This Is War
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 He didn't miss your heart {ALEXEÏ}

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Katarina K. Jones
In the shadow of your heart.
Katarina K. Jones


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MessageSujet: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeLun 1 Aoû - 19:28

C'était une journée comme les autres. Le métro, boulot, dodo de 2013. En ce qui me concernait, c'était marche, infirmerie, maison. Je reprenais doucement mes gardes à l'infirmerie. Évidemment, tout le monde insistait pour que je me repose plus que les autres. Ethan voulait que je me repose parce qu'il me trouvait fatiguée et que l'allaitement me fatiguait. Jackson parce qu'il me trouvait encore un peu faible, et parce qu'il ne voulait pas que je me blesse de nouveau à l'épaule. Mathilda parce qu'elle n'avait rien à faire et que cela ne la dérangeait pas de prendre quelques unes de mes gardes pour me permettre de m'occuper des enfants... Mais ce matin là, je m'étais encore rebellée et j'avais été travailler comme si de rien n'était. Rester chez moi ne m'aiderait en rien. Travailler me changeait les idées et m'aidait à aller un peu mieux. Ce n'était pas vraiment la folie à l'infirmerie, les blessés et les malades n'affluaient pas... Ce n'était pas la saison. Parfois je regrettais l'hôpital. Là, il y avait toujours quelque chose à faire, quelqu'un à soigner... Je n'avais jamais traité mes patients comme des cas ou des pathologies malgré le fait que je les enchainais les un après les autres... Mais cela me manquant, j'avais l'impression de ne rien faire de mes gardes. Je restais assise sur une chaise, à attendre, à trier des dossiers, à ranger l'infirmerie... Parfois je me disais que j'aurais aussi bien pu rester chez moi, dormir... Mais non. J'étais assise sur une chaise et j'attendais sagement, en priant presque pour que quelqu'un vienne avec une écorchure à soigner. Mais ce matin, absolument personne ne vint. Personne, même pas quelqu'un qui avait besoin d'un sirop pour la toux. Ou d'un pansement. Rien du tout... Mais je ne perdais pas espoir. Au moins j'étais là. Peut-être que je ne faisais rien, mais j'étais là, à mon poste, prête à faire mon travail. J'étais médecin, je voulais absolument être là pour les autres. Au cas où. Ethan disait que cela ne servait à rien, que je perdais mon temps, que j'aurais mieux fait de rester chez nous à me reposer. Généralement je ne disais rien, je me contentais de hausser les épaules, pour ne pas provoquer une dispute inutilement.

Vers douze heures trente je quittai l'infirmerie. J'adressai un sourire poli à Diane quand elle vint prendre son tour, et je m'en allai. Comme toujours, je traversai l'église rapidement. Quand je me retrouvai dehors, je jetai un œil au ciel. Il faisait gris. Je soupirai en frissonnant. Nous n'avions pas un très bel été. Il pleuvait souvent, et quand le ciel était dégagé il ne faisait même pas chaud. Il n'avait jamais fait extrêmement chaud dans l'état de New-York, mais tout de même... Je n'étais pas réellement frileuse, cela ne me dérangeait pas plus que cela. Après tout j'étais russe, le froid ne m'effrayait nullement. Pas après que j'aie vécu plusieurs hivers à Moscou et à Saint-Pétersbourg. J'avais d'ailleurs hâte de revoir la neige... Nous n'en aurions pas après plusieurs mois, pas avant l'hiver. On m'avait dit qu'il neigeait tous les hivers ici, cela m'avait fait plaisir. Soupirant de nouveau, je baissai les yeux et me mis en route pour rentrer chez nous. Lena et Sasha étaient avec Ethan, qui avait je ne sais quoi à faire à la maison. Quand je suis rentrée, il jouait avec Lena à je ne sais quoi. En tout cas elle riait beaucoup. Mais quand Ethan me vit, il en oublia de la rattraper, et la pauvre lui tomba dessus d'un coup, n'ayant pas su se rattraper. Je pouffai, la voyant les jambes en l'air. Elle me regarda avec un petit air outré avant de filer vers son frère à quatre pattes. Sasha était dans son transat, il mordillait sa peluche en regardant autour de lui. Lena se mit à agiter son étoile de mer, et soudain très intéressé, Sasha lâcha son petit lion pour tendre les mains vers la peluche de Lena. Celle ci hésita un instant, puis elle finit par la lui tendre avant de retourner jouer avec ses cubes en bois. Ethan se releva et vint m'embrasser avec un petit air jovial. Ce n'était pas tout le temps qu'il était de si bonne humeur, alors j'en profitais bien. Il glissa son bras autour de ma taille pour m'enlacer, et je me blottis contre lui avec un soupir, l'enlaçant moi aussi. Mais bientôt nous dûmes nous séparer, les enfants commençant à avoir faim. Tandis qu'il s'occupait de faire déjeuner Lena je pris Sasha et montai à l'étage. Je m'installai confortablement sur le lit et me mis en place pour lui donner le sein. J'en profitai pour me détendre un peu tandis qu'il tétait. Ethan avait raison, j'étais fatiguée... Mais je ne voulais pas me laisser aller, je devais tenir le coup. Au besoin je me coucherais plus tôt le soir, ce n'était pas un problème. Ce n'était qu'une question d'organisation.

Je n'étais pas la seule à être fatiguée. Sasha l'était aussi. À mesure qu'il tétait, ses yeux se fermaient doucement, et de plus en plus longtemps. Il faut dire qu'il n'avait pas très bien dormi cette nuit. Il s'était réveillé plusieurs fois cette nuit, et même pas parce qu'il avait faim ou qu'il avait besoin d'être changé. J'avais vite compris qu'il voulait dormir dans mes bras. Cela faisait plusieurs jours qu'il ne l'avait pas réclamé, alors j'avais cédé. Cela m'avait fait du bien à moi aussi, cela m'avait apaisée. Il faut toujours être détendu pour s'occuper d'un bébé, sans quoi il sent notre nervosité et s'énerve lui aussi. Il n'y a pas à dire, j'étais vraiment contente d'avoir appris tant de choses utiles en fac de médecine. Cela me servait vraiment, et je pouvais conseiller les autres maman grâce à cela. Tiens, peut-être que mon père aurait besoin de conseils ? Après tout, il ne s'était jamais occupé d'un bébé de toute sa vie – non non, il ne m'avait élevée qu'à partir de mes trois ans – et devait certainement avoir quelques lacunes en la matière... Mais tant pis pour lui, il n'avait qu'à demander conseil à sa précieuse Inessa, elle se chargerait de l'aider, je ne me faisais pas de souci là dessus... Et puis il faut dire que je n'avais pas très envie de passer plus de temps que cela avec les jumeaux. Je n'étais pas à l'aise avec eux, absolument pas. Pourtant, c'étaient des bébés, comme les autres. Adorables comme les autres, ne demandant pas plus que les autres... Mais non, je n'y arrivais pas. Le fait que mon père soit le leur me dérangeait, me "choquait". C'était ma famille et en même temps cela ne l'était pas. J'avais plutôt l'impression que mon père s'était recréé une autre famille, dont je ne faisais pas partie. Ma famille, ce n'était pas lui, pas elle, pas eux. C'était Ethan, Lena et Sasha. On m'aurait posé la question que j'aurais davantage considéré Alexander et Jackson comme des membres de ma famille. Et je n'aurais pas menti, au fond. Je les considérais comme des frères. Nous n'avions pas besoin d'avoir des liens de sang pour faire partie de la même famille, ce n'était pas une nécessité absolue. La preuve c'était que je ne me sentais pas sœur de qui que ce soit. J'avais pourtant une petite sœur, un petit frère et un grand. Mais je n'avais jamais connu ni rencontré le dernier, et je ne tenais pas spécialement à connaître les deux autres. Nous n'avions pas un seul point commun, de toute façon. Ah, si. Nous étions tous des enfants non désirés. Mais ce n'était pas vraiment une bonne chose.

Soupirant, je baissai les yeux sur Sasha. Il ne tétait plus du tout et repoussait mon sein doucement. Je le redressai et me levai. Je le posai contre mon épaule et me mis à marcher doucement dans la chambre en tapotant légèrement son dos pour lui faire faire son rot. Il le fit après une ou deux minutes. Il avait vraiment sommeil, il s'agitait et je le sentais nerveux. J'allai le changer pour qu'il soit à l'aise, un peu plus au frais, et je le couchai dans son berceau. Mais cela ne lui plut pas du tout. À peine l'avais-je posé qu'il se mit à pleurer, éclatant en sanglots tout à coup. Surprise, je le repris aussitôt contre moi pour le calmer. Mais il ne se calma pas tout de suite, il pleura un moment sans que je comprenne vraiment pourquoi. C'est quand je le reposai dans son berceau que je compris ce qu'il voulait. Quelle idiote. Quand il était fatigué et très nerveux, il voulait s'endormir avec moi. Il voulait que je l'endorme. Cela le calmait d'être dans mes bras. J'eus un petit sourire en m'asseyant sur le lit, sans le lâcher. À peine esquissais-je un geste pour le poser, ne serait-ce que sur l'oreiller, il geignait et remuait dans tous les sens. Bon, bon, bon...

« C'est bon, Sasha, tu as gagné. Je reste avec toi, je reste avec toi, chut... chut... »

Lui murmurant des paroles rassurantes, je me suis allongée sur le lit, le couchant sur ma poitrine. Il s'apaisa rapidement, et s'endormit en suçant son pouce. Je pensais le coucher dans son berceau quand il se serait profondément endormi mais je n'en fit rien. Parce que je me suis endormie avec lui. Je n'avais rien vu venir, j'avais l'impression d'avoir sombré dans un sommeil profond d'un coup. Je ne me suis réveillée que deux heures plus tard, dans la même position, Sasha toujours endormi contre moi. Ethan avait étendu une couverture sur moi et avait laissé un petit mot à mon attention sur son oreiller. Il avait fait déjeuner Lena, et avait déposée celle ci à l'école avec Elizabeth pour l'après midi. Et mon repas était au micro-ondes, je n'aurais qu'à appuyer sur le bouton pour le réchauffer. Ses petites attentions me firent sourire. Je me redressai précautionneusement, et doucement je déposai Sasha dans son berceau. Profondément endormi, il ne sembla se rendre compte de rien. Doucement, sans faire de bruit, je me levai. Je plaquai ma main sur ma bouche pour étouffer un bâillement et me levai. Je m'étirai, puis frissonnai. Le ciel s'était couvert, et il y avait du vent. L'air froid s'était engouffré dans la pièce, la rafraichissant sensiblement. Je fermai la fenêtre en me disant qu'il allait encore pleuvoir. Je me changeai rapidement, enfilant une petite chemise à carreaux rouges et une jean beige. Je pris un petite veste légère dans la penderie et quittai la chambre sur la pointe des pieds, faisant toujours très attention à ne pas faire le moindre bruit.

Mais visiblement, j'étais naïve. J'avais sous-estimé mon fils. À peine avais-je posé le pied sur la seconde marche de l'escalier, je l'entendis geindre depuis notre chambre. Avec un petit soupir, je rebroussai chemin pour aller le chercher, ou du moins voir ce qui n'allait pas. Il allait certainement très bien, mais s'était rendu compte que je n'étais plus là. Je me suis penchée au dessus de son berceau, et aussitôt qu'il me vit il tendit ses menottes vers moi. Je lui souris, puis le pris dans mes bras. Je me redressai et fis un pas en arrière. J'eus un sursaut lorsque je heurtai un peu brutalement ma table de nuit. J'avais mal calculé la distance qui me séparait d'elle... Le meuble vacilla légèrement, et je ne pus retenir un juron en voyant ma boite à musique vaciller puis tomber. Je grimaçai lorsqu'elle heurta le sol. Il y eut un petit craquement. Je jurai une fois encore, songeant que j'avais dû la casser. Je soupirai. Ce qui aurait eu l'air d'une futilité pour n'importe qui prenait des allures de drame pour moi. Cette boite à musique appartenait à ma mère, c'était l'une des seules choses qui me restait d'elle... Rien qu'à l'idée de l'avoir cassée pour de bon, je sentis les larmes me monter aux yeux. Sans trop réfléchir, je posai Sasha au milieu du lit, lui murmurant vaguement quelques paroles rassurantes pour qu'il ne se mette pas à hurler. La gorge un peu serrée, je me suis agenouillée pour voir l'étendue des dégâts. J'ai grimacé. La boite s'était ouverte. J'avais peur d'avoir cassé la danseuse, déjà si abimée... Ethan l'avait réparée et repeinte avec patience. Et j'avais certainement ruiné tous ses efforts. Je pris délicatement la boite entre mes doigts, précautionneusement. Je fus presque plus surprise que soulagée de voir qu'elle n'était pas cassée. Je ne me penchai pas plus là dessus, intriguée par autre chose. Le socle sur lequel reposait la danseuse était branlant. Mais pas cassé. Et quelque chose semblait rouler à l'intérieur... C'était étrange.

Je me suis relevée, et me suis assise sur le lit. J'ai jeté un bref coup d'œil à Sasha, qui mordillait son poing doucement. Étant donné qu'il ne pleurait pas, je me détournai. Doucement, je secouai la boite à musique. Quelque chose semblait rouler d'un côté à l'autre... et ce n'était pas une pièce. Il y avait quelque chose à l'intérieur. Délicatement, j'ai tenté de séparer le socle du fond de la boite en tirant doucement sur la danseuse, pour éviter qu'elle ne me reste entre les mains. Quelle ne fut pas ma surprise quand je réussis... Bêtement, je vérifiais sous le socle que rien n'était cassé. Ce n'était pas cassé... Pas du tout. Le tout n'était qu'un ingénieux système de double fond. Je posai la socle sur ma table de nuit, avant de me pencher sur le fameux contenu de la boite. Contenu que j'avais ignoré pendant vingt-trois ans. C'était comme se prendre une claque. Allons bon, qu'est-ce que j'allais encore découvrir ? Quel secret allait encore me faire du mal ? Si je n'avais pas aperçu un pendentif au fond de la boite, j'aurais peut-être tout remis en place et tout rangé au fond d'un placard. Mais intriguée, je n'en ai rien fait. Je me suis mieux installée sur le lit, ramenant mes jambes sous moi. J'ai posé ma nouvelle bombe à retardement devant moi en soupirant. Allez, un peu de courage.

Me mordant la lèvre inférieure, j'ai retourné la boite et ai renversé son contenu sur le dessus de lit. Il y avait plusieurs choses. Trois choses pour être plus précise. Un pendentif, qui semblait ne pas dater d'hier. Il y avait aussi deux lettres... Datant visiblement de plusieurs années elles aussi. Le papier avait quelque peu jauni. Cependant, je m'intéressai tout d'abord au bijou. Il me disait vaguement quelque chose, j'avais l'impression de l'avoir déjà vu quelque part... C'était un médaillon en or, un peu terni par le temps. Sa surface était décorée de roses et d'autres fleurs que je ne connaissais pas, et n'avais pas vraiment envie de connaître. C'était un de ses médaillons qui s'ouvrait et dans lequel on pouvait glisser une photo. Avec pointe d'appréhension, j'ouvris le bijou. Je ne compris pas tout de suite qui était la jeune femme blonde avec un bébé dans les bras sur la photo. Puis j'eus un flash, et un lointain souvenir me revint, accompagné d'un plus récent, alors que je me croyais morte. C'était une photo de ma mère. Et le bébé, c'était moi. En face de la photo, il y avait une date. J'avais six mois à l'époque de cette photo. J'étais minuscule... Je refermai le médaillon et le passai autour de mon cou, avant de le rentrer dans ma chemise. Je reportai ensuite mon attention sur les deux lettres. La première m'était adressée, l'autre était pour mon père. Il n'y avait que nos prénoms sur les enveloppes. Enfin, nos surnoms plutôt. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour comprendre que ces lettres venaient de ma mère. Cela me fit un choc. Bien que curieuse, je n'ouvris pas la lettre adressée à mon père. J'ouvris simplement la mienne. Il y avait un mot, pas bien long de toute évidence, quelques photos... Et une mèche de cheveux entourée d'un petit ruban rose. De toute évidence ma première mèche de cheveux. Je la remis dans l'enveloppe. Il y avait trois photos. Une photo de ma mère enceinte, une photo de moi à peine née, et une jolie photo de famille... Enfin, jolie si on oubliait que mon père ne souriait pas alors que ma mère et moi, oui.

Tremblante d'émotion, je me décidai à lire le mot qu'elle avait laissé dans l'enveloppe m'étant destinée. L'écriture de ma mère était fine, un peu penchée, mais très délicate. Aussi douce qu'elle.

" Ma chère Katia,

Si tu lis cette lettre aujourd'hui, c'est que je ne suis malheureusement plus là pour m'occuper de toi. Je le regrette déjà. Je ne sais pas quand tu liras cette lettre. Tu seras peut-être une jeune fille, peut-être même une jeune femme quand tu liras cette lettre. L'essentiel, c'est seulement que tu la lises.

Je ne suis plus là, du moins plus physiquement, pour m'occuper de toi, mais sache que t'abandonner n'a jamais été mon intention. Tu es la chose la plus précieuse que j'aie jamais eu. Tu étais une surprise, une belle surprise. Ma fierté. Je suis sûre si j'étais encore là pour te voir, je serais terriblement fière de toi. Je te vois déjà faire tellement de belles choses...

La raison pour laquelle je ne suis plus là n'est pas importante. Elle n'est pas importante, parce qu'elle n'entache en rien mon amour pour toi. Tu es ma fille, je t'aime et t'aimerai toujours quoiqu'il arrive, même si je ne suis plus là pour te le dire.

Si tu le peux, pardonne mon absence douloureuse. Mais sinon, peu importe, ce n'est pas important.
Et puis, tu aurais tous les droits de m'en vouloir de ne pas être là pour t'élever.

Mais te quitter n'était pas mon attention.

Je t'aime, Katarina.

Je veillerai toujours sur toi, peu importe l'endroit où je suis."


Pendant une minute, je restai stupéfaite, puis je lâchai la lettre. Et je ne sus pas quoi faire. Pleurer, hurler, taper du poing ? Rester totalement impassible et ne rien faire, strictement rien ? Je ne savais pas. Je n'avais absolument aucune idée de ce que je devais faire. J'ai eu un sursaut quand quelque chose s'est mis à frapper contre la vitre. Relevant les yeux, je me suis rendue compte qu'il pleuvait à grosses gouttes. Brusquement j'ai tout remis dans l'enveloppe, j'ai pris Sasha dans mes bras, et j'ai dévalé les escaliers aussi vite que possible. J'ai déposé Sasha dans son transat, et je suis remontée chercher la boite à musique et ce qu'elle contenait. J'ai tout posé sur la table basse, et j'en enfilé le plus rapidement du monde la paire de ballerines que j'avais laissé dans l'entrée. J'ai ouvert la porte à la volée, et sans même prendre la peine de la fermer, je suis sortie et j'ai traversé la rue en courant, sans faire attention à la pluie. Je fus trempée très vite, mais je ne m'en aperçus même pas. Rapidement, je fus devant la porte d'entrée de chez mon père. J'allais ouvrir sans frapper, sans même penser à ce que je faisais. Jusqu'à ce que j'entende un bébé pleurer. Je suis restée le poing en l'air, ne sachant plus quoi faire tout à coup. Je finis par frapper, ne sachant trop quoi faire d'autre.

Il fallait que je parle à mon père. Parce que j'avais trouvé quelque chose sur ma mère, parce qu'une infime partie de moi avait compris qu'elle savait qu'elle allait mourir... Mais toute mon envie de lui faire part de ma "découverte" mourut quand il ouvrit la porte avec Dmitri dans les bras. Ou Irina... Enfin, je m'en fichais royalement, pour être honnête. Ces bébés ne faisaient pas partie de MA famille. Et surtout pas après ce que je venais de découvrir. Qu'ils disparaissent !...

« Je... Il faut qu'on parle. Maintenant, c'est... Urgent, très urgent. Et très important. »

Trempée, je commençai à grelotter.

« Ce n'est pas au sujet de... d'eux – je désignai le bébé du menton – mais de nous... Enfin... J'ai trouvé quelque chose, dans la boite à musique de maman. Il faut que tu viennes. Sasha est tout seul à la maison et... »

Et rien du tout. J'ai secouai la tête, et j'ai reculé d'un pas.

« Non. Laisse tomber... »

Je me suis retenue de lui dire de s'occuper de ses enfants. Je ne m'incluais pas dans le lot. Je ne m'incluais plus dans le lot. J'ai fait demi tour, et les bras serrés sous la poitrine, j'ai rebroussé chemin et je suis rentrée chez moi. J'ai claqué la porte derrière moi, faisant sursauter Sasha, qui se demandait toujours ce qui lui arrivait. J'étais trempée, mais je l'ai pris dans mes bras sans m'en soucier. Je l'ai pris contre moi et j'ai pleuré. Je me suis simplement mise à pleurer.
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeMer 3 Aoû - 10:23

Cela faisait trois semaines. Trois semaines que j'avais trompé Inessa avec Meredith, trop blessé par le fait qu'elle portât l'enfant d'Armando au lieu du mien. Trois semaines que notre trop violente dispute avait déclenché son accouchement avec plus d'un mois d'avance. Trois semaines que ma fille m'avait hurlé la vérité au visage, m'affirmant que j'étais bel et bien le père, agrémentant cette nouvelle d'un certain nombre de noms d'oiseaux que j'avais globalement bien mérités. Trois semaines que j'avais appris d'un coup que non seulement j'allais être de nouveau père, mais en plus père de deux enfants. Et trois semaines que j'avais tremblé à en crever de peur pour la vie de ma femme et de ses bébés, croyant revivre ce qui s'était produit autrefois, lorsque Sonja avait été enceinte de notre deuxième enfant. Elle avait accouché prématurément aussi. Et notre bébé était mort, alors que nous disposions d'outils médicaux, alors qu'il était seul à naître et vouloir vivre. Alors comment des jumeaux avec plus d'un mois d'avance, sans aucun appareil quelconque, sans couveuse, sans soins adaptés, pourraient survivre ? J'avais découvert que j'allais avoir des enfants au moment même où je les perdais. J'avais tremblé pour la vie de ma femme, de ses, de nos bébés, pendant plusieurs jours. Ils étaient si minuscules, ils semblaient tellement fragiles... Jamais je ne m'étais occupé d'un bébé. J'avais délaissé Katarina à sa naissance, c'était sa mère qui s'en était occupée. Mais aujourd'hui, je voulais respecter mon rôle de père, or non seulement je ne savais pas comment m'y prendre, mais en plus, la peur de faire une bêtise fatale était décuplée par leur fragilité. Je ne savais pas comment les porter, j'avais toujours peur d'avoir un geste maladroit au moment de les changer, de les habiller. S'il n'y en avait eu qu'un, cela aurait sans doute été. Inessa aurait pu le gérer toute seule, pendant que je m'occupais d'elle et du reste à la maison, cuisine, ménage, lessive, pour la soulager. Mais nous avions eu des jumeaux, et son accouchement, s'il s'était bien déroulé, l'avait totalement épuisée. Je n'avais pas le droit de la laisser seule - et puis j'avais encore pas mal de choses à me faire pardonner avec elle. Prendre soin des jumeaux était déjà un bon début pour ça.

Seulement c'était tellement effrayant ! Non seulement ils étaient deux, mais en plus ils étaient nés prématurément, autant dire que c'était le type même du bébé crevette. Ils pesaient à peine deux kilos et l'on avait l'impression de ne rien avoir dans les bras lorsqu'on les portait, c'était d'autant plus inquiétant. J'avais toujours l'impression de ne pas leur soutenir la tête parce que je ne sentais pratiquement rien dans ma main ou sur mon bras, et chaque fois que je les tenais, j'avais régulièrement un brusque sursaut où je baissais les yeux sur eux, persuadé que leur tête basculait en arrière parce que j'avais oublié de les maintenir correctement. Illusion due à leur légèreté, mais terriblement effrayant et systématique. Pour ne pas avoir cette peur, il aurait fallu que je reste toujours penché sur eux, vérifiant que je les maintenais correctement en permanence. Seulement il y avait toujours un moment où l'on venait me parler, ou bien où je devais me déplacer, ou tout autre chose qui détournait mon attention et quand je le réalisais, j'avais toujours cette crainte brûlante de les avoir mal soutenus, de les avoir blessés. Pourtant, ce n'était jamais le cas, mais je n'arrivais pas à me faire confiance. Je m'occupais d'eux comme si j'avais dû rattraper les sept mois et demi où j'avais délaissé leur mère, mais j'avais toujours cette foutue sensation de tout faire de travers.

Et je sentais que Katarina s'éloignait de moi. Aussi incroyable que cela puisse paraître, j'avais retenu ses critiques, parce que je ne voulais plus la perdre, et j'avais fini par admettre tout ce qu'elle m'avait reproché quant à mon indifférence vis-à-vis de mes proches. Je ne savais pas faire de demi-mesure. J'étais soit entièrement dévoué à Inessa, soit toujours proche de Katarina, mais jamais encore je n'avais su partager mon temps entre les deux. Le problème était que le calcul devenait bien plus compliqué avec les jumeaux, et la plupart du temps, quand je la voyais, c'était dans son cadre de médecin, pour qu'elle me dise si tout allait bien pour eux. Même si j'essayais de toujours rester un peu avec elle pour discuter, j'avais la sensation qu'elle me fuyait. J'étais convaincu qu'elle n'arrivait pas à apprécier Irina et Dmitri et que c'était cela qui la perturbait. Mais, encore une fois, j'étais coincé par le fait qu'il s'agît de jumeaux et qu'Inessa pouvait rarement gérer les deux toute seule. Sinon, cela n'aurait sans doute pas posé de problèmes, mais là, je ne pouvais pas la laisser en plan et venir rendre une visite à ma fille comme si de rien n'était, comme si elle n'avait pas mis son frère et sa sœur au monde, comme si notre famille devenait soudainement bien plus bancale qu'elle ne l'était déjà avec un neveu et une nièce plus âgés que leurs oncle et tante. Oh, j'aurais pu dire à Katarina de faire un effort envers eux, en prétextant qu'elle était leur sœur. Mais moi-même, je n'arrivais pas à m'y faire. Elle était adulte, avait une vie de famille, alors que les petits nécessitaient toujours une présence près d'eux. Si j'avais dû imaginer des liens familiaux entre eux, j'aurais dit que Katarina était leur tante et Lena et Sasha leurs cousins, somme toute plus logique puisque ma fille et Inessa avait le même âge à quelques années près. Mais visiblement, Katarina ne voulait pas le moindre lien avec eux, ni réel, ni logique. Je ne savais pas comment concilier les deux parts de ma famille. Et du coup, Irina et Dmitri étant dépendants et Katarina étant adulte, c'était encore Katarina qui était délaissée.

Aujourd'hui était une de ces journées où je décidais une bonne fois pour toutes d'aller voir Katarina, seul, sans un bébé même endormi et silencieux dans mes bras. Je n'étais pas stupide, je savais que cela la dérangeait, même s'ils étaient silencieux, leur simple présence, leur simple existence la perturbait. Je n'avais jamais exigé de mes deux familles, celle d'avant et celle d'après, en quelque sorte, qu'elles s'apprécient, mais je commençais à regretter de ne pas avoir poussé Katarina et Inessa à faire connaissance. Peut-être se seraient-elles bien entendues ? Peut-être cela aurait-il amélioré nos rapports ? Dans un sens je le regrettais, mais en même temps, je ne me leurrais pas, il était inutile que je me fasse des illusions. Katarina ne pouvait pas bien s'entendre avec un sosie de sa mère, amante de son père alors qu'elle avait vingt ans ans de moins. Inessa ne pourrait pas apprécier totalement une fille qu'elle avait haïe pendant deux ans, parce que je cherchais ses yeux bleus au lieu de son regard vert à elle. Tiens, il me semblait que je devenais lucide. Si je n'avais pas eu toutes ces disputes avec Katarina, aurais-je vraiment admis cela si facilement ?

Mais aujourd'hui était aussi une de ces journées où j'avais systématiquement un empêchement. C'est-à-dire que ce n'était pas vraiment un empêchement. J'aurais pu aller voir Katarina en berçant Irina dans mes bras. Mais cela la bloquerait de nouveau, et je savais d'avance qu'elle couperait court à la conversation. Alors à quoi bon ? J'aimais les jumeaux, bien plus d'ailleurs que je n'avais aimé ma fille aînée à sa naissance, pas vraiment conscient du fait que j'étais devenu père, mais j'avais sérieusement eu envie de tout planter là quand j'avais entendu un pleur de bébé résonner dans la maison alors qu'ils étaient censés faire la sieste. Inessa dormait, épuisée, j'avais bien été obligé d'aller le ou la chercher, je ne voulais pas qu'elle se réveille. Le problème avec le fait d'avoir des jumeaux dans un monde apocalyptique, c'est qu'on n'a pas le matériel supplémentaire nécessaire sous la main. Ils étaient minuscules et pouvaient sans problèmes partager un lit, mais il y avait toujours un moment où l'un heurtait l'autre, où l'un se prenait d'affection pour la peluche de l'autre. Je ne savais pas comment nous nous débrouillerions quand ils grandiraient et auraient besoin d'un lit séparé, voire de chacun leur chambre. Ils avaient plutôt intérêt à bien s'entendre parce qu'ils risquaient de rester longtemps collés l'un à l'autre. Heureusement, mis à part ces accrochages lorsqu'ils ne dormaient pas encore, ils étaient des bébés extrêmement calmes et pleurant rarement. Au moins ne dérangeaient-ils pas trop les autres résidents, la vie était suffisamment difficile à supporter comme ça. Timides, effacés. Comme leur mère l'avait été devant moi. Je trouvais cela un peu étrange, un peu malsain. Ils restaient affectueux, ils étaient juste curieusement silencieux. Pas aussi farouches que Sasha, pas aussi ouverts que Lena, un bon équilibre entre les deux. Ils étaient quand même relativement plus tolérants que la moyenne, sans doute dû au fait qu'il y avait systématiquement du bruit auprès d'eux, ou un inconnu dans la pièce, même si je ne les aurais volontiers jamais sortis de la chambre.

Je jetai un œil dans le lit. Dmitri avait bougé en dormant et projeté une peluche en plein sur le visage de sa sœur. Je me penchai avec un soupir, et pris Irina dans mes bras, sans cesser de passer la revue habituelle de tous mes gestes, toujours craintif que j'étais de m'y prendre de travers. Je sortis rapidement de la pièce pour descendre dans la cuisine, peu désireux de rester à proximité d'Inessa profitant d'un instant de repos alors que je tenais un bébé potentiellement criard dans les bras. Enfin, elle s'était calmée rapidement. Un baiser déposé sur son front, une caresse passée sur son petit visage au nez froncé par les pleurs pour lui enlever la sensation du coup, et le tour était joué. Mais elle gigotait dans mes bras, et à force, je commençais à connaître leurs réactions ; je savais que quand elle bougeait comme ça, il était inutile d'aller la recoucher. C'était pour le coup qu'elle réveillerait son frère à son tour. Ce fut au moment où je m'asseyais, me préparant à devoir craindre pour mes gestes pendant une bonne heure, que l'on frappa à la porte. J'eus le réflexe habituel que tout le monde avait pris ici de jeter un coup d'œil par la fenêtre. Cela était vite devenu particulièrement énervant de se retrouver à quinze pour ouvrir la porte d'entrée, ou de devoir aller chercher quelqu'un que nous connaissions ou appréciions peu pour lui dire qu'il avait de la visite. Maintenant, seul le concerné bougeait.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis Katarina, minuscule sous la pluie battante ! J'oubliai instantanément Irina et fonçai ouvrir. C'était la toute première fois qu'elle venait ici. Avant, c'était toujours moi qui étais venu la voir, chez elle ou à l'infirmerie. Je m'écartai pour la laisser entrer mais elle ne sembla pas s'en rendre compte. Elle restait sous la pluie. Et elle balbutiait des paroles strictement incompréhensibles, avec son expression si choquée. Que s'était-il passé ? Sasha, seul, mais pourquoi l'avait-elle laissé ? Je commençais à croire qu'il y avait eu une nouvelle agression. Mais j'étais tellement surpris que je ne parvins pas à en placer une alors qu'elle s'en allait brusquement, me laissant planté là dans l'entrée.

Il fallait qu'on parle, c'était urgent, elle avait trouvé quelque chose dans la boîte à musique de sa mère. C'était tellement urgent qu'elle avait battu en retraite avant même que je n'aie le temps de lui demander des éclaircissements. Je jetai un regard de reproche à Irina. Fascinant, ce pouvoir de répulsion que des bébés inconscients et a priori aussi mignon que d'autres pouvaient exercer. En attendant, je n'allais pas la laisser s'en tirer à si bon compte. Elle avait éveillé ma curiosité. J'allai prendre une couverture, en recouvrit Irina, et fonçai sous la pluie jusqu'à sa nouvelle maison. Je frappai rapidement et entrai sans attendre de réponse. Je ne tenais pas spécialement à rester avec un bébé sous une pluie battante comme celle-ci. Je repris mon souffle, dégouttant d'eau, et je finis par chercher Katarina que je trouvai très rapidement. En larmes. Pas évident à voir au premier coup d'œil, trempée comme elle était. Mais cela s'entendait. Elle serrait Sasha contre elle et elle pleurait. Mais bon Dieu, qu'avait-elle bien pu découvrir dans cette boîte à musique ?

Je sentais Irina remuer de plus en plus et prête à éclater en sanglots. Je lui caressai doucement les cheveux, hésitai une seconde et finis par la poser à la place de Sasha. Puis je m'approchai de Katarina, pris un plaid traînant sur le canapé et le posai sur ses épaules. Je plaçai mes mains juste sous Sasha, l'attirant doucement à moi.

- Katarina, murmurai-je. Katarina, tu es trempée... Katarina, il va tomber malade... Lâche-le, lâche-le... Katarina, tu es trempée, tu ne peux pas le tenir contre toi comme ça...
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeMer 3 Aoû - 14:16

Je voulais Ethan. Quelle idiote j'avais été, de marcher jusqu'à chez mon père ! Je n'avais pas réfléchi une seule seconde, et je le regrettais. Qu'est-ce que j'avais cru ? Ou plutôt, qu'est-ce que je n'avais pas cru ? Il était là, à s'occuper de sa nouvelle petite famille, dont je ne faisais absolument pas partie. Le voir s'occuper de ce bébé m'avait fait mal. Il ne s'était jamais occupé de moi de cette façon. Il avait laissé ma mère s'occuper du boulet que je représentais à ses yeux. Il ne s'était pas occupé de moi, parce qu'il n'avait pas voulu de moi. J'étais un accident qu'il n'avait pas voulu assumer, mais quand je n'avais eu plus que lui il n'avait pas eu le choix. Mais c'était visiblement différent pour Irina et Dmitri. Quand il avait appris qu'ils étaient bien de lui, il s'était occupé d'eux immédiatement, naturellement. Ils les aimaient, c'était évident... Et moi, encore, j'étais laissée au bord de la route, comme un animal de compagnie trop encombrant et dont on voudrait se débarrasser. Il ne venait même plus me voir, trop occupé à pouponner... Il m'avait prévenue de toute façon. Une fois que sa précieuse Inessa aurait accouché, il n'aurait plus de temps à consacrer au reste de sa famille. Il ne venait même plus voir Lena ! Non, il avait trouvé d'autres bébés à cajoler, les siens, d'autres bébés qui l'admireraient bientôt. Pourquoi s'ennuyer avec la famille de sa fille ? De toute façon, il n'y en avait plus eu que pour Inessa au moment où il l'avait ramenée ici. Il ne s'était plus occupé de moi à partir du moment où elle avait été là. Non contente de voler la place de ma mère, elle avait aussi volé la mienne. Je n'aurais même pas dû prendre la peine d'aller frapper à sa porte. Il n'avait pas de temps à me consacrer, il n'avait certainement même pas envie de m'écouter. J'aurais dû aller voir Ethan, parce que lui n'aurait pas hésité à tout lâcher pour simplement me prendre dans ses bras. Peut importait ce qu'il faisait, il n'hésitait jamais à tout abandonner pour simplement m'enlacer. Et là, j'avais vraiment besoin qu'il m'enlace. Je voulais qu'il me prenne dans ses bras, qu'il me serre contre lui. Mais je n'osais même pas faire demi tour, ressortir et foncer jusqu'au quartier général. J'étais comme pétrifiée sur place, bien que tremblante.

J'étais trempée, ma chemise me collait à la peau, tout comme mon jean. Je me sentais poisseuse et collante. Mes cheveux dégoulinaient sur mon visage. J'étais trempée, mouillée, et Sasha n'aimait pas cela. Il geignait et me repoussait. Mais je ne m'en rendais pas compte. Parce que je pleurais. Je pleurais beaucoup. Silencieusement, serrant les dents pour ne pas hurler ou éclater en sanglots. Je me sentais terriblement seule et vulnérable. Ce n'était pas le moment pour moi d'être une maman. J'avais l'impression d'être une petite fille recroquevillée dans le coin d'une pièce. Sauf que je n'étais pas une petite fille, mais une femme. Une femme qui venait de découvrir que sa mère n'était certainement pas morte par accident. Une femme qui en avait plus qu'assez des lourds secrets qui pesaient sur sa famille. Une femme qui voulait juste un peu de tranquillité. Mais une femme qui semblait ne pas y avoir droit. Ou du moins, pas pour très longtemps. J'avais toujours à peine le temps de me remettre du dernier choc et de mes dernières émotions. Et à peine était-ce enfin fini que cela recommençait. Et l'on s'étonnait encore que je sois fragile et particulièrement nerveuse ? Mais comment aurais-je pu aller bien, parfaitement bien ? J'en avais assez d'avoir le cœur piétiné. Ce n'était pas juste, ce n'était pas drôle, c'était juste particulièrement fatiguant. Et effrayant. J'allais finir par avoir peur d'ouvrir mes placards, de peur d'y trouver encore quelque chose de nouveau.

Je ne me rendis même pas compte que quelqu'un était entré après moi. Je ne me rendis même pas compte que mon père était entré après moi. Je me rendis compte de sa présence seulement au moment où je sentis une main caresser mes cheveux. J'eus un violent mouvement de recul. Je lui jetai un regard légèrement assassin quand il déposa un plaid autour de mes épaules. Ce geste pourtant si paternel me semblait déplacé. De même, au moment où il posa ses mains sur Sasha, j'eus envie de lui hurler de ne pas le toucher, mais je me retins pour ne pas faire peur à Sasha. Le pauvre semblait assez perturbé comme cela. Que je le lâche ? Que je le lâche ? Se rendait-il seulement compte de la bêtise qu'il venait de dire ? Que je lâche mon fils ? Oui, bien sûr. Et il voulait peut-être que j'aille le confier au premier venu, aussi ? Que je lui confie, pour qu'il ait une nouvelle poupée ?

« TOI LÂCHE LE ! »

Je reculai brusquement, précipitamment, Sasha toujours serré contre moi. Je n'étais pas idiote, je savais que j'étais trempée et que je ne pouvais pas garder Sasha contre moi ainsi au risque de le faire tomber malade. Me prenait-il pour une mère indigne, maintenant ? Je pris une profonde inspiration et je... Mon regard tomba sur le transat de Sasha. Transat qui n'était pas vide. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait amené un de ses jumeaux ici. C'était à croire qu'il tentait de me provoquer. La scène avait de quoi paraître étrange, presque choquante même. J'avais un bébé du même âge, presque, dans les bras. Mon fils. Mon fils qui avait seulement deux semaines de plus que son... sa tante. C'était Irina, qu'il avait emmenée. Enfin, je le supposais à la couleur du pyjama, qui était rose pêche. Elle était minuscule, brune, aux yeux bleus... Elle avait les mêmes yeux que lui. Les mêmes yeux que moi. La simple idée qu'elle puisse me ressembler me donnait envie de hurler. C'était ça son activité favorite ? Créer ou trouver des doubles des femmes de sa vie ? J'eus une grimace, un peu dégoutée et à la fois peu surprise. Je faillis lui demander de l'enlever du transat de mon fils, mais je me contins, me répétant plusieurs fois qu'elle n'y était pour rien, qu'elle n'avait pas à subir les foudres d'une sœur qui de toute façon ne voulait rien avoir à faire avec elle.

« …Tu étais vraiment obligé de l'amener ? Elle a une mère, elle, elle n'a qu'à s'en occuper. »

J'étais sèche, froide, coupante. Aussi acide que du venin et aussi acérée qu'une lame de couteau.

« Je vais me changer. »

Qu'il reste, qu'il ne reste pas... Je crois qu'en fin de compte, je m'en moquais bien. Qu'est-ce que cela pourrait bien lui faire d'apprendre que sa femme avait certainement été assassinée ? Il en avait trouvé une autre, pourquoi se soucier de celle qui était morte il y a vingt-trois ans ? Ce n'était pas comme si elle comptait revenir l'ennuyer, après tout... Me détournant de mon père, je contournai le canapé et montai les escaliers rapidement. J'entrai dans notre chambre, et posai immédiatement et délicatement Sasha sur notre lit. Je déboutonnai lentement ma chemise et la retirai, avant de la poser à sécher sur une chaise. Je fis de même avec mon jean, que je mis un peu plus de temps à retirer, puisqu'il me collait à la peau. Je me séchai rapidement à l'aide d'une serviette qui trainait dans un coin de la pièce. J'essorai brièvement mes cheveux sans trop m'y attarder, puis enfilai au hasard un jean et un débardeur. Comme il faisait froid, j'ouvris l'armoire et pris le premier pull que je trouvais. C'était un pull assez épais, en laine à grosses maille noir. Un pull qui n'était pas à moi mais à Ethan. Je n'y pensai même pas et l'enfilai, bien qu'il soit deux fois trop grand pour moi. Il me tombait sur l'épaule et les manches étaient trop longues. Je les remontai légèrement, pas plus ennuyée que cela. Je me suis surprise à sourire en songeant que ce pull avait l'odeur d'Ethan. Secouant la tête et me taxant d'idiote, je reportai mon attention sur Sasha. Le pauvre était tout mouillé... Le prenant dans mes bras je l'emmenai jusqu'à sa chambre pour le changer. Je lui retirai son pyjama et son body pour lui en remettre des complètements secs. Avec un petit soupir, je glissai mes doigts dans ses cheveux fins et doux. Me penchant en avant je déposai un baiser sur son front. Il bâilla quand je me redressai. Je caressai sa joue, il avait sommeil. Il fallait que je le couche avant de redescendre pour... Régler la situation. Disons cela comme cela. De toute évidence ce ne serait pas une partie de plaisir, autant ne pas mettre Sasha au milieu de cette nouvelle histoire. Il était suffisamment nerveux.

Retournant dans notre chambre, je le berçai de longues minutes pour l'endormir, encore d'autres pour m'assurer de son sommeil profond. Doutant légèrement de ce stratagème, souvent inutile, je le déposai dans son berceau en douceur. Il s'agita une minute avant de se calmer. Je me suis retirée de la pièce doucement, tirant la porte derrière moi. Je restai adossée à la porte pendant une minute. Une minute pendant laquelle j'espérais presque voir arriver Ethan. Il aurait mis mon père dehors et il m'aurait calmée. Mais Ethan ne franchit pas la porte. Ethan ne reviendrait pas avant plusieurs heures. J'étais désespérément seule... Façon de parler. Prenant mon courage à deux mains, je descendis les escaliers un à un, lentement. Je revins vers mon père, les yeux baissés et l'air grave. Sans jeter un seul coup d'œil à Irina, j'allai jusqu'à la table où j'avais laissé la boite à musique et son contenu. Je me suis assise sur le canapé, et je me suis saisie des lettres et des photos. Je tendis le tout à mon père, tout d'abord sans un mot. J'hésitais entre ne rien dire, être agressive, ou froide. Mieux valait sans doute que je me contente d'être froide. Froide et distante, mais au moins polie.

« Il y avait ça dans le double fond dissimulé de la boite. Une lettre pour moi, une pour toi, et des photos. Et il y avait ça. »

J'ai sorti le médaillon de sous mon pull, mais je ne l'ai pas retiré, je me suis contentée de le lui montrer. Il le reconnaitrait sans doute bien tout seul. S'il en avait le moindre souvenir, du moins.

« Il faut croire que tu n'étais pas le seul à avoir des secrets, finalement. »
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeJeu 4 Aoû - 12:31

[Pas codé pas corrigé, j'ai tout juste eu le temps de finir, je boucle ce soir >.<]

Katarina m'inquiétait réellement de plus en plus depuis son agression. Elle était redevenue brune, n'ayant pas eu la patience d'attendre et se faisant une autre teinture proche de sa couleur naturelle, et elle ne sursautait plus dès qu'une porte claquait un peu trop violemment, ce qui était un progrès, mais j'avais l'impression que même si moi, de l'extérieur, je ne le voyais pas ou peu, elle devenait complètement paranoïaque avec Sasha, autant et peut-être pire encore qu'Ethan avec Lena. Katarina avait toujours été extrêmement pondérée et calme, capable d'analyser froidement la situation et d'y réagir raisonnablement et logiquement ; l'inverse d'une russe portée par ses sentiments, en somme. C'était grâce à cela qu'elle était devenue un médecin en si peu de temps, et que si le fait de n'avoir pas terminé ses études aujourd'hui la gênait, c'était uniquement pour les connaissances qui lui manquaient, pas parce qu'elle avait du mal à gérer son stress ou je ne sais quoi d'autre. Enfin... Sans doute n'était-ce qu'en surface en réalité, parce qu'elle ne pouvait pas avoir craqué comme ça, ça ne pouvait pas sortir de nulle part. Je la soupçonnais de tout avoir intériorisé, de nous avoir allégrement menti sur son état psychique, d'avoir répété encore et toujours qu'elle allait bien, alors qu'elle aurait réellement eu besoin d'un soutien. C'était le problème avec Ethan : il s'occupait d'elle, il faisait tout pour la soutenir, mais il était un enfant, et avait encore plus besoin qu'elle qu'on s'occupe de lui. Il craquait bien plus facilement, et Katarina avait tout occulté pour le soutenir. Il fut une époque où comprendre ça m'aurait terriblement mis en colère contre lui, mais à présent, je ne pouvais qu'y penser avec résignation, incapable de réellement le détester alors que j'avais enfin compris à quel point il aimait ma fille. Ce n'était pas de sa faute s'il était fragile. Enfin... Pas vraiment.

Lorsqu'elle avait été guérie et que je lui avais amené Sasha, je l'avais vue piquer une crise de nerfs en direct, spectacle que je n'avais pas du tout apprécié. Ce n'était pas ma Katarina, cette fille nerveuse, stressée, paranoïaque ; j'avais à peine pu toucher Sasha depuis sa naissance et c'était plus sa faute que celle d'Ethan. Le monde tournait à l'envers. Aujourd'hui, elle recommençait alors qu'elle me repoussait violemment, m'empêchant de le prendre, le serrant davantage encore contre elle alors que l'humidité froide de la pluie imprégnait Sasha et que je le voyais frissonner de plus en plus. Elle préférait encore prendre le risque qu'il tombe malade plutôt que de le confier à son grand-père... Qu'avait-elle découvert à la fin ? Je ne voyais pas ce qu'elle aurait pu apprendre à mon sujet qui la mette dans cet état. Elle était déjà au courant de tout. Je n'avais rien fait de réellement répréhensible, enfin, rien qu'elle ne savait déjà. Alors quoi ? De toute façon, ça ne pouvait sans doute pas être réellement à mon sujet. Visiblement, d'après ce qu'elle m'avait dit, c'était quelque chose que j'ignorais aussi. J'en avais plus qu'assez de ses mystères. J'eus un mouvement pour l'accompagner et la forcer à me parler alors qu'elle montait avec Sasha se changer, mais je me retins juste à temps. Il y avait des moments comme ceux-là où j'avais envie de la prendre par les épaules, de la secouer, de la mettre en face d'Irina et Dmitri et de lui crier « Regarde ! Ce sont mes enfants ! Je suis leur père, et tu es leur sœur ! Leur sœur ! Tu es toujours ma fille toi aussi, alors cesse de m'ignorer maintenant ! » Mais je n'y arrivais jamais. Comment lui faire comprendre que j'essayais toujours de trouver du temps pour elle, sans y arriver ?

- Inessa est épuisée, elle est en train de dormir. Je n'allais pas la réveiller alors que je pouvais la calmer tout seul, répondis-je sèchement.

Je n'y étais pour rien si elle n'avait pas de mère. J'avais souffert autant qu'elle, voire plus, de la mort de Sonja. Elle n'allait tout de même pas faire une crise de jalousie aux jumeaux parce qu'ils avaient Inessa ! Je pris brusquement conscience lorsqu'elle fut partie qu'elle n'apprécierait sans doute pas qu'Irina prenne la place de son fils. C'était particulièrement étrange de nous voir tous deux avec un bébé dans les bras, et de savoir que nous étions tous les deux parents. Ce n'était pas normal. Pas logique. Je pris quelques coussins, les assemblai sur le canapé, et formai un creux au centre avant de reprendre délicatement Irina dans mes bras et de la caler au centre. Je m'assis à côté d'elle, gardant la main posée sur son crâne pour qu'elle reste apaisée - je la devinais sur le point de se rendormir et je regrettais de n'être pas resté cinq minutes de plus à la maison pour la calmer avant de me précipiter sans réfléchir à la poursuite de Katarina. Maintenant, je ne pourrais plus la ramener sans la réveiller à nouveau, avec cette fichue pluie.

J'avisai brusquement la boîte à musique de Katarina ouverte sur la table, avec deux feuilles de papier traînant à côté. Je serrai les dents. C'était sans aucun doute la fameuse surprise que me réservait ma fille, mais d'où cela venait-il ? Cette boîte à musique, c'était Sonja qui l'avait créée, la dessinant elle-même pour demander à un artisan réputé de la construire. Elle avait choisi la forme de la boîte, sa taille, les compartiments dans lesquels Katarina pourrait cacher bijoux et autres trésors, et elle avait même dessiné la danseuse qui tournoierait au rythme de la mélodie. Je me mordis la lèvre, hésitant à me lever pour regarder. J'y renonçai finalement, préférant attendre que Katarina me donne ce qu'elle voulait lui donner. C'étaient ses affaires, la boîte à musique était sa propriété exclusive, leur propriété, à elle et à Sonja. Je ne voulais pas y toucher sans son autorisation, néanmoins, la curiosité me dévorait. Mais je me contentai de caresser les doux cheveux d'Irina sans discontinuer, même après qu'elle se fut rendormie, jusqu'à ce que mon aînée revienne. Elle me jeta le tout sur les genoux mais avant même que j'aie eu le temps d'y jeter un coup d'œil, elle avait sorti le médaillon de sous son pull. Et là, je restai sous le choc.

Je me tournai davantage vers elle et pris le pendentif entre mes mains, l'examinant de plus près. Pas de doute, c'était bien lui. Je poussai un sifflement à mi-chemin entre étonnement et colère, passai un doigt presque caressant dessus, avant de le laisser finalement retomber sur le pull noir qu'elle avait passé.

- Je lui avais offert ce médaillon pour notre mariage. Elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux, le portait presque en permanence. Si elle ne l'avait pas autour du cou, elle le gardait à proximité, dans une pochette, son sac à main... Et il a disparu... Quoi ? Deux semaines avant son accident ? Quelque chose comme ça. Elle n'a jamais voulu me dire comment elle s'était débrouillée pour le perdre. Ce qui me surprenait, c'était qu'elle n'en avait même pas l'air affectée, alors qu'elle avait déjà été capable de me faire une scène pour que l'on retourne le chercher un jour où elle l'avait oublié. J'ai remué ciel et terre pour le retrouver après sa mort... Et il était là-dedans.

Je pris les trois photos, les passant les unes après les autres. Sonja enceinte resplendissait toujours, souriait en permanence, systématiquement de bonne humeur. Je me souvenais comme si c'était hier de la seule et unique fois où elle avait brutalement piqué une crise de larmes spectaculaire, sans raison ou presque, ce qui m'avait totalement affolé, et elle s'était reprise juste à temps pour m'empêcher d'appeler le psychiatre, me dévidant ensuite une longue explication sur les sautes d'humeur dues aux hormones des femmes enceintes. Explication à la suite de laquelle je lui avais rétorqué que j'étais à peu près au courant, mais que ce n'était pas forcément évident alors que cela faisait six mois qu'elle riait en permanence. La deuxième photo était Katarina dans son berceau, et j'eus un petit choc lorsque je me rendis compte à quel point elle ressemblait à Irina. Je ne pus m'empêcher de couler un regard en coin au bébé endormi dans les coussins. Elles avaient toutes les deux mes yeux, et étaient aussi brunes l'une que l'autre. Pour le reste, Irina ressemblait à Inessa... Mais Inessa ressemblant à Sonja, nécessairement, il y avait entre les deux demi-sœurs une ressemblance plus évidente que ce que j'avais cru au premier abord. Et pour finir, il y avait cette photo. La fameuse photo que je traînais dans ma poche depuis si longtemps, qui était dans l'album de Katarina et qu'Ethan avait montré à Inessa, celle où Sonja et sa fille rayonnaient en regardant l'objectif, alors que je l'ignorais totalement, tourné vers ma femme, une main posée sur son épaule, n'ayant d'yeux que pour elle. J'eus un petit soupir de nostalgie en les rendant à Katarina.

Je pris la lettre sur mes genoux et secouai la tête, un sourire un peu désabusé sur les lèvres, lorsque je vis mon nom. Sonja ne s'était jamais mis dans le crâne que je détestais les diminutifs, ou plutôt elle le savait trop bien et se faisait un malin plaisir de toujours m'appeler ainsi pour me taquiner. Je pouvais encore entendre sa voix rieuse le clamer à travers toute la maison. Je voyais encore son visage... Si semblable... Deux jolies blondes aux yeux verts. Je secouai la tête. Jamais je n'avais été autant confronté à mes souvenirs depuis que j'étais avec Inessa. Je trouvais cela malsain au possible. Je la dépliai lentement, me demandant à quoi rimait toute cette mise en scène. Sonja n'avait jamais eu de goût pour le mélodrame, alors à quoi rimait toute cette suite de mystères ?

« Bonjour, mon amour,

Où que tu sois, j'espère que tes affaires avec Armando se passent bien. Ce serait bête que, maintenant que je ne suis plus là, tu ne puisses pas t'y consacrer entièrement. »


Je ne lus même pas la suite. Je repliai violemment la lettre et serrai le poing, furieux, songeant à ce que ces deux minuscules phrases impliquaient. Elles en disaient trop peu et beaucoup trop tout à la fois. Sonja n'avait jamais été au courant de mes affaires, jamais. Enfin, du moins, je le croyais. Je travaillais avec Armando depuis six mois lorsqu'elle avait eu cet accident et elle l'avait rencontré deux ou trois fois. Il lui avait tout de suite déplu, mais cela s'était arrêté là. Armando n'était définitivement pas du genre à apprécier les beaux dîners de famille pour faire illusion et les seules fois où ils s'étaient vus étaient lors de réceptions officielles. Ils ne s'étaient jamais parlé au-delà de simples mondanités. Qu'est-ce que cela signifiait, nom de Dieu ?

« Surpris ? Je ne pouvais pas me marier avec un manipulateur comme toi sans avoir ma part de secrets. Tu es à la fois si intelligent et tellement naïf, Aliocha. C'est sans doute cela que j'aime chez toi. Pensais-tu vraiment que je croirais indéfiniment que cette richesse, cette influence, cette facilité dans les affaires étaient totalement blanches ? Non, je m'en doutais déjà un peu bien avant que ton cher associé ne vienne me parler. Ça ne me dérange pas, tu sais. Enfin, pas vraiment. J'ai toujours été habituée à tes mensonges et à tes fuites. Tant que ce n'était pas des cachotteries à propos d'une autre, cela m'allait. C'était divertissant, quelque part, de te voir inventer de nouvelles histoires chaque semaine sur ton travail. C'en devenait un jeu, deviner la prochaine excuse que tu me trouverais.

C'est tout de suite devenu beaucoup moins amusant quand Armando est venu me voir en me disant que je te prenais trop de ton temps, et que je devais te laisser tranquille, voire partir. Il m'a offert une belle somme d'argent pour que je m'en aille avec Katia, arguant que tu n'aimais pas ta fille de toute façon, qu'il m'entretiendrait et que je vivrais aussi bien, sinon mieux, qu'avec toi. Sais-tu ce que j'ai fait de son argent ? Je l'ai déchiré en morceaux et jeté à ses pieds. Il n'a pas apprécié et c'est là que les menaces ont commencé.

Je ne pouvais pas t'abandonner, et je restais persuadée que tu souffrirais moins en sachant que j'étais morte qu'en pensant que je t'avais abandonné. J'ai hésité, pour Katarina ; est-ce que j'avais le droit de lui faire ça ? Et j'ai décidé de te faire confiance. Elle te détesterait si je partais avec elle et que je devais lui dire la vérité, et je ne voulais pas lui mentir.

J'espère que tu as compris que tu étais un père, Alexeï Kuryenko, et que tu as su aimer ta fille comme tu m'as aimée. J'ai dû choisir pour elle entre un père et une mère... Ne me fais pas regretter mon choix.

Je t'aime, et je t'aimerai toujours,

Ta Sonja. »


Mes doigts étaient crispés sur mon genou, le regard tellement perçant que je m'étonnais que la feuille ne prenne pas feu. J'allais le tuer. J'allais vraiment le tuer. J'allais faire plus que ça, j'allais l'anéantir, le torturer, l'étrangler, l'égorger, le... le... Je pouvais trouver beaucoup de synonymes et je m'arrangerais pour les lui faire tous subir dans une longue et lente agonie. Je repris lentement mon souffle et dis d'une voix atrocement calme et neutre :

- Bon, il va falloir que je retourne à New York.


Dernière édition par Alexeï Kuryenko le Jeu 4 Aoû - 20:19, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeJeu 4 Aoû - 17:50

Je faillis reculer et retirer le médaillon des mains de mon père. J'esquissai même le geste, mais me contins de justesse, pour le laissai examiner le bijou. Étant donnée l'expression de son visage, il devait le connaître, le reconnaître. Je m'en doutais un peu. Je n'avais pas bien connu ma mère, mais je ne la pensais pas stupide, loin de là. Elle n'aurait pas caché un bijou sans aucun intérêt dans un objet auquel elle tenait tant. Cette boite à musique était l'un de mes premiers cadeaux d'anniversaire. Pour mon deuxième ou troisième anniversaire, je ne me souvenais plus. Mais aussi petite étais-je, j'y avais toujours fait très attention, considérant l'objet comme un trésor. J'avais beaucoup regretté de ne pas avoir pu l'emmener alors que New-York était sous les bombes. J'avais été bien heureuse de la retrouver alors que je m'étais retrouvée chez moi par hasard en compagnie d'Ethan. Elle était un peu abimée, mais Ethan l'avait réparée. C'était vraiment quelque chose de précieux pour moi. C'était pour cette raison qu'elle trônait sur ma table de nuit. De temps en temps, quand je me laissais aller à un peu de nostalgie, je tournais la clé de la boite pour en écouter la musique. De temps en temps, la mélodie sautait un peu, le mécanisme devait être un peu abimé. Je donnerais certainement la boite à musique à Lena quand elle serait un peu plus grande. Pour le moment elle était encore trop petite. Mais elle l'aurait, quand elle serait capable de faire attention à ses affaires. Pour le moment, elle s'amusait avec tout, et elle était un peu brusque avec les objets. Quand je voyais la façon dont elle traitait ses peluches, je préférais attendre un peu... Elle n'était encore qu'un bébé.

Quand mon père lâcha le médaillon, je le glissai immédiatement dans mon pull, avant de croiser les bras sous ma poitrine. J'écoutai d'une oreille vaguement attentive les explications de mon père quant à l'origine du médaillon. Dans l'immédiat, cela ne m'importait que très peu. Je me serais bien doutée qu'il le lui avait offert, de toute façon. Il n'aurait pas eu une telle importance aux yeux de ma mère si il s'était agi d'un quelconque bijou. C'était fou, comme un bijou qui n'a au départ de valeur que matérielle pouvait devenir important aux yeux de quelqu'un... Ethan ne quittait plus la clé en argent que je lui avais offerte, et moi je ne quittais plus l'alliance qu'il m'avait offerte. Et de toute évidence, je n'étais pas prête de laisser le médaillon quitter mon cou. Que mon père le réclame ou non ne changerait rien. Si ma mère l'avait mis dans un objet m'appartenant, c'était qu'il m'était destiné. Sinon, elle l'aurait caché ailleurs, dans les affaires de mon père, de son mari. Mais elle ne l'avait pas fait. Il était aussi tout à fait possible qu'elle l'ait mis là parce que c'était la meilleure cachette qu'elle ait trouvée. Mais peu importait, je comptais le garder, que cela lui plaise ou non. Je ne voulais pas prendre le risque de voir ce bijou pendre au cou d'une autre femme. J'étais idiote de penser une telle chose, oui. Mais comment être sûre qu'il ne le ferait pas ? Il avait fait tellement de choses avec elle, il l'avait d'abord aimée parce qu'elle n'était qu'un sosie de sa première femme. Est-ce qu'il ne voudrait pas la couvrir de cadeaux elle aussi ? Elle et ses enfants ? Leurs enfants ? C'était ce qu'on faisait, quand on avait une femme et des enfants qu'on aimait. Il n'y avait pas si longtemps que ça, j'étais encore la seule à être au centre de toutes ses attentions... Même ici, mes armoires étaient pleines des cadeaux des années passées. Mais cette année, il ne m'avait même pas souhaité mon anniversaire. Il n'y avait peut-être même pas pensé...

Je guettais les réactions de mon père alors qu'il regardait les photos. On ne peut pas dire qu'il était très expressif. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il pouvait se passer dans son esprit. Il était évident qu'il ressentait quelque chose, mais quoi ? Regret, nostalgie ? Il ne m'était pas dur de savoir d'où me venait cette expression si neutre, parfois affichée sur mon visage. J'étais vraiment très douée pour dissimuler mes émotions quand je le voulais... Il n'y avait guère qu'Ethan pour savoir quand quelque chose n'allait pas. Il le voyait, il le ressentait. Il était bien le seul. Il faut dire qu'après presque trois ans, il n'était pas étonnant que ce soit le cas. J'aurais été bien malheureuse si il n'avait pas su lire en moi... Avec un petit soupir, je pris les photos qu'il me rendait. Je les posai sur un coin de la table, et m'enfonçai de nouveau dans mon siège. Il allait lire la lettre, maintenant. Au fond de moi, j'étais cruelle et espérais que ce qu'il lirait lui ferait mal. Parce que je lui en voulais, terriblement. Je lui en voulais, pour des milliers de raisons. Il m'avait fait tellement de mal que j'avais presque envie qu'il souffre lui aussi. Parce que ce n'était pas juste. J'en avais assez d'être celle qui souffre, celle à qui on fait du mal. Je me sentais comme l'une de ses petites poupées vaudou dans laquelle on enfonçait des aiguilles pour faire souffrir une certaine personne. Depuis qu'il était revenu, mon père n'avait cessé de me faire du mal. Il s'était à peine comporté comme un père. Tout ce qu'il avait vu c'était que j'étais avec Ethan. J'avais l'impression qu'il avait pris cela comme une trahison de ma part. Comme si je n'avais pas le droit d'être heureuse sans lui. Mais si Ethan n'avait été pas là, d'une part je serais morte, et ensuite j'aurais été seule, puisque lui ne s'était consacré qu'à Inessa. Je n'avais rien contre elle, mais je détestais ce qu'elle représentait. Et je détestais ce que représentaient les jumeaux. Je détestais tout cela. Mais je ne pouvais rien y faire.

J'avais pourtant envie de prendre Irina et de l'éloigner de moi, de l'écarter de moi, de la soustraire à ma vue. Je supportais très mal de la voir paisiblement endormie là, sur mon canapé. Je ne voulais pas d'elle chez moi, quand bien même elle ne m'avait rien fait et n'était au fond qu'un bébé innocent. Mais c'était plus fort que moi. Je n'arrivais pas encore à tolérer qu'elle soit là, qu'elle existe. C'était trop m'en demander dans l'immédiat, même si je l'avais mise au monde, elle et son frère. J'avais agi en médecin, parce que je le devais. Parce que je devais le faire, pas parce que j'en avais envie. Qui aurait eu envie de mettre au monde son frère et sa sœur ? Certainement pas moi. Je savais que je leur avais sauvé la vie, mais je n'en tirais aucune gloire... Je continuais à voir si ils allaient bien, mais c'était par obligation. Devoir faire attention en permanence à leur santé me faisait presque regretter d'être la pédiatre de la ville. Si j'avais pu, j'aurais volontiers donné le boulet à Jackson. Mais il n'était pas forcément très à l'aise avec le sujet, alors je m'en occupais. Mais dès que nous serions certains qu'ils allaient bien, je cesserais de m'en occuper si je le pouvais. Ce n'était bon ni pour eux, ni pour moi. Et comme le disait si bien Ethan, je m 'occupais déjà de bébés. Moi aussi j'avais deux bébés, peut-être pas du même âge, mais c'était du pareil au même. Lena avait besoin de moi autant que Sasha et... J'en étais à chercher des excuses stupides pour ne pas fréquenter les jumeaux. Autant le dire, ou du moins le penser, une bonne fois pour toutes : je ne voulais pas d'eux dans ma vie. Pas dans l'immédiat. J'en avais assez d'être la gentille Katarina qui accepte tout.

J'eus un sursaut quand mon père déclara soudain froidement qu'il devait retourner à New-York. Il était blême, très blanc. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il avait pu lire, mais de toute évidence cela ne lui avait pas plu. Fronçant les sourcils, je m'emparai de la lettre qui reposait sur ses genoux, et me levai brusquement, me mettant hors de sa portée. J'avais bien le droit de la lire, cette lettre, après tout. Je préférais la lire, même, pour éviter qu'il ne me mente encore une fois. J'étais une grande fille, j'étais une femme, je ne voulais pas non plus d'un mensonge enjolivant de beaucoup la vérité. Je ne lui faisais plus confiance, alors je voulais lire cette lettre moi même, quand bien même elle ne me soit pas adressée et soit privée. Je ne me souciais plus de ses futilités pour le moment. Le ton de la lettre de mon père n'était absolument pas le même que dans ma lettre. Il était beaucoup plus sec, beaucoup plus franc, beaucoup plus sincère. Ma mère avait pensé à moi comme à une petite fille quand elle m'avait fait ses adieux. Elle n'avait pas pris de pincettes avec mon père. Dès les premières lignes, je me suis sentie vaciller sur mes jambes. Le nom d'Armando apparaissait à la seconde ligne. Elle savait... Elle savait tout. Elle avait toujours su. Elle avait été beaucoup plus intelligente que moi. Moi je n'avais rien vu, rien su, j'étais née dans cette richesse et cette influence. On m'avait menti dès le berceau, jamais je n'aurais pu imaginer qu'il s'agissait d'un mensonge. Ma mère avait su, elle... Je tirai une chaise près de la table de la cuisine et dû m'asseoir pour lire la suite. Accoudée à la table, une main sur la bouche, je lus les révélations de ma mère. C'était Armando alors ? C'était lui, alors ? Encore lui... ? Il avait tué ma mère... ? Non, ce n'était pas possible. Pas lui, pas encore. Il ne pouvait pas être responsable de tous les drames de ma vie. Il ne pouvait pas avoir tué ma mère... Juste parce qu'elle était là ? Ce n'était pas juste...

Je repliai la lettre méticuleusement et la poussai à l'autre bout de la table du bout des doigts. Je réalisai soudain que moi aussi j'aurais pu le gêner... J'avais dû le gêner, même. Mais mon problème s'était réglé de lui même quand j'avais déménagé à New-York... J'étais tellement choquée que je ne savais même pas comment réagir. Je ne savais pas si je devais pleurer, hurler, frapper du poing, tout détruire autour de moi. Alors, je ne faisais rien. Je restais muette, immobile. Je fixais la porte d'entrée, pour je ne sais quelle raison. Est-ce que j'attendais mon sauveur ? Peut-être bien. Mais mon merveilleux sauveur était occupé à faire je ne sais quoi avec je ne sais qui et n'était pas prêt de rentrer. C'était bien dommage... J'ai soupiré, et j'ai légèrement secoué la tête, me passant une main dans les cheveux. J'ai pris une profonde inspiration et je me suis relevée, très lentement.

« …Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ? »

Oui, lui. À mes yeux, il était le principal responsable de cette tragédie. Si il avait été honnête, il ne serait pas tombé sur Armando, et ce dernier ne se serait pas débarrassé de ma mère parce qu'elle devenait gênante. Il n'aurait pas perdu l'amour de sa vie si il avait été honnête. C'était de sa faute ! Ma mère avait été assassinée à cause de lui ! Elle était tombée amoureuse de lui et cela lui avait couté la vie. C'était injuste... Se rendait-il seulement compte qu'il était responsable des drames de toute sa famille ? Fréquenter Armando avait été la plus grosse erreur de sa vie. Armando avait tué sa femme, et il avait bien failli tuer sa fille aussi. Cet homme était un monstre. Les images de ma captivité me revinrent soudain en pleine figure. Quand bien même Alan avait été mon principal bourreau, je n'en avais jamais voulu à Ethan. Jamais. Parce que ce n'était pas de sa faute. Ethan ne savait pas dans quoi il s'embarquait en se droguant, il ne savait pas qu'Alan se vengerait... Et de toute façon, Alan était sous les ordres d'Armando. Il m'aurait battue et violée de toute façon, même sans cette histoire de règlement de compte avec Ethan. Armando aussi m'avait frappée. Très fort. Il avait failli me briser l'épaule. C'était un sauvage sans foi ni loi. Je ne comprenais pas comment mon père avait pu rester tant d'années avec un homme pareil, sans être dégouté. Je ne comprenais pas comment il avait pu tolérer de telles atrocités. Je ne comprenais pas comment il avait pu cautionner de telles actes et en profiter pour en tirer avantage.

« Tu te rends compte de ce que tu as fait à notre famille ? De ce que tu continues à lui faire ? Il l'a tuée ! Elle est morte par ta faute ! »

Je suis orpheline de mère par ta faute. J'ai failli mourir par ta faute. Nous avons tous failli mourir par ta faute. La liste des choses que je pouvais lui reprocher était très longue. Mais j'aurais eu besoin de beaucoup plus de temps pour lui dire tout ce que j'avais à lui dire. Je n'étais pas non plus en état de lui dire les choses correctement. J'étais blessée et également passablement terrifiée. Je venais de me rendre compte que j'avais vécu avec un pistolet braqué sur la tempe toute ma vie. Cela me secouait comme cela aurait secoué n'importe qui.

« C'est comme si tu l'avais tuée toi même... C'est... Si j'avais envie d'être cruelle, je dirais que tu récoltes ce que tu as toi même semé. Mais je ne le suis pas. »

J'ai légèrement secoué la tête, et puis je me suis dirigée vers la porte d'entrée d'un pas décidé. J'ai ouvert la porte d'un coup, et j'ai désigné l'extérieur d'un geste de la main.

« Tu veux aller à New-York ? Mais je t'en prie, vas-y ! Vas-y, vas jusque chez Armando ! Va te faire massacrer ! Tu crois sérieusement que le tuer t'avancerais à quelque chose ? Le mal est fait depuis bien longtemps ! Ta femme, ma mère, est morte, tuer encore quelqu'un ne la ramènera pas. Et tu crois que sa mort me ferait oublier que j'ai été enlevée, battue, torturée et violée ? Si tu en es persuadé, vas-y, je t'en prie. Va te suicider. »

Je pleurais de nouveau.

« Abandonne tous tes enfants, allez, vas-y ! Ce ne serait pas la première fois, après tout. Et puis ce n'est pas comme si tu t'en souciais réellement. Je ne parle que pour moi, évidemment. Pas pour les merveilleux nouveaux venus. »
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeMar 9 Aoû - 23:20

Je n'ai pas réagi lorsqu'elle m'a pris la lettre des mains. J'aurais pu l'en empêcher, j'aurais pu arguer qu'elle m'était adressée, que cela ne la concernait pas. Mais ma réaction avait été trop évidente pour qu'elle ne me harcèle pas afin de savoir quel était son contenu. J'aurais pu inventer beaucoup d'excuses, mais je ne voulais plus lui mentir. Et finalement, il valait sans doute mieux qu'elle lise cette lettre elle-même. Comment aurais-je réussi à lui avouer une chose pareille de vive voix ? C'était impossible, rigoureusement impossible. Je n'étais déjà pas capable d'assumer des vérités simples, alors une telle nouvelle, si choquante, si bouleversante, jamais je n'aurais pu réellement la formuler. Je préférais encore qu'elle la lise. Je restai immobile, sans même la regarder, fixant le vide droit devant moi. J'étais incapable d'une réaction quelconque. La seule chose que je voulais, présentement, était d'avoir Armando ou plus précisément son cou sous la main.

Je ne réagis pas plus lorsqu'elle prit la parole. Je ne lui répondis même pas. J'étais encore trop sous le choc, trop surpris, trop en colère par ce que je venais d'apprendre. Une rage froide, plus glaciale que les neiges de Sibérie, m'avait envahie, mes phalanges étaient blanches tellement je serrais les poings, mon regard bleu brûlait d'une étincelle rageuse, et dangereuse, tout mon corps d'une immobilité trompeuse.

Et Katarina parlait. Me donnant gifle sur gifle à chacun de ses mots. Et moi, je restais incapable de bouger. De parler. De me défendre. Elle avait raison. Douloureusement raison. C'était ma faute, c'était entièrement ma faute, Sonja était morte à cause de moi. A cause de mes manigances. J'avais cru que mon passé n'avait eu de conséquences que ces deux dernières années, que pour l'enlèvement de Katarina, alors qu'Armando avait voulu à toute force me retrouver, et cette conséquence était déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Je m'étais trompé, cela remontait déjà loin, vingt-trois ans en arrière. J'avais cru dur comme fer que ce n'était qu'un banal accident, dû à un abruti de chauffeur ivre - il y en avait tellement en Russie ! C'était désespérément courant comme fait divers, on appelait cela un drame mais l'on l'oubliait le lendemain, après avoir lu un entrefilet de trois lignes dans les journaux. « Une jeune femme est morte hier dans le centre-ville de Moscou, sa voiture heurtée de plein fouet par un routier ivre. » C'était tout. On ne savait même pas son nom. Ni celui de la victime, ni celui du meurtrier. Je ne l'avais jamais su, ce nom, celui du chauffeur, et aujourd'hui je réalisais que je connaissais en vérité bien le nom du meurtrier. J'avais été son ami pendant plus de vingt ans. Il s'appelait Armando Venezzio. Et aujourd'hui, alors que je croyais à chaque fois que je ne pourrais le haïr davantage, il réussissait encore à grimper les échelons.

Qu'est-ce qui me fit réellement émerger de ma fureur froide, aveugle, qui me paralysait sur place et menaçait d'exploser à tout moment ? Je ne sais pas exactement. Sans doute lorsqu'elle dit que cela ne servait strictement à rien d'aller tuer Armando, que ce n'était ni plus ni moins qu'un suicide, et que cela ne rattraperait ni la mort de sa mère, ni son enlèvement et les tortures qu'elle avait subies. Non, ce n'est pas à ce moment-là. Là, je me suis simplement rangé à son avis, conscient, terriblement conscient qu'elle avait raison. Ça ne servirait à rien. Assouvir cette vengeance ne ferait que priver Katarina, Inessa, Dmitri et Irina. Sans compter Sasha, et Lena, qui n'avaient déjà pas eu un grand-père très brillant pour le moment. Elle avait choisi les bons mots... Mais je savais que je ne supporterais pas de ne rien faire. Je ne tiendrais jamais indéfiniment avec cet éclat de lave planté dans le cœur. Je devais trouver une solution pour vaincre Armando. Je...

Ce furent finalement ses propos quant à mes enfants qui me réveillèrent réellement, me tirant de ma souffrance et de mes velléités puériles de vengeance.

Je me levai lentement, très lentement, plaçai mes doigts sous son menton et relevai son visage, plantant mes yeux de glace dans les siens. Sifflement acide qui passa mes lèvres, presque vexé pour qui aurait su l'analyser :

- Serais-tu jalouse, Katarina ?

Je n'attendis pas sa réponse, ne fis pas attention à son mouvement de recul. Il était temps de mettre certaines choses au clair.

- Les jumeaux ont une mère, eux. Les jumeaux ont eu droit à un père présent dès leur naissance, eux. Pour qui n'aurait pas été là pendant la grossesse d'Inessa, il semblerait presque que les jumeaux ont été désirés, eux.

Je me rapprochai d'un pas, la saisissant par les épaules, la forçant à rester près de moi.

- Ce n'est pas le cas, Katarina. Les jumeaux ont un très net avantage sur toi ; j'avais déjà réalisé ce que c'était qu'être père avant eux, grâce à toi. Ça ne veut pas dire que je les préfère à toi. Je n'ai aucune préférence. Je vous aime autant les uns que les autres... Mais Katarina, il faut qu'on se rende à l'évidence. Tu es une adulte. Tu as ta famille. Je ne peux plus m'occuper de toi comme je le faisais avant. N'était-ce pas ce que tu me reprochais au début, avec Ethan ? Tu me l'as dit maintes et maintes fois. Tu n'es plus ma petite fille. Et j'aimerais avoir plus de temps pour être avec toi, vraiment, seulement je ne le trouve pas, parce que des bébés sont forcément plus dépendant qu'une jeune femme mariée et mère. Ce n'est pas de ta faute, ni de la leur... Ni de la mienne. Je te jure que j'essaye, Katarina, mais peut-être qu'on doit laisser aller les choses... Peut-être que c'est normal que nos familles se séparent...

J'essuyai ses larmes du bout des doigts, me mordant la lèvre. Comment était-ce possible de se faire pardonner une chose pareille ?

- Je suis désolé, Katarina. Désolé pour tout ce que tu as subi à cause de moi. Mais ne doute jamais de mon amour pour toi. Je ferai ce que tu veux, d'accord ?
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Katarina K. Jones
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeMer 10 Aoû - 12:13

Ethan ne rentrait pas. Il n'avait pas l'habitude d'être en retard – il ne l'était pas d'ailleurs, pas en plein milieu de l'après midi – plutôt celle d'être en avance. Souvent même, il travaillait tellement qu'il faisait ce qu'il avait à faire pour les jours à venir, ce qui lui libérait des heures, qu'il passait avec moi, Sasha et Lena. Mais de toute évidence, aujourd'hui ne serait pas un jour où il viendrait me surprendre en me prenant dans ses bras par derrière, alors que je ne m'y attendais pas. Et c'était bien dommage. Tout ce dont j'avais besoin, c'était de son étreinte masculine, protectrice, douce et forte à la fois. J'avais envie de poser ma tête contre sa poitrine, inspirer à fond son odeur tandis qu'il embrasserait mon front et passerait une main dans mes cheveux en me disant bonsoir. J'avais besoin de mon mari, purement et simplement. Mais visiblement je devrais faire sans lui encore quelques heures. Je n'avais jamais autant désiré qu'il rentre plus tôt. Si il était rentré, je n'aurais pas eu à supporter cette discussion avec mon père, je n'aurais pas eu à supporter sa présence. Je m'en voulais terriblement d'être allée le chercher. J'aurais aussi bien pu me contenter de lui remettre la lettre et de lui dire de s'en aller, c'eût été beaucoup plus facile, et surtout moins douloureux. Il ne fallait pas être devin pour savoir que cette conversation serait douloureuse, peut-être même violente. J'avais l'habitude, avec mon père. Je m'étais plus disputée avec lui en un an qu'en vingt-cinq ans. Chacune de nos conversations finissait inévitablement par une dispute. Maintenant que je savais qui il était véritablement, c'était comme si j'étais incapable de le supporter. Je n'y arrivais plus. J'avais l'impression qu'à chaque fois que je le voyais je me souvenais qu'il n'était qu'un menteur, un manipulateur et un escroc. Je ne voyais plus mon père en lui, son image était ternie à jamais.

J'aurais presque aimé qu'il sorte par la porte d'entrée que j'avais ouverte. Pas pour aller à New-York, mais pour rentrer chez lui. Et surtout, qu'il emmène Irina avec lui. Quinze minutes passées dans la même pièce qu'elle, c'était trop pour moi. Je ne voulais pas qu'elle soit ma soeur, je ne voulais pas être la sienne, je ne voulais pas être dans sa vie. Je ne la considérais pas comme une rivale, non, c'était encore autre chose. Si cela avait été le bébé de n'importe qui d'autre, j'aurais certainement agi normalement avec elle. Mais dans le cas présent, j'en étais absolument incapable. Je ne voulais même pas la prendre dans mes bras. Je ne voulais même pas la regarder. Je voulais juste qu'elle s'en aille, qu'elle disparaisse de chez moi, et si possible avec son très cher père. Je sus cependant qu'ils ne s'en iraient pas quand je vis mon père s'approcher de moi sans Irina. Je claquai la porte violemment, me moquant bien d'éventuellement réveiller le bébé. J'eus un vif mouvement de recul quand il prit mon menton entre ses doigts et planta son regard dans le mien. Je ne me démontai pas et le soutins, malgré les larmes qui s'échappaient de mes yeux. J'arborai une mine de dégout quand il me demanda d'un ton presque moqueur si j'étais jalouse. C'était une blague, non ? De quoi est-ce que j'aurais bien pu être jalouse ? D'un bébé qui avait vingt-six ans de moins que moi ? D'un bébé qui avait un père menteur ? D'un bébé qui n'était pas désiré ? Non, merci, j'avais déjà tout cela. Je m'en portais suffisamment mal, je n'avais pas besoin de rajouter une jalousie à ma liste de fardeaux.

Si je n'avais pas eu peur d'ameuter tout le quartier, je me serais certainement mise à hurler pour qu'il me lâche au moment même où il avait posé les mains sur mes épaules. Je me retins, bien qu'une boule d'angoisse et de colère se forme dans ma gorge. Je n'avais qu'une envie, le repousser, et fuir. Cependant, je savais qu'un jour ou l'autre nous devrions avoir cette conversation, alors autant la supporter maintenant. Ce serait fait, une bonne fois pour toutes, et nous n'aurions plus besoin de nous parler après cela. Même pas pour nous dire bonjour, ce ne serait plus nécessaire. Je venais d'avoir un élan de haine pour lui. Lui et ce qu'avait été sa vie, ma vie, pendant toutes ces années. J'avais vécu avec un pistolet braqué sur la tempe presque toute ma vie. Qui sait combien de fois Armando avait songé à m'assassiner ? Qui sait s'il ne l'aurait pas fait si je n'avais pas un jour décidé de m'exiler aux USA ? Je n'avais été qu'un pion dans leur jeu, et cela me laissait un arrière goût plus qu'amer. Ma vie n'avait vraiment commencé qu'après la guerre, j'en étais maintenant certaine. J'aurais bien aimé ne pas être confrontée à mon passé en permanence. Je n'avais pas eu droit au même nouveau départ que tout le monde, puisque mon passé continuait de me donner des claques qui m'envoyaient au tapis. Voilà pourquoi je voulais tirer un trait dessus, une bonne fois pour toutes.

Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien. Il cherchait des excuses, de vagues explications... Aucune n'avait d'impact sur moi. Il pouvait me dire mille fois que j'étais sa fille et qu'il m'aimait, ses mots ne me toucheraient jamais plus. Il avait ruiné, il avait tout ruiné. J'étais adulte, indépendante, oui. J'étais la première au courant, même. Je ne lui reprochais en aucun cas de me laisser vivre ma vie. J'aurais été idiote de le faire, après avoir fait tant d'efforts pour qu'il me laisse la mener comme je l'entendais. Je n'étais pas idiote. Juste trop gentille.

« Nos familles ? Tu vois, tu ne dis même pas "notre" famille. Nous ne faisons plus partie de la même famille, tu le dis toi même. Alors comment est-ce que tu veux que je le prenne bien ? Comment ? »

Je ne pouvais pas. Je n'étais pas jalouse, mais je ne pouvais pas non plus accepter d'être remplacée du jour au lendemain. Il avait beau dire que ce n'était pas le cas, ça l'était. Il était juste trop aveugle pour s'en rendre compte. Mais moi, je m'en rendais compte. Peut-être trop, même. Être si altruiste et empathique n'avait pas que des avantages. Je souffrais toujours plus que je n'aurais dû. J'étais beaucoup, beaucoup, beaucoup trop sensible. Et c'était pour cela que je le cachais. Ma grande force était aussi ma grande faiblesse. Combien de fois avait-on tenté de profiter de cette sensibilité exacerbée qui était la mienne ? Que l'on joue sur ma sensibilité n'était pas quelque chose que j'appréciais. Que l'on s'en serve contre moi non plus. Et c'était exactement ce que mon père était en train de faire, il tirait sur la corde sensible. Sauf que j'avais cadenassé mon cœur, et que ses mots n'étaient certainement pas prêts de l'atteindre.

« Tu veux quoi, que je te pardonne, peut-être ? Que j'oublie qu'à cause de toi j'ai été kidnappée ? Que j'oublie que j'ai été torturée, battue, violée ? Que j'oublie que j'ai failli ne jamais revoir ni ma fille, ni mon mari ? Que j'oublie que je suis orpheline de mère par ta faute ? Juste parce que tu es désolé, tu veux que je te pardonne ? »

J'ai reculé d'un pas, échappant à son emprise, mais me retrouvant collée à la porte.

« Est-ce que tu sais que personne ne m'a fait souffrir comme tu m'as fait souffrir ? »

Ethan aussi m'avait fait souffrir, oui. Mais lui, il avait su se faire pardonner. Il avait fait des efforts pour changer, il se pliait en quatre pour moi, il faisait n'importe quoi pour me contenter. Il m'avait vengée. Il avait tué pour moi. Il ne vivait que pour moi et à travers moi. Il m'aimait tellement qu'il m'était impossible de rester en colère contre lui très longtemps. Il me traitait comme une reine, il accédait à mes moindres désirs. Il me disait qu'il m'aimait tous les jours, absolument tous les jours. Il avait fait plus pour moi en trois ans que mon père en toute une vie.

« Est-ce que tu te rends compte que depuis un an, tu ne t'es pas comporté en père avec moi une seule fois ? Tu m'as cherchée, et une fois que tu m'as trouvée... Rien. La première chose que tu as faite c'est détester Ethan sans même chercher à comprendre pourquoi je l'aimais. La seconde, c'est te battre avec lui pour obtenir le droit de voir Lena. Et ensuite... Ensuite, tu l'as ramenée elle. Inessa. À partir de ce moment là, je ne t'ai plus vu. Tu n'as plus été obsédé que par elle, et seulement elle. Moi j'étais là, mais tu ne me voyais pas. Tu n'as même pas eu un mot pour me rassurer alors que je pensais avoir fait une fausse couche, pas un ! Tu était tellement obnubilé par ta pseudo histoire avec elle que tu ne voyais pas combien moi je souffrais. Tu ne me voyais même pas, en réalité. Il n'y avait qu'elle, et il ne s'agissait toujours que d'elle. Maintenant c'est d'elle et d'eux. »

Je désignai d'un geste du menton Irina, toujours endormie sur les coussins.

« Mais j'existe, moi aussi ! Faut-il que je meure pour de bon pour que tu t'en souviennes enfin ? »

Je glissai légèrement sur le côté, afin de m'écarter définitivement de lui, de m'éloigner.

« Et maintenant tu veux que j'accepte tout ça sans un mot ? Tu veux que j'accepte d'avoir une belle-mère aussi jeune que moi, sosie de ma mère MORTE ? Tu veux que j'accepte sans un mot tes nouveaux enfants, plus jeunes que les miens ? Tu veux peut-être aussi que je me comporte comme leur soeur ? Je n'ai pas envie d'être leur soeur ! Je n'ai pas envie, je ne veux pas ! »

J'ai légèrement secoué la tête, avant de porter une main à mon front, un peu perdue.

« Je ne peux pas accepter tout ça, je ne veux pas. J'en ai assez d'encaisser, d'être martyre et de me soumettre. Je ne veux pas de ta nouvelle famille, je ne veux pas en faire partie. Et je n'ai pas non plus envie de te pardonner tout ce que tu m'as fait, tout ce que j'ai subi par ta faute. Aucune femme n'oublierait aussi vite qu'elle a été torturée et violée par la faute de son père. J'ai eu mal, j'ai toujours mal. Je ne veux rien accepter de tout ça. Rien. »
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeMer 31 Aoû - 13:35

Je ne savais plus quoi faire, je ne savais plus quoi dire. J'étais sincère, sans doute plus que je ne l'avais jamais été dans ma vie construite et élaborée sur le mensonge, dans le mensonge, autour du mensonge. Que je le jette loin de moi et tout s'écroulait. Maintenant qu'il ne pouvait plus faire partie de ma vie, maintenant qu'il avait été percé à jour, tout partait en lambeaux et se délitait, plus rien ne fonctionnait. Je comprenais maintenant qu'on ne pouvait pas se créer une vie sur quelque chose d'aussi fragile et inconstant qu'un mensonge, aussi solide puisse-t-il paraître... Il fallait trop de temps pour le construire, un claquement de doigts pour le détruire. Mais manque de chance, il était trop tard maintenant. Ma vie était derrière moi. Et j'avais l'horrible impression que Katarina était derrière moi aussi. J'avais beau m'accrocher à elle, elle reculait de plus en plus et je ne savais plus quoi faire pour la ramener à moi.

- Je ne peux pas dire notre famille alors que tu n'arrives pas à considérer Irina et Dmitri comme ton frère et ta sœur et que tu ne peux t'empêcher de faire la grimace dès que tu les vois !

Je me mordis la lèvre. Mauvaise formulation. Je me repris immédiatement.

- Comprends-moi bien, Katarina, je ne veux pas dire que c'est ta faute. C'est normal que tu aies du mal. Mais c'est aussi normal que je ne nous considère pas comme une seule et même famille ! Je ne demande que ça, je voudrais qu'Inessa et toi vous entendiez à merveille, je voudrais que tu sois heureuse de pouvoir t'occuper des jumeaux, mais ce n'est pas le cas, et je ne vais forcer personne à rien.

Sauf qu'elle n'en avait pas fini avec moi. Ces lettres avaient cassé quelque chose. Sans doute les dernières miettes de crédit qu'elle m'accordait encore. Seigneur, Sonja, je t'aime, mais pour le coup j'aurais aimé que tu trouves un autre moyen de me prévenir. Je blêmis alors qu'elle me jetait de nouveau à la figure les souffrances qu'elle avait dû subir par ma faute. J'étais à la fois terriblement en colère et complètement désespéré. Bien sûr que je voulais qu'elle me pardonne, c'était la seule chose que j'aurais voulu de sa part, mais bien sûr que lui dire que j'étais désolé ne suffisait pas ! Mais qu'est-ce que je pouvais bien faire pour me pardonner ? En réalité, je le savais ce que j'aurais dû faire : tuer Armando ce jour-là lorsque je l'avais rencontré durant l'attaque des Hors-la-Loi. Mais maintenant, c'était trop tard, et nous étions partis de New York. Katarina avait raison ; je ne pouvais pas abandonner ainsi les miens simplement pour exécuter une basse vengeance. Cela ne lui rendrait pas sa mère, cela n'effacerait pas son traumatisme, de toute façon. Pour l'instant, je devais faire profil bas, mais je plaignais Armando s'il se retrouvait face à moi... Quoique non, je ne le plaignais pas du tout, en fait. Tant pis pour lui.

- Katarina... Je n'ai pas... Non... Je ne dis pas qu'être désolé suffit pour me faire pardonner... Mais oui, je veux que tu me pardonnes ! Je ne t'ai JAMAIS fait souffrir volontairement ! J'en serais totalement incapable !

Elle reprit la parole, plus fort encore. Et plus elle parlait, plus mon visage se défaisait, plus je reculais. Je ne m'en rendais pas vraiment compte. Je crois qu'elle ne le réalisait pas non plus. Ses yeux étaient de flammes, sa voix de braise, sa haine était un volcan bouillonnant qu'elle déversait sur moi et je ne pouvais plus répliquer. Ses émotions étaient de feu lorsque j'avais toujours été la glace, et jamais glace n'avait su geler des flammes. C'était elle qui gagnait, elle avait toujours gagné contre moi, alors même que j'avais vaincu tellement de monde bien plus retors qu'elle. Nul besoin de manipulation, nul besoin de mensonges, la vérité nue suffisait, et je ne pouvais rien lui dire. Parce qu'elle avait raison, cent fois raison, et que pouvais-je faire d'autre que d'être totalement anesthésié par ses paroles ? Trop choqué pour pouvoir réagir ? Chaque fois que j'ouvrais la bouche pour me défendre, elle me coupait de nouveau la parole, m'avilissant d'accusations que je savais vrai et pourtant je ne pouvais accepter qu'elle me désignait ainsi. Je n'étais plus son père à ses yeux, je ne pouvais plus l'être. Mais moi, j'avais besoin de ma fille, terriblement, quand bien même elle me rejetait une dernière fois. Je sursautai quand elle termina soudain de parler envahi par le lourd silence qui pesa soudain sur nous.

Qui me laissait détruit.

Assommé.

Désespéré.

Je voulais la revoir. Terriblement. Je ne rêvais pas mieux que tout redevienne comme avant entre nous. Quand elle ne savait rien de ma vie, quand elle ignorait mon vrai travail, quand nous ne savions pas pourquoi Sonja avait subi cet accident, quand je l'aimais elle seule encore et que j'étais le centre de son univers. Avant Ethan. A ce moment, je recommençais à détester Ethan. Parce que s'il avait pu apporter un complément à ma présence en la rencontrant avant la guerre et toutes ces révélations, maintenant il ne faisait que la remplacer. Et il n'y avait plus d'espace pour moi, plus rien du tout. Qu'est-ce que je pouvais faire ? Qu'est-ce que je pouvais bien faire pour la récupérer ?

- Katarina... soufflai-je.

Et que pouvais-je bien dire après de tels mots ?

- Écoute-moi, trésor, je t'en supplie. Je n'emmènerai plus les jumeaux ici, plus jamais. Tu ne les verras plus. Mathilda ou Jackson s'occuperont très bien d'eux, ou même Diane, elle est sur place après tout. Je ne te parlerai plus d'Inessa, je ne te parlerai plus d'aucun d'eux trois. Je ferai des efforts avec Ethan, tu sais bien qu'on ne se dispute plus de toute façon. Je libérerai encore plus de temps pour toi... Je... Je ferai tout ce que tu voudras... Je veux que tu comprennes que ça n'a jamais été volontaire ! Je chercherai qui a osé essayer de te voler ton bébé. Je te protégerai. Je veux que tu puisses oublier. Je veux que tu n'aies plus que des bons souvenirs. Mais ne me chasse pas, je t'en supplie... Je ne veux pas faire partie des mauvais souvenirs... Ne me laisse pas... Laisse-moi juste une chance... Une dernière chance...

En temps normal, j'aurais été terrifié de voir le pouvoir qu'elle avait sur moi, de voir à quel point j'étais capable de m'écraser, moi si fier et cynique, pour pouvoir la conserver égoïstement à mes côtés. Mais là, aujourd'hui, la terreur de la perdre surpassait tout, absolument tout, et je n'avais plus qu'un immense creux dans le cœur, vide d'elle, à sa recherche, tremblant de son absence. Je devais me faire violence pour ne pas m'avancer et la serrer dans mes bras - je savais qu'elle me rejetterait si je passais outre ses envies, et je ne le voulais surtout pas.
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeJeu 1 Sep - 10:33

« Je ne me forcerai pas à les aimer pour soulager ta conscience ou le poids de ta culpabilité ! »

Oh ça non, certainement pas. J'en avais assez de faire des concessions pour lui. J'en avais assez fait. J'en avais trop fait. Je n'allais maintenant pas accepter de courber l'échine devant sa nouvelle femme et ses nouveaux enfants. Est-ce qu'il ne trouvait pas que j'en avais fait assez ? J'avais mis au mondes ces enfants. J'avais mis au monde ses jumeaux. Est-ce qu'il ne trouvait pas cela suffisant ? J'avais fait mon travail, certes. Mais si j'avais voulu, j'aurais pu laisser quelqu'un d'autre s'en charger. Quelqu'un de moins qualifié que moi. Mais je ne l'avais pas fait, quand bien même j'en avais eu terriblement envie. Je ne ferais rien de plus. Je n'avais pas envie de faire l'effort d'apprendre à les aimer, je n'avais pas envie d'accepter Inessa dans ma vie, je n'avais pas envie de connaître cette nouvelle partie de ma famille. Il ne m'y forcerait pas. Je me moquais bien que cela puisse lui faire de la peine. Après toute la peine qu'il m'avait causée à moi, je n'avais pas à m'en soucier ! Pourquoi l'aurais-je fait ? Après tout ce qu'il m'avait fait ! J'avais été toute seule presque toute ma vie, mais ce n'était pas une raison pour que je saute de joie parce j'avais soudain un frère et une sœur. Ce n'était pas à vingt-six ans que je voulais avoir une frère et une sœur. Mes enfants étaient plus vieux qu'eux ! C'était ridiculement scandaleux. Lena avait un an de plus que son oncle et sa tante. Comment expliquer aux enfants leur lien familial plus tard ? Ce serait un véritable sac de nœuds. Qu'il démêlerait seul. Je ne m'en occuperais pas, c'était absolument hors de question. Il avait créé ce problème tout seul, il le résoudrait tout seul. En ce qui me concernait, j'en avais fait bien assez.

Peut-être qu'il n'avait jamais voulu me faire souffrir volontairement, mais toujours est-il que c'était en son nom que j'avais été enlevée et torturée. Alors peut-être que ce n'était pas lui qui m'avait frappée de ses mains, mais c'était du pareil au même. Alors qu'il me torturait, Armando ne cessait de me demander où il était. À l'époque, j'étais bien incapable de lui fournir une quelconque réponse. Et me connaissant, même si je l'avais su, peut-être que je n'aurais rien dit. Pour le protéger, comme j'avais protégé les autres. Je pensais tellement que j'allais mourir qu'il m'avait semblé plus judicieux de ne rien dire. Et si j'avais parlé, j'aurais dû supporter le poids d'une culpabilité énorme... Comment pouvait-il ne pas s'être rendu compte à quel point il m'avait fait souffrir ? Quand il avait ramené Inessa, ne s'était-il pas dit que je risquais de mal le prendre, d'être blessée par la présence de cette femme ? Non, pas une seule fois. Pas une seconde il n'avait pensé à moi. Il avait fait preuve d'égoïsme. Il n'avait pensé qu'à lui. Qu'à lui et à ce qu'il voulait. Moi, j'avais souffert, sans rien dire, espérant que peut-être, il finirait par se souvenir que j'existais... J'avais définitivement abandonné cet espoir quand j'avais cru faire une fausse couche et qu'il n'avait pas eu un mot gentil. Pas un. Je n'avais jamais été plus seule qu'à ce moment là. Personne n'avait été là pour moi. Ethan avait replongé la tête la première dans la drogue. Je n'avais pu me tourner vers personne. Si Alexander n'avait pas eu à faire face à l'adultère de sa femme il aurait peut-être pu me soutenir. Quant à Gabrielle... La fin de notre amitié remontait à bien plus longtemps que cela. Tout cela pour dire qu'en général, on attend de ses parents qu'ils soient là quand nous avons besoin d'eux. Je n'avais jamais pu attendre cela de mon père. Il était toujours absent. J'avais pensé plus de temps seule ou avec mes nourrices dans mon enfance qu'avec lui. J'avais cru qu'il était absent car en voyage d'affaires... Effectivement, il était absent pour son travail. Ce n'était juste pas celui que je pensais.

La situation avait quelque chose de tragiquement comique. À chaque fois que je hurlais, que je me mettais en colère, que je menaçais de couper les ponts avec lui, il s'écrasait. Il s'écrasait, il s'aplatissait comme un lâche. Parce qu'il avait peur. Il avait peur de me perdre définitivement. Mais quand comprendrait-il que je ne voulais pas d'une père comme ça ? Quand comprendrait-il que je voulais un père présent tout le temps, et pas juste dans les moments critiques ? Je voulais un père comme tous les autres, dans les bons moments, comme dans les mauvais. Je ne voulais pas une moitié de père. Et surtout pas la pire moitié. Ses excuses ne valaient plus rien à mes yeux. Ses excuses, je les avais déjà entendues plus d'une fois. Il était incapable de tenir ses promesses. Il ne savait même pas quelle valeur avait une promesse. Mais la valeur du mensonge... Ah, celle là, il la connaissait ! Ce n'était malheureusement pas la meilleur valeur au monde. Loin de là.

« Pourquoi est-ce que j'accepterai, hmm ? POURQUOI ? Une dernière chance ? Il me semble que ce n'est pas la première fois que tu m'en demandes une. À chaque fois, j'ai accepté. Et à chaque fois... Tu as recommencé. Tu es incapable de tenir tes promesses ! INCAPABLE ! »

J'ai pointé un doigt accusateur vers lui. Me prenait-il pour une idiote ? À chaque fois que je lui avais laissé l'occasion de se racheter, il avait piétiné cette occasion de ses deux pieds. Il m'avait blessée à chaque fois. Peut-être sans s'en rendre compte, mais toujours est-il qu'il l'avait fait.

« Tu ne réagis que lorsque tu es sur le point de me perdre totalement. Mais si tu faisais attention à ce que tu fais, nous n'en serions pas là. Tu me traites comme une marchandise de seconde main. Je passe toujours en dernier. Toujours ! Et tu ne peux pas le nier. Tu crois que parce que j'ai un mari et des enfants je n'ai pas envie d'avoir un père ? Tu crois que j'ai moins besoin de toi que les jumeaux ? Je n'ai peut-être pas besoin qu'on me donne le biberon ou qu'on me change, mais j'ai besoin de mon père. Je n'en ai qu'un, et que je le veuille ou non, c'est toi l'heureux élu. Je n'ai pas envie d'être totalement orpheline ! »

J'étais adulte, mais cela ne voulait pas dire pour autant que je n'avais pas besoin de parents. Je voyais bien combien c'était dur pour Ethan de vivre sans ses parents. Ses parents parfaits... Qui n'avaient jamais menti, qui s'étaient toujours occupés de lui, qui avaient toujours été là pour lui... Ses parents qui étaient morts trop tôt. Ethan était adulte quand il les avait perdu, mais cela l'avait pourtant détruit. Peu importe l'âge que l'on a, on a toujours besoin de ses parents, ne serait-ce que pour l'amour qu'ils sont censés nous porter. Enfant, j'avais toujours eu l'impression d'être un poids pour mon père. Et quand j'avais grandi, il s'était soudain rapproché de moi, presque au point de m'étouffer. Il m'avait traitée comme sa chose, sa possession. Il avait détesté Ethan à la seconde où il avait su qui il était pour moi, parce qu'il avait cru qu'Ethan m'avait volée. Je n'étais pas une chose. J'étais sa fille, pas son objet, il n'avait pas à décider de ce que devait être ma vie. J'avais l'impression qu'il m'avait abandonnée, qu'il s'était détourné de moi parce qu'il ne pouvait plus contrôler ma vie, parce qu'il n'était plus le seul homme dans ma vie. Parce que quelqu'un d'autre avait pris sa place dans mon cœur. Et parce que ce quelqu'un comptait plus à mes yeux qu'il n'avait jamais compté. Je craignais qu'il ne m'ait abandonnée par jalousie. Purement et simplement. Et depuis, les choses n'avaient cessé d'empirer. C'était pire à chaque instant.

« Toutes ces choses, tu les as déjà dites. Pourquoi est-ce que ce serait différent cette fois ci ? Une fois que tu seras sûr que je vais t'offrir une dernière chance, tu feras des efforts, quoi, une semaine ? Et après tu m'oublieras. C'est ce que tu fais toujours. Parce que tu trouves toujours plus intéressant et plus important que ta fille ainée. Tu crois que je n'ai pas l'habitude ? »

J'ai légèrement secoué la tête, me passant une main dans les cheveux.

« Non. Non, c'est fini. Je ne souffrirai plus à cause de toi. Non. Finalement, je crois que je n'ai plus besoin de toi. Je n'ai plus besoin de quelqu'un qui me ferait souffrir continuellement. Tu es mon père, tu resteras mon père, mais... Non. Je ne veux plus. Si je veux remonter la pente, il faut que ce soit sans aucun boulet à mes pieds. Je refuse d'en accrocher un supplémentaire à mes pieds. »

Je baissai les yeux, pour cacher les larmes qui les envahissait.

« Je t'évite ainsi de trahir une nouvelle promesse. C'est mieux pour tout le monde. »
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MessageSujet: Re: He didn't miss your heart {ALEXEÏ}   He didn't miss your heart {ALEXEÏ} Icon_minitimeVen 9 Sep - 0:56

- Je n'ai pas dit ça !

J'avais l'impression qu'un fossé d'incompréhension s'était ouvert entre nous. Mais au fond, nous étions-nous déjà réellement compris ? Katarina ne s'était jamais sentie à l'aise dans ce monde où je l'avais faite évoluer, essayant la plupart du temps de s'échapper de ces réceptions et de ces cocktails où je l'entraînais avec moi, repoussant mes cadeaux, m'obligeant à la retirer de cette école privée si chère et pour finir refusant catégoriquement mon aide alors qu'elle partait étudier à New York. Rien qu'à ce niveau, nous n'étions pas du même monde. J'étais tiré d'un milieu modeste mais j'avais réussi à gagner ma place dans les affaires, légales puis illégales, me faisant extrêmement rapidement à ce nouveau style de vie. Ensuite il y avait eu Ethan et sa famille, et j'avais refusé de voir - ou tout du moins je l'avais réalisé bien trop tard - l'amour profond qu'elle éprouvait pour lui, me contentant de croire qu'il m'avait volé ma fille, sans prendre conscience que si ma vie était restée en pause pendant deux ans, alors que je la recherchais, cela n'avait pas été le cas de la sienne, persuadée que j'étais mort, et surtout, même si elle avait cru à ma survie, convaincue que j'étais encore à Moscou, à l'autre bout du monde, dans un endroit que jamais nous ne pourrions rejoindre désormais. Ensuite, Inessa, puis la rencontre avec Armando où, habituée à la défense farouche d'Ethan, elle n'avait pu comprendre pourquoi je ne l'avais pas abattu - à vrai dire je ne le comprenais toujours pas moi-même - et enfin le comble avait été la naissance de ce frère et de cette sœur plus jeunes que leurs neveu et nièce. Irina et Dmitri avaient très certainement été la goutte qui faisait déborder le vase, et moi j'avais été incapable de combler ce trop-plein d'émotions négatives à mon égard. J'avais pourtant essayé, réellement essayé, et d'ailleurs je savais qu'elle exagérait lorsqu'elle disait que jamais je ne la voyais. Seulement Katarina savait habituellement être plutôt objective. Et s'il fallait qu'elle dise ça, alors c'est que je n'avais vraiment pas réussi à équilibrer assez mon temps entre elle, Inessa et les jumeaux.

Je ne savais pas comment faire. Je ne savais pas comment faire et ce pour une raison très simple : mon affection avait toujours été réservé exclusivement à une seule personne. D'abord Sonja, puis Katarina, de toute mon âme, y compris lorsque je l'avais perdue dans les bombardements. J'avais passé deux ans entièrement consacrés à sa recherche, ignorant tous ceux qui évoluaient autour de moi, m'intéressant à peine aux affaires d'Armando au point que je n'avais même pas su qu'il me recherchait, que je n'avais même pas entendu qu'il avait capturé Katarina pour m'attirer à lui. En reconstituant les faits, j'avais pu me rendre compte que j'étais à cette époque à l'opposé de New York - mais ce n'était pas une raison. Ce n'était pas un justificatif que je pouvais présenter à ma fille pour qu'elle me pardonne de s'être fait torturer et violer par ma faute. « Je suis désolé, trésor, je serais bien venu te chercher mais je n'étais pas sur place ! » Ce n'était pas plus acceptable que mes autres excuses, sincères mais inutiles et trop tardives. Pourtant Armando me connaissait aussi bien, voire mieux que moi-même, vu comment je me mentais en permanence. Il avait trouvé la solution idéale pour me faire revenir à lui... Mais dommage pour lui, je n'avais pas su qu'il la maintenait en captivité. Mais après, il y avait eu Inessa, Inessa sortant de l'ombre dans laquelle elle avait toléré de vivre pendant si longtemps, et c'était depuis ce moment-là que je faisais réellement n'importe quoi. Je n'avais su comment gérer à la fois ma femme et ma fille. C'était déjà trop pour Katarina de me voir avec quelqu'un qui aurait pu être sa sœur, le sosie de sa mère, mais en plus je n'avais pas réussi à rester juste, la délaissant sans cesse pour cette remplaçante. Elle n'était pas, tout du moins plus, cela à mes yeux, mais à ceux de Katarina, que pouvait-elle être d'autre pour moi ? Et j'avais été maladroit, considérant sans doute inconsciemment, avec ce trop-plein de rancœur que j'avais contre Ethan, que Katarina n'avait plus besoin d'un père, maintenant qu'elle avait un mari.

Or, elle était en train de me dire exactement l'inverse. Que malgré Ethan, malgré ses enfants, malgré la famille qu'elle avait su se fonder envers et contre tout ce qui prétendait que notre monde s'était effondré, arrêté de tourner, malgré cette vie qu'elle s'était reconstruite, elle avait encore besoin de moi. Et cela me faisait prendre conscience qu'au fond, j'avais été persuadé qu'elle ne voulait plus de moi. Que mes mensonges l'avaient déjà convaincue qu'elle n'avait aucune nécessité dans sa nouvelle vie d'un père manipulateur, ancien parrain de la mafia, qui risquerait de donner un exemple contraire aux qualités qu'elle avait toujours prêchées à ses enfants. Mais en vérité, c'était Ethan qui avait dit cela, Ethan et encore Ethan, qui ne me faisait pas confiance et voulait m'empêcher de voir mes petits-enfants. Elle, elle avait tenté de nous réconcilier et de passer outre nos disputes, me faisant confiance et m'autorisant même une ou deux fois à voir Lena sans qu'il ne le sache - à moins qu'elle ne lui ait avoué plus tard mais quoi qu'il en soit, le mal avait déjà été fait. Seulement à force de non-dits, de mensonges, ou au contraires d'aveux un peu trop tardifs, elle s'était éloignée de moi, et j'avais fini par considérer qu'ils voulaient tous les deux la même chose. Me renvoyer de leur famille, détruire le mauvais exemple que je pouvais être avant que leurs enfants ne puissent se souvenir de leur grand-père. J'avais pensé que c'était Katarina qui me repoussait, sans réaliser que je m'étais repoussé tout seul, en estimant savoir ce qu'elle ressentait seul. J'avais cru qu'elle s'était ralliée à Ethan, refusant de me voir, n'ayant désormais plus besoin d'un père aussi pitoyable. Et je m'étais trompé...

Encore.

Elle ne s'était pas ralliée à Ethan. Et il était très facile de le savoir pour la simple et bonne raison que mon beau-fils et moi, désormais, sans être les meilleurs amis du monde, faisions relativement bonne figure lorsque nous étions ensemble. La crainte de perdre Katarina avait été tellement forte, tellement puissante qu'elle nous avait totalement rapprochés et réduit nos rancœurs à néant, et pourtant cela n'empêchait pas Katarina de m'en vouloir encore aujourd'hui et de me repousser. De me repousser... Pour des raisons que j'avais moi-même forgées. J'avais créé ma propre perte, celle de ma fille, tout seul, comme un imbécile et sans m'en rendre compte, lorsque je m'étais allié à Armando vingt-cinq ans plus tôt. Elle ne le voulait pas... Elle le disait elle-même. Elle était en train de le dire... Que j'étais son père, que je le resterais... J'avais envie d'être puéril, de jouer au gosse capricieux, j'avais terriblement envie de lui répliquer que puisque je restais son père, eh bien, il était inutile d'aller contre cela. Cependant rien ne l'obligeait à accepter ma présence. Et quelque part je la comprenais, je ne l'avais que trop fait souffrir, je n'avais pas le droit de lui demander de ne pas, moi, me faire souffrir. D'ailleurs, quelle serait ma douleur comparée à ce qu'elle avait vécu ? Il ne tenait qu'à moi de réparer les choses. Seulement ma grande peur était que je ne savais pas s'il y avait encore quelque chose de réparable.

Je devais y parvenir. Ce n'était pas parce qu'elle refusait désormais de me voir que je m'effacerais de sa vie. Je n'irais plus la voir en privé, je ne rendrais plus visite à mes petits-enfants, d'accord. Mais je devais quand même trouver un moyen de prouver que je tenais toujours à elle, que j'avais toujours tenu à elle. J'aimais Katarina, réellement, sincèrement, aussi fort que je pouvais aimer les jumeaux, de la même manière que je n'avais pas de préférence entre Sonja et Inessa. Qui aurait été capable de choisir entre ses enfants ? C'était simplement un amour différent. Envers les jumeaux, j'éprouvais un instinct protecteur, j'avais envie d'être ce modèle que je n'avais su être pour Katarina, alors que pour mon aînée, c'était davantage de la fierté et une présence discrète, ainsi qu'une protection, également, mais que je devais apprendre à partager avec Ethan. Ce n'était pas aussi absolu et c'était pourtant bien présent, bien ancré en moi. Je refusais qu'elle prétende pouvoir l'annuler ainsi, simplement parce qu'il s'agissait là de son désir. Je ne m'imposerais plus à elle, d'accord... Mais je serais toujours là. Parce que je restais son père.

Ses paroles me blessaient, oui, terriblement. Mais en même temps elle m'avait permis enfin de savoir où était le véritable problème, où est-ce que je devais m'améliorer. Simplement apprendre à ne plus être exclusif. Était-ce si difficile que ça ? Inessa risquait fort de se moquer ouvertement de moi si je lui demandais conseil, mais tant pis. Serait-elle jalouse ? Je prendrais le risque. Je pouvais bien faire ça pour Katarina, après tout ce temps à l'avoir délaissée pour Inessa. Et c'était sans doute mesquin de penser cela, mais je savais que je risquais bien moins de perdre ma femme que ma fille.

Non, je ne l'avais pas encore perdu. Non, il me restait encore une chance. Une minuscule chance. Mais cette fois-ci, c'était réellement la dernière. Et je n'avais pas le droit de la perdre.

- Ce n'est pas dit encore que je gâche cette promesse-là, sifflai-je entre mes dents serrées, avant de reprendre Irina dans mes bras et de passer la porte.

Je te prouverai que tu peux avoir confiance en moi, Katarina.
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