était une chose. Mais que je me découvre enceinte juste après cet abandon... Non, vraiment ce genre de chose n'arrivait qu'à moi. Je n'aspirais qu'à un peu de calme, qu'à une vie tranquille... Et j'avais le droit à quoi ? Armageddon puissance quatre.

« Bien entouré, oui... Mais il aura besoin d'un père... Je sais ce que ça fait d'être privé de l'un de ses parents. Je ne veux pas que cela lui arrive. »

Moi j'avais perdu ma mère, et elle m'avait toujours manqué. Les quelques conquêtes de mon père m'avaient, au mieux, horripilée. Ethan avait beau être parti, il avait beau me faire souffrir, j'aurais voulu qu'il soit là. Pas pour moi, mais pour cet enfant. Enfin, un peu pour moi aussi. Si on me disait que du jour au lendemain les choses s'arrangeraient entre nous, je sauterais sur l'occasion. Mais il ne fallait pas rêver. Je n'aurais certainement pas le droit à un cadeau pareil. J'ai haussé les épaules avec une désinvolture feinte.

« Non, je n'ai osé le dire à personne. Tu es le premier à qui j'en parle. J'imagine que c'est parce que tu es neutre dans cette histoire... Malgré nous, à peu près toute la communauté est au courant de ce qui nous est arrivé. Les gens ont vite fait de prendre parti... Gabrielle est ma meilleure amie, mais je n'ai pas vraiment envie de l'entendre maudire Ethan... Ça, je le fais bien toute seule. »

J'ai eu un petit rire. Ah, le pauvre Ethan, s'il savait combien je le maudissais parfois... Oh, il devait bien le savoir. Je lui avais bien fait sentir par moments. J'ai eu un petit sursaut quand il s'est levé. L'espace d'une seconde, j'ai bien cru qu'il allait partir en courant. Mais non, il voulait prendre l'air... J'ai ouverts de grands yeux étonnés. Prendre l'air ? Je me suis mordue la lèvre. J'ai affiché un petit air désolé.

« Je ne peux pas, Nate... Alexander m'a formellement interdit de mettre un pied dehors. J'ai déjà désobéi une fois et crois moi je n'ai aucune envie de me retrouver enfermée dans ma chambre. »

C'était ça, la menace. Rester enfermée dans ma chambre pour faire pénitence. J'ai levé les yeux au ciel. Parfois je m'agaçais moi même.

« Et en plus de ça j'ai promis à Ethan que je ne sortirais pas, à cause d'Alan... Le problème c'est que je suis du genre à tenir mes promesses... »

Bon d'accord, j'étais sortie une fois et j'étais tombée sur lui. Mais je n'étais pas prête à réitérer l'expérience.

« Et puis, si tu dis à Alexander que tu as besoin de sortir, il s'arrangera pour t'envoyer chercher des vivres ou quelque chose du même genre. Il le fait souvent, avec Ethan. »

Ethan, Ethan, toujours Ethan. Je n'avais décidément que ce nom là à la bouche.

Malgré mes supplications, Katarina refusa.

- Je ne peux pas, Nate... Alexander m'a formellement interdit de mettre un pied dehors. J'ai déjà désobéi une fois et crois moi je n'ai aucune envie de me retrouver enfermée dans ma chambre.

Il était vrai que la dernière fois, le jour de notre rencontre, Alexander lui avait fait passer un mauvais quart d'heure pour avoir désobéi. Et ça pouvait se comprendre vu l'état des rues de New York. Surtout qu'on ne savait jamais sur qui on pouvait tomber...

- Et en plus de ça j'ai promis à Ethan que je ne sortirais pas, à cause d'Alan... Le problème c'est que je suis du genre à tenir mes promesses...

Ah oui, Alan. Le type armé que nous avions croisé en rentrant. Je ne savais toujours pas qui il était, à part qu'il n'avait pas l'air d'être super sympa. Et que Katarina ne semblait pas le porter dans son coeur.


- Et puis, si tu dis à Alexander que tu as besoin de sortir, il s'arrangera pour t'envoyer chercher des vivres ou quelque chose du même genre. Il le fait souvent, avec Ethan.

Je me rassis en face d'elle, un peu déçu, mais je comprenais tout à fait sa réaction. C'était dangereux dehors, même pour quelques minutes.
Néanmoins, elles m'avaient donné plusieurs informations essentielles.

- Tu crois vraiment qu'il me laisserait sortir ? J'avoue que je ne pensais pas que cela puisse être si facile... il n'a pas encore totalement confiance en moi.

Mais cela n'était qu'une question de temps. Je ne prévoyais rien à leur encontre pour l'instant. Les informations que j'allais apporter à Armando étaient trop importantes pour qu'il se décide à les assassiner tout de suite.
Oh ça oui, il allait d'abord s'arranger pour les sucer jusqu'à la moelle.

Et pour chercher des vivres, si c'est ce qu'ils voulaient, ça serait facile. Je n'avais qu'à me servir dans les réserves du clan Venezzio.

- J'ai quelques idées pour trouver des vivres, il est vrai... J'irai en parler à Alexander dès demain.

Donc, si on voulait sortir, il suffisait de demander. Et d'avoir une bonne raison. Facile.
Ou presque.

Changeons de sujet.


- Il te fait vraiment peur cet... Alan ? C'est qui au juste ?

Elle avait été vraiment terrifiée par ce type. Il faudrait que je me renseigne de ce côté. Etait-ce juste une petite frappe ou bien un poids lourd dans le merveilleux monde des hors-la-loi ?
A ma question, le visage de Katarina se referma et se crispa.

- T'es pas obligée de répondre si tu n'en as pas envie. C'est juste que... que j'ai l'impression qu'il t'a fait très peur.

Et ça c'était vraiment peu dire.

J'ai haussé les épaules.

« Tu sais, ce n'est pas une prison ici. Tout ce que je veux Alexander, c'est offrir un abri à ceux qui en ont besoin. Si tu as une bonne raison, il te laissera sortir. Du moment que tu ne mets personne en danger, tout va bien. »

Alexander n'était pas un geôlier. En règle général, il laissait sortir ceux qui le voulaient, ou ils les envoyait chercher quelque chose. Quoiqu'en y repensant bien, il avait un peu mal à laisser les femmes sortir. Je crois bien que Gabrielle n'avait jamais mis un pied dehors. Et moi je n'étais pas prête de ressortir, ne serait-ce que parce qu'il avait fait une promesse à Ethan. Mais de toute façon, je n'avais pas l'intention de remettre un pied dehors. Il était hors de question que je mette le bébé en danger. Et puis avouons le j'avais eu une peur bleue. Je n'avais pas vraiment vu Alan, mais rien que le savoir près de moi m'avais glacée sur place. Heureusement pour moi, Nate avait été là. Je préférais ne pas imaginer ce qui ce serait passé si j'avais été seule. Je ne serais probablement jamais rentrée. Je n'ai pas pu m'empêcher de culpabiliser. Si j'avais su que j'étais enceinte à ce moment là, j'aurais envoyé quelqu'un d'autre chercher les médicaments. Peut-être que Nathaniel serait tout de même parmi nous à l'heure qui l'est. Qui sait... J'ai relevé les yeux vers Nathaniel.

« Oh, oui, si tu sais où trouver des vivres, Alexander te laissera sortir. Il est même possible qu'il t'accompagne. Mais il sera ravi, c'est certain. »

Trouver de quoi survivre était de plus en plus compliqué. Je savais qu'Alexander et Aaron étaient de plus en plus inquiets pour nous. Nous avions pas mal de problèmes avec les types qui s'étaient appropriés les quartiers importants... Certains d'entre nous n'étaient pas revenus de leurs voyages. J'ai eu un petit soupir. Je me demandais vraiment quel avenir aurait mon enfant... notre enfant. Il n'était pas né et pourtant j'étais déjà morte d'inquiétude. Je n'avais jamais pensé à avoir des enfants quand le monde allait bien. Et voilà que je me retrouvais enceinte juste après l'apocalypse. Et toute seule... J'ai refoulé un tremblement. Je sentais que j'allais me remettre à pleurer. Et je n'avais aucune envie de me remettre à pleurer. Pas devant Nate en tout cas. Et puis je devais apprendre à être forte. On n'élevait pas un enfant en pleurant tout le temps.

Je me suis sentie me crisper quand Nathaniel m'a demandé qui était Alan. J'ai baissé les yeux et j'ai bu mon thé d'un train. Il avait refroidi, il était immonde, mais tant pis. Et puis j'ai soupiré. En effet, il m'avait fait très peur. Il avait été bien obligé de le remarquer. Je me serais retrouvée avec le diable que je n'aurais pas eu si peur.

« Ethan connaissait Alan. Et pour une raison un peu obscure, Alan a décidé de foutre en l'air la vie d'Ethan. D'après lui, si cet Alan me trouve... Eh bien pour parler franchement, je risque de passer un très mauvais moment. Je risque de ne pas survivre à ce très mauvais moment.»

Tu parles, elles n'étaient pas obscures du tout les raisons pour lesquelles Alan voulait se venger. Ethan avait tué sa petite ami par accident et il était bien décidé à le lui faire payer. Mais je n'avais pas très envie de dévoiler le passé d'Ethan à Nathaniel. Je n'avais pas envie de le faire passer pour un véritable salaud, même si au fond, il l'aurait bien mérité. J'étais décidément trop gentille.

« De toute façon je n'ai pas l'intention de sortir encore une fois. Ce serait bien trop dangereux et je refuse de mettre le bébé en danger. Une fois c'est bien assez. »

J'ai baissé les yeux sur ma tasse vite. Je l'ai écartée lentement, avant de prendre ma tête entre mes mains.

« Oh, il va falloir que je mette les autres au courant de cette grossesse... Ça va finir par se voir de toute façon. Je vais encore être la pauvre petite chose fragile... Tout le monde me plaignait déjà, je n'ose imaginer ce que ça va être... »

Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un petit rire moqueur envers moi même.

Katarina but son thé d'un seul trait, puis soupira longuement...

- Ethan connaissait Alan. Et pour une raison un peu obscure, Alan a décidé de foutre en l'air la vie d'Ethan. D'après lui, si cet Alan me trouve... Eh bien pour parler franchement, je risque de passer un très mauvais moment. Je risque de ne pas survivre à ce très mauvais moment.

Donc Alan était l'ennemi d'Ethan. Intéressant. Enfin, de mon point de vue en tout cas. Si j'avais envie d'être loyal envers Armando, il me suffisait de lui dire de trouver cet Alan et de lui faire rencontrer Ethan fortuitement. Mais encore fallait-il que ce dernier revienne un jour.
Mais Katarina, elle, n'avait rien fait. Et puis je ne m'en prenais jamais aux femmes. Alors jamais je ne lui ferais rencontrer ce type volontairement. Hors de question.

- De toute façon je n'ai pas l'intention de sortir encore une fois. Ce serait bien trop dangereux et je refuse de mettre le bébé en danger. Une fois c'est bien assez.

Vu la tête qu'elle avait tiré en entendant le prénom Alan, je m'en serais bien douté.
Je me rendis alors à l'évidence...

- Inutile de sortir, alors.

Je parlais pour elle, bien sûr.
Moi, il faudrait que je trouve une raison de sortir dès demain. Armando devait déjà se demander ce que je fabriquais. J'étais censé lui donner des nouvelles une fois par semaine, et en voilà deux où je n'avais rien pu faire.

Katarina changea alors de sujet, revenant sur sa grossesse.


- Oh, il va falloir que je mette les autres au courant de cette grossesse... Ça va finir par se voir de toute façon. Je vais encore être la pauvre petite chose fragile... Tout le monde me plaignait déjà, je n'ose imaginer ce que ça va être...

Elle ria légèrement, ce qui me fit sourire.
Je ne la voyais pas exactement comme ça pourtant...

- Toi ? Une petite chose fragile ? Alors qu'il y a à peine deux semaines tu as osé sortir seule dans la ville... tout ça pour massacrer à coup de batte un pauvre casier sans défenses ! J'aurais pas aimé être à sa place...

Je me mis à rire.

- Et tu as ramené tout un tas de médicaments et de matériel médical utile ! Sans compter, que tu es rentrée sans encombres... ou presque.
Non, vraiment, tu n'es pas une petite chose fragile. Tu as eu du courage. Braucoup de courage, et peu ici peuvent se vanter d'en avoir fait autant que toi.

Ils se comptaient sur les doigts de la main. Pratiquement personne n'osait sortir, à part quand il le fallait vraiment. Et les volontaires étaient rares.

- Par contre... oui, il faudra bien leur dire un jour que tu va être... maman.

Elle releva la tête lorsque je prononçais le mot "maman". Comme si elle réalisait tout ce que cela impliquait.
Mais j'étais persuadé que tout le monde allait être ravi. Ravi pour Katarina. Mais furieux contre Ethan qui était parti.
Si jamais il décidait de revenir, cela n'allait pas être une mince affaire. Ce qui m'arrangeait plutôt. Diviser pour mieux régner, hein ?

Armando tout craché.

Je commençais à sentir la fatigue m'envahir peu à peu. Alors qu'il y a quelques minutes, j'étais encore en pleine ébullition. Je lâchais un bâillement.

- Tu te sens prête ?

Je parlais bien évidemment du fait de devenir mère. Pas évident dans ce monde là en tout cas. Ni dans un monde normal, d'ailleurs.

J'ai eu un petit sourire en repensant à ce pauvre casier que j'avais massacré. Il est vrai que je n'avais pas dû lui paraître très... fragile à ce moment là. Mais il était tombé sur moi à un moment où j'avais vraiment besoin de me défouler. J'étais tellement en colère contre Ethan. Ah, s'il avait été en face de moi, il aurait passé un sale quart d'heure. Mais j'avais préféré exploser un casier rempli de médicaments. J'avais allié l'utile à l'agréable, comme on dit. Mais je n'étais pas souvent dans un tel état. J'étais certainement plus du genre à pleurer dans mon oreiller en ce moment. Quoique j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps, alors je n'avais plus qu'à sortir la tête de l'eau. Et puis si je ne le faisais pas, quelque chose me disait que quelqu'un allait le faire pour moi. D'un côté, j'appréciais vraiment ce que Nate faisait pour moi. C'était touchant qu'il se préoccupe de moi alors que nous nous connaissions à peine. J'ai senti mon coeur se serrer. Moi même je n'avais pas hésité une seconde à m'occuper d'Ethan, alors qu'il allait si mal. À croire que le caractère se Saint Bernard était plus répandu que prévu... Il a ri et je lui ai souri.

« Si tu n'avais pas été là, je ne serais pas rentrée du tout je crois. Et détrompe toi, je ne suis pas courage... Je suis totalement irresponsable. Sortir seule et sur un coup de tête c'était stupide, pas courageux. »

Mais ma stupidité avait été utile, pour une fois. J'avais ramené assez de médicaments pour que nous puissions tenir un moment. Ce n'était pas du luxe. D'après ce que j'avais entendu, Alexander avait prévu une nouvelle mission pour aller chercher des vivres. Je ne sais pas trop qui il avait l'intention d'emmener avec lui, mais en tout cas on ne m'avait pas fait signe. Normal j'avais interdiction formelle de mettre un pied dehors. Et dans quelque temps, j'imagine qu'on me laisserait à peine sortir de ma chambre. J'allais adorer cette grossesse... Surtout si une certaine personne ne revenait pas. Je ne me voyais pas enceinte. Enfin, vraiment enceinte. Et j'avais du mal à me dire qu'il y avait vraiment un bébé dans mon ventre. Peut-être justement parce que je n'avais encore aucunes formes... Bah, cela viendrait bien assez vite. D'après mes estimations j'en étais déjà à deux mois de grossesse. Je n'allais certainement pas tarder à m'arrondir.

J'ai relevé la tête en entendant le mot «maman». J'ai dû faire une drôle de grimace. Être mère, être maman... Ce n'était pas tout à fait la même chose. Ça a été plus fort que moi, j'ai posé une main sur mon ventre. Moi, maman. C'est mon père qui aurait sauté de joie. Lui qui rêvait d'être grand-père.. Je me suis rendue compte que cet enfant n'aurait pas de famille. Enfin, pas de vraie famille. Il aurait tout juste une mère... Un père ? Pour le moment rien n'était moins sûr. Oh bien sûr, les gens de la communauté, mes amis, se feraient une joie d'entourer ce bébé... Mais ce ne serait pas pareil. Ce ne serait jamais pareil. Je n'ai pu m'empêcher de soupirer. On ne pouvait pas dire que cet enfant partait bien dans la vie.

« Non. Non, je ne me sens pas prête du tout. Je n'avais jamais pensé à ça avant... »

J'ai secoué la tête doucement. Je me suis levée et j'ai fait quelques pas avant d'aller m'appuyer contre un mur. J'avais gardé mes deux mains sur mon ventre. Moi qui avais déjà un instinct maternel surdéveloppé, qu'est-ce que ce serait avec mon propre enfant ! Il faut croire que j'y étais déjà énormément attachée en plus. Pendant une seconde, je me suis demandée ce qu'aurait pensé Ethan s'il avait su que j'étais enceinte. Serait-il vraiment parti ? Je n'en avais aucune idée, et c'était bien le problème. C'était comme s'il était devenu un parfait inconnu... Ce qui en soit, était terrible.

« C'est stupide n'est-ce pas ? Quand on passe des mois et des mois avec quelqu'un, on devrait penser à ce genre de chose, non ? Je devais avoir la tête ailleurs... »

J'ai soupiré.

« Qu'est-ce que tu ferais, si tu étais à ma place ? Enfin, je me doute bien que tu ne peux pas vraiment te mettre à ma place. Tu n'es pas une femme, et encore moins une femme enceinte. Mais à ton avis, je devrais attendre Ethan désespérément, ou tenter de passer à autre chose ? Je suis bien incapable de répondre à cette question toute seule. »

J'ai fait la moue. J'avais du mal à démêler mes sentiments et ma raison. La faute aux hormones, dira-t-on.

Elle posa sans doute instinctivement ses mains sur son ventre, puis soupira.

- Non. Non, je ne me sens pas prête du tout. Je n'avais jamais pensé à ça avant...

Pensé à simplement devenir mère, ou à devenir mère dans un monde post-apocalyptique et qui plus est, sans père ?
Elle se leva doucement pour aller s'appuyer contre un des murs de la salle tandis que je la suivais du regard. Elle semblait perdue dans ses pensées, comme si un millier de choses la perturbaient soudainement.

- C'est stupide n'est-ce pas ? Quand on passe des mois et des mois avec quelqu'un, on devrait penser à ce genre de chose, non ? Je devais avoir la tête ailleurs...

Oui, enfin bon, on ne pouvait pas non plus TOUT prévoir.

- Je ne dirais pas que c'est stupide...

On ne peut pas non plus se dire à l'instant même où on est avec quelqu'un que l'on va tomber enceinte ou que l'on va devenir père. Les humains ne sont pas si terre à terre, ou paranos... au choix.

- Qu'est-ce que tu ferais, si tu étais à ma place ? Enfin, je me doute bien que tu ne peux pas vraiment te mettre à ma place. Tu n'es pas une femme, et encore moins une femme enceinte. Mais à ton avis, je devrais attendre Ethan désespérément, ou tenter de passer à autre chose ? Je suis bien incapable de répondre à cette question toute seule.

Et voilà. Je me retrouvais conseiller matrimonial à mon insu. Et je n'étais pas très doué pour ça. Personne ne m'avait jamais demandé pareils conseils, et surtout pas une femme enceinte.
Je me levais doucement pour m'approcher d'elle de quelques pas tout en réfléchissant à ce que je pouvais bien lui répondre. Les idées ne se bousculaient pas dans ma tête, et je ne voulais pas non plus lui dire n'importe quoi.
J'aimais bien cette fille, et je ne voulais pas de mal. Pas à elle.

- Tu l'aimes, je n'ai pas de doute là-dessus. Mais il est parti... alors je crois que... que tu ne devrais peut-être pas trop t'attarder sur lui. Pense à toi, pense à ton bébé. Et puis qui sait... peut-être qu'il reviendra. Mais au cas où, il vaut peut-être mieux passer à autre chose.

Elle ne pouvait tout de même pas s'accrocher à son souvenir éternellement. S'il ne revenait pas, elle ne s'en remettrait jamais.

- Enfin... c'est ce que je ferais... je pense.

J'étais très loin d'être expert en la matière.

- Loin de moi l'idée de remuer le couteau dans la plaie mais... y a t-il une raison particulière à son départ ?

Il y avait en réalité plusieurs possibilités.
Soit il était parti définitivement car il estimait de plus rien avoir à faire ici.
Soit il était parti quelques temps pour prendre un peu de recul sur sa vie ou je ne savais trop quoi...
Soit il n'aimait plus la jolie russe...

Rah. Il y avait trop de raisons plausibles.

- Ce que j'entends par là... en réalité... c'est plutôt : est-ce que tu as un lien avec son départ ? C'est à cause de toi ? Pour toi ?

La réponse à cette question pouvait être déterminante sur le fait qu'il revienne ou non.
Les mecs sont souvent plus susceptibles qu'il n'y paraît...

Passer à autre chose. C'est bien ce que je pensais. Nate avait raison. Il était temps de se prendre en main. J'avais vingt-cinq ans, je n'étais plus une enfin irresponsable. Au fond, je savais très bien ce qu'il fallait que je fasse. Mais entendre quelqu'un me le dire, c'était plus motivant. Plus encourageant. Je devais maintenant envisager ma vie sans Ethan. Il était parti, alors j'allais partir du principe qu'il ne reviendrait pas. J'allais enfermer ce que je ressentais pour lui dans une boite et j'allais jeter la clé. Cela valait mieux pour tout le monde. Évidemment, tout n'irait pas merveilleusement bien du jour au lendemain. J'allais certainement me taper quelques crises de larmes, mais je finirais par aller mieux. Il le fallait de toute façon. Je devais être prévoyante et faire comme si Ethan était sorti de ma vie. Définitivement. Je ne devais plus souffrir pour lui, à cause de lui. Tout cela avait trop duré. Et comme je le disais souvent, on ne peut pas vivre dans le passé. Il était temps pour moi d'appliquer mes propres principes à moi-même.

J'ai étouffé un bâillement. Il fallait vraiment que je sois désespérée pour demander des conseils à Nate. Mais au moins, lui ne connaissait pas Ethan, il avait un regard neutre sur lui. Enfin j'imagine. J'aurais bien été voir Alexander, mais il était beaucoup trop proche d'Ethan, il lui aurait certainement trouvé toutes les excuses du monde. Et Gabrielle ne lui aurait justement trouvé aucune excuse. Deux poids, deux mesures... J'aurais pu aller voir Lilly aussi. Mais elle se serait contentée de me secouer. Or j'avais besoin de parler. Vous me direz, elle m'aurait certainement remis les idées en place. Mais j'étais tombée sur Nathaniel en premier... Le pauvre n'avait certainement pas l'habitude de servir de confident à une femme enceinte complètement perdue. J'ai soudain fait une drôle de grimace.

« Il y auraient des milliers de raisons à son départ... Ethan est un homme assez... compliqué. »

Ou du moins il l'était devenu. Je ne comprenais plus ses humeurs, ses sentiments... Nous étions passés du rire aux larmes très souvent ces derniers temps. Il m'avait promis qu'il serait toujours là... Eh bien ces dernières semaines j'avais bien cherché, je ne l'avait pas trouvé prêt de moi. Alors soit j'avais besoin d'une bonne paire de lunettes, soit il n'avait pas tenu sa promesse. Et puisque personne ne l'avait vu ces derniers temps, c'était la solution numéro deux. J'ai soupiré.

« Il est parti à cause de moi et pour moi. Enfin soit disant. Ces derniers temps il disait toujours que j'étais en danger, il disait toujours qu'il voulait me protéger d'Alan et de son passé... »

J'avais entendu ça des dizaines de fois. Et j'avais que je n'avais pas tout compris... Enfin si. Mais je ne voyais pas pourquoi c'était si important que cela pour lui. Si je ne sortais pas, nous n'avions pas besoin de nous torturer inutilement. À moins qu'il y ait quelque chose qu'il, n'ait pas dit ? J'avais l'impression qu'il me cachait beaucoup de choses et cela ne me plaisait pas du tout...

« Personnellement je le soupçonne d'avoir voulu se fuir lui même, ainsi que ses responsabilités. Mais je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas dans sa tête et surtout je me suis rendue compte que je ne le connaissais pas tant que ça, en réalité. »

Triste constat. Mais c'était la vérité... J'avais l'impression qu'Ethan était devenu un étranger. Alors que je croyais le connaître mieux que personne. Mais quand je m'étais réveillée seule dans son lit, j'avais réalisé que je ne pouvais plus lui faire confiance. Je lui avais accordé ma confiance trop souvent. Une fois de trop, apparemment...

« Un conseil, Nate, évite de tomber amoureux. Cela apporte plus d'ennuis qu'autre chose, au bout du compte... »

Seulement voilà, s'il y avait une chose qu'on ne voyait pas venir, c'était l'amour.

Dans le genre compliqué, ce mec avait l'air d'en tenir une sacrée couche...

- Il est parti à cause de moi et pour moi. Enfin soit disant. Ces derniers temps il disait toujours que j'étais en danger, il disait toujours qu'il voulait me protéger d'Alan et de son passé...

Ben oui, la protéger d'Alan en partant, ça tombait sous le sens voyons !
Je fis une moue un peu dubitative, ne comprenant pas vraiment ce choix étrange. Comment pouvait-il prétendre la protéger en partant ?
Surtout que nous avions croisé Alan, et où était-il pour aider Katarina ? Nulle part ! Un fantôme ! Et je n'aurais pas donné cher de sa peau si elle avait été seule à ce moment là... En quelques sortes, même si notre rencontre avait été fortuite mais provoquée, on pouvait dire que je lui avais sauvé la mise. Donc en un sens, nous nous étions aidé tous les deux.
Elle m'avait aidé à atteindre mon but, ma mission, et en contrepartie, je l'avais protégée de cet énergumène assoiffé de vengeance tordue.

- Personnellement je le soupçonne d'avoir voulu se fuir lui même, ainsi que ses responsabilités. Mais je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas dans sa tête et surtout je me suis rendue compte que je ne le connaissais pas tant que ça, en réalité.

Oui, ça paraissait déjà plus censé. Enfin, si tout du moins il y avait véritablement un sens à tout cela.
Je ne dis rien, me contentant de l'écouter. Elle ne savais pas réellement savoir ce qui s'était passé, ni pourquoi il avait décidé de partir.
Des fois, il y a juste des choses qui ne s'expliquent pas... et il vaut mieux ne pas chercher à savoir, car cela peut faire encore plus de dégâts.

- Un conseil, Nate, évite de tomber amoureux. Cela apporte plus d'ennuis qu'autre chose, au bout du compte...

Cela me fit sourire.

- Oh... ce n'est pas vraiment prévu pour l'instant...

Pas au programme du tout même. Comme si j'avais le temps de me préoccuper de mes amours en ce moment. Et puis, ce n'était pas comme si je m'en étais déjà occupé d'ailleurs. On verrait ça un jour, peut-être.

Je m'adossais au mur aux côtés de Katarina.

- Et puis, ce n'est pas comme si j'avais déjà eu l'occasion de rencontrer une aussi jolie fille que toi...

C'était sorti tout seul, et c'était vrai. Bon il fallait dire aussi que j'avais rarement l'occasion de discuter plus que ça avec une fille, et Katarina était la première à oser me parler de choses aussi... intimes.
A moi.
Moi, le tueur à gage.

Bon, ça, elle ne le savait pas, et tant mieux. Pas sûr qu'elle aurait été aussi sympa dans ce cas là.

Elle me regardait, un peu étonnée.

- Oh t'en fais pas, j'ai bien compris que tu n'étais pas libre. C'était pas mon but.

Mais alors c'était quoi mon but ?
Moi-même je n'en avais aucune idée.

- Je voulais juste... te faire remarquer que t'étais une fille sublime... et que si j'étais toi, je m'en ferais pas pour mon avenir. Cet idiot ne sait pas ce qu'il rate, c'est tout.

Celui-là, si jamais je l'avais sous la main, je lui ferais savoir ma façon de penser !

Bon allez, on essuie ses larmes, on se met une bonne claquet et on relève la tête. Je pleurais comme une collégienne qui a son premier chagrin d'amour et cela n'allait pas du tout ! Je n'avais jamais autant pleuré que ces derniers jours et très franchement j'en avais assez. Je n'étais pourtant pas si fragile que cela tout de même ! J'avais vingt cinq ans, j'avais toujours tout porté sur mes petites épaules et je faisais un métier pas facile. Des enfants étaient morts sous mes yeux au bloc ou pas, et moi je pleurais à cause d'un bête chagrin d'amour. Bon d'accord, il n'était pas si bête que ça. Mais il était temps de se réveiller ! Même si c'était beaucoup plus facile à dire qu'à faire, il était temps de passer à autre chose. Je ne pouvais pas me raccrocher au passé toute ma vie. Même si c'eût été agréable de repenser au positif. Mais le temps n'allait pas s'arrêter pour me faire plaisir. Bref, j'étais une grande fille et j'allais faire ce que je devais faire. Prendre mes responsabilités en mains, tenter d'aller mieux. Le reste, on verrait plus tard.

Au cas où, j'ai conseillé à Nathaniel de ne pas tomber amoureux. C'était le piège ultime ça. Enfin à mes yeux ça l'était devenu. Je m'étais complètement embourbée dans mon amour et j'avais bien du mal à m'en sortir. J'aurais donné n'importe quoi pour avoir une gentille histoire d'amour qui dure et qui ne fait pas souffrir. Ce n'était quand même pas grand chose ! Et puis la fin du monde c'était déjà assez catastrophique comme ça, alors si en plus mes histoires tournaient mal... Ouh là ! J'ai mis une seconde à comprendre ce que m'avais dit Nate. Pas comme s'il avait déjà eu l'occasion de rencontrer une fille aussi jolie que moi ? J'ai cligné des yeux en le regardant un peu bêtement je l'avoue. Et voilà, je suis devenue aussi rouge qu'une tomate. Mais j'ai souri. J'étais extrêmement gênée, mais j'ai souri. Mon petit égo aussi a souri. Et mon cœur s'est serré lui. Oh, mais il ne pouvait pas me laisser tranquille une seconde celui là ? Et cet abruti de cerveau qui se sentait obligé de me faire clignoter l'image d'Ethan devant les yeux ! À croire que je ne pouvais même pas accepter un compliment sans culpabiliser. Non mais, franchement, c'était fatiguant !

J'ai eu un sourire un petit peu bête et un petit rire nerveux. Oui, vu qu'il avait écouté mes états d'âme un petit moment, je me doutais bien qu'il avait compris que je n'étais pas libre. Ce qui était assez bête. Parce qu'en fin de compte, j'étais libre. J'avais décidé d'un commun accord avec moi même que je ne retournerais pas avec Ethan, même s'il revenait, même s'il me suppliait. Même s'il me manquait terriblement... Et puis en y regardant de plus près, Nathaniel était un homme charmant, plutôt gentil, du genre sauveur de demoiselle en détresse. Sauf que voilà, il avait un gros défaut. Il n'était pas Ethan. Oui oui, je venais juste de le remarquer.

« Une fille sublime... Je n'entends pas ça tous les jours. Mais merci pour le compliment, j'apprécie. »

Oui enfin, il ne fallait pas en faire trop non plus. Je n'avais jamais aimé ça, les compliments. Enfin disons que je ne savais jamais comment réagir. Et puis, comme une idiote je m'étais habituée aux compliments d'Ethan... Ah ! Encore lui ! Mais qu'il sorte de ma tête enfin ! Je n'étais tout de même pas si dépendante que cela. Moi, une droguée de l'amour ? Ah ah, la bonne blague. S'il voulait que je pense à lui il n'avait qu'à être là, un point c'est tout. Nate avait raison, il ne savait pas ce qu'il ratait. J'ai eu un petit soupir, très bref. Et puis un petit sourire, un peu moins bref.

« Je te suis reconnaissante d'avoir écouté mes... jérémiades ? J'imagine que cela ne devait ressembler qu'à ça... »

Sans compter qu'il ne devait pas en avoir l'habitude en plus.

« Et c'est gentil à toi de me rassurer. Non, vraiment, j'apprécie. Je suis à peu près certaine de me remettre à pleurer comme une fontaine en retournant me coucher, mais tant pis. »

Oui, il était gentil avec moi, je pouvais bien lui faire un petit compliment de rien du tout sans m'en vouloir trente secondes plus tard, non ?

Elle sembla gênée par mes compliments, mais ne se démonta pas.

- Une fille sublime... Je n'entends pas ça tous les jours. Mais merci pour le compliment, j'apprécie.

De rien. C'était sincère.
Elle soupira et ria une seconde.

- Je te suis reconnaissante d'avoir écouté mes... jérémiades ? J'imagine que cela ne devait ressembler qu'à ça...

Euh... oui et non. Cela avait été plutôt agréable de discuter, en fait. Je n'avais pas vaiment l'habitude de parler d'autre chose que de flingues ou de missions ou de gens à tuer.
Alors cela faisait du bien de se détendre un peu. De discuter calmement, avec une femme, en plus.

- Et c'est gentil à toi de me rassurer. Non, vraiment, j'apprécie. Je suis à peu près certaine de me remettre à pleurer comme une fontaine en retournant me coucher, mais tant pis.

J'étouffais un petit rire.

- De rien. C'était sympa de discuter avec toi.

Je me redressais, me mettant face à elle.

- Et merci de m'avoir fait confiance pour... pour tes... confessions.

Car il ne fallait pas oublier que personne ne savait encore qu'elle était enceinte.
Et après tout, elle me connaissait à peine. Alors pourquoi déballer tout ça à un inconnu ?
Cela restait une sorte de mystère pour moi, mais j'avouais que cela m'avait fait plaisir.

Il commençait à se faire sérieusement tard, et la fatigue arrivait progressivement.

- Bon, ce n'est pas que j'ai envie de t'abandonner ou de mettre un terme à cette conversation mais... je crois que je vais aller me coucher tant qu'il fait encore nuit.

Je lui souriais. Elle avait l'air d'aller un peu mieux, c'était déjà ça.

- Si jamais t'as besoin de parler... je suis dans le coin. Enfin tu le sais bien.

Allez Nate, au dodo.

- Bonne nuit Katarina. Et... essaye de te reposer.

C'était tout ce que j'avais trouvé à lui dire. Je ne pouvais pas lui demander d'oublier, de penser à autre chose et de ne pas pleurer.
Dans son cas, ça me semblait infaisable.