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 J'ai embrassé l'aube d'été

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MessageSujet: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeJeu 7 Juin - 21:03

Plus rien à foutre... plus rien à perdre. Une clope, une bière, et la route déserte devant lui, Boris démarrait une nouvelle vie. San Francisco n'existait plus que sur le tombeau qu'il avait dressé dans son esprit, et sur sa peau. Plus de famille. Plus d'amis. Plus de radio. Par chance, il avait sauvé quelques cassettes audio, un genre de mythe. Un refrain qui rappelait les riches années de sa pauvre existence... « I'm on the highway to hell », d'ACDC, sortit en 1979 le berçait au fil de kilomètres.
Derrière lui, Bo laissait son cœur et son âme. Devant lui... le néant, le mystère et l'aventure. La véritable liberté si on peut dire. Pour lui, c'était s'arrêter en plein milieu du désert, et danser comme jamais sur un de ses tubes préférés avec deux grammes dans le sang, jusqu'à tomber d'épuisement, puis écrire son désespoir, et enfin construire un édifice en trinquant tout seul pour la santé du Vide. Une montagne de pierres suffisait, il n'était pas si difficile comme artiste.

Pour revenir à nos moutons, c'est à dire ce road-trip sans but, Bo choisit de passer par le Sud (peut-être la peur des vieux démons...). Lorsqu'il arriva à Tucson en Arizona, la guerre durait déjà depuis plusieurs mois et les voleurs sévissaient sans foi ni loi, dans le but de se faire un nom parmi les pauvres perdus qui erraient. Notre héros trouvait ça ridicule, bien qu'il en fut victime plus d'une fois. Visiblement, sa bonne volonté ne suffisait pas. C'est ainsi qu'on lui ôta sa carte, deux litres d'essence, ainsi que quelques romans en or en échange d'un beretta 84 un peu rouillé, et si le chargeur pouvait contenir 13 balles, il n'en contenait que 4 en réalité.

En tant que narrateur, je me permets de passer sur ses frasques entre Tucson et New York. « Vaches maigres » conviendrait pour résumer 4 semaines de route. Fouiller des ruines pour trouver son compte, fouiller des corps... 261 dollars, 75 cents et 24 balles de 8mm, sans compter les chaussures, les boîtes de conserve et les autres munitions qu'il gardait pour les troquer contre de la nourriture ou un peu d'alcool.

New York !

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New York, cette grosse pomme transgénique corrompue par l'argent et la mode, n'était plus qu'un tas de ruines lorsque Boris coupa son moteur à l'entrée de la ville. Les voleurs de rase campagne n'auraient rien à voir avec les habitants de cette cité perdue, il en était certain. On pouvait tout lui voler, mais si jamais sa caisse disparaissait, il s'enfuirait dans le néant de la mort avec elle, dans la minute même où il constaterait le manque. Il resta une bonne heure à réfléchir sur le pour et le contre, puis reprit le volant. Sa voiture était sa vie, et il ne tenait pas assez à la vie pour rebrousser chemin. D'après la dernière lettre qu'il avait reçu de sa mère (quelque chose comme deux ou trois mois plus tôt), elle séjournait aux alentours d'Harlem, seule. Il se doutait qu'il y avait vraiment peu d'espoir, mais la curiosité et l'amour maternel le poussait à vérifier ses dires au péril de sa vie.

Pas loin d'Union city, il eu la chance de trouver une épave de voiture dont le réservoir était encore presque plein. En moins de dix minutes, son réservoir reçut une nouvelle santé, suffisamment pour passer George Washington Bridge et s'enfoncer dans Harlem. Il était quatre heures du matin, et Boris espérait un peu de paix afin de se reposer une heure ou deux.
Proche de la 12e avenue, il trouva un renfoncement pour cacher son Idéale à moteur qu'il dissimula sous quelques cartons par sécurité, puis alluma un feu. Le jour se levait sur l'Est des Etats Unis, et Boris déployait sa ligne dans le canal d'irrigation dans l'espoir de remplir un estomac vide depuis trop longtemps. Il était fatigué et affamé, et seul. Il avait peur.
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MessageSujet: Re: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeSam 9 Juin - 9:08

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En proie à des insomnies et des sortes d'hallucinations depuis quelques temps, Jude était sorti faire un tour dehors en guise de berceuse. Même s'il savait qu'en dormant, il ferait faire des cauchemars sans nom. Il ne voulait pas croire à sa propre dépression.
Il avait son faible sourire habituel. Ses boucles auburn dansaient dans la douce brise d'une nuit brûlante d'été. Jude suait à grosses gouttes. Il ressemblait à une créature avec ses énormes cernes violettes, témoins de ses insomnie, sur sa peau habituellement très pâle mais qui l'était encore plus depuis qu'il avait quitté l'Angleterre.
Et maintenant New-York. Son tatouage encore frais lui brûlai le dos. Jude ne savait pas s'il voulait errer ici toute sa vie, loin de ce qu'il avait toujours considéré comme chez lui, malgré le fait qu'il ne reconnaissait pas sa terre natale. Londres était une ville hors du commun. Toujours en avance sur les autres quand il s'agit d'émeutes. Toujours plus violente. Même si ce tempérament lui avait pris son père et sa mère, Jude aimait sa terre, sa ville. Elle était son tendre berceau. L'endroit où il se sentait bien. Mais il avait ressenti le besoin de partir. Il faut savoir que Londres est comme une personne à laquelle le visiteur, le résident, le londonien, qu'il soit immigré ou anglais de souche, forme un couple. Et il arrive parfois que le divorce soit prononcé, comme c'était le cas pour Jude. Même si on ne divorce jamais totalement de Londres une fois qu'on y a été marié. Elle sera toujours là, en vous, avec une empreinte indélébile, qu'elle aura laissé ici ou là dans votre être.
En pensant à tout cela, Jude s'était mis à fredonner l'air de 'Lullaby', qu'il trouvait adapté à sa situation. Il trouvait un certain réconfort dans la nuit et ce quartier mythique et rock n'roll, empreint d'histoire, dans lequel Jude avait trouvé un hôtel mieux, mais encore debout et fonctionnel, contrairement à beaucoup. Il ne redoutait pas les Hors-la-loi, et avait de toute façon acheté un revolver pourri, mais qui marchait tout de même, lors de son escale à San Francisco.

Il avait marché toute la nuit sans en être conscient, comme s'il avait été hypnotisé. Il s'en rendit compte lorsqu'il vit le soleil se lever doucement sur la ville. Il s'arrêta près du canal d'irrigation, sur un petit mur effondré pour observer l'aube.Il se sentait un peu apaisé.
En regardant plus loin, il aperçu un pêcheur qui avait jeté sa ligne dans le canal. Il sourit. Même en ces temps désespérés, c'était assez comique. Il s'approcha silencieusement de l'homme, et fut littéralement frappé lorsqu'il put le voir nettement par sa ressemblance avec ce type bizarre de San Francisco, dont Jude s'était senti incroyablement proche le temps d'une soirée. Il recula de quelques pas sous le coup de la surprise lorsqu'il le reconnut. Puis, il avança derrière lui. Le destin ou?... Il se rappelait de l'air d'une vieille chanson populaire que sa tante, mariée à un français e résidant en France, lui chantait souvent.


"Quand San Francisco, s'effondre, quand San Francisco, s'effondre, San Francisco..." tenta-t-il de chanter en chuchotant presque avec son accent Cockney prononcé.
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MessageSujet: Re: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeSam 9 Juin - 14:29

Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte, et regardant son bouchon immobile flotter à la surface d'une eau trouble, Boris profitait de la chaleur du feu qu'il avait allumé. Il était sale comme un peigne et fatigué de la route, sa barbe d'une semaine le grattait, mais le crépitement des flammes lui rappelait qu'il était encore humain, et le rassurait. L'aube était belle dans ses draps roses et bleus, et rendait aux ruines de New-York, un charme vierge qui disparaîtrait dans quelques minutes, lorsque le soleil finirait d'achever les derniers survivants de sa chaleur ardente. Le silence alentour n'était rompu que par le clapotement du canal, la rumeur de quelques oiseaux au réveil, et la respiration sèche et rauque de l'américain. George Washington parlait de la conscience, comme d'une petite étincelle de feu divin. Si Boris peinait encore à croire en dieu, il quittait également la conscience tandis que ses paupières s'alourdissaient à chaque seconde. Sa tête bourdonnait du moteur de sa Ford, et la faim, grandissante dans le fond de son ventre comme un enfant du diable, finissait d'achever ses derniers efforts pour rester éveillé.

Sombrant ainsi dans la candeur d'un sommeil bien mérité, il reposa son dos contre son sac de voyage et cala sa canne à pêche derrière sa jambe repliée. Lui qui souffrait d'insomnies aiguës, il ne se passa pas plus d'une minute avant qu'il ne se retrouve de nouveau dans sa voiture. Sam était à l'arrière, côté passager, et passait sa petite main par la fenêtre pour jouer avec la force du vent. « Sam, s'il te plaît, remonte un peu ta vitre, ça bat dans les oreilles. » Et Sam remontait sa vitre de quelques centimètres sans discuter. « Elle est où maman ? » demandait l'enfant. « Elle est à New-York avec ta grand mère, elle nous attend. ». Et Sam passait son petit pied par la fenêtre pour jouer avec la force du vent. A la radio, une musique étrangère passait doucement. C'était la voix de Sam qui chantait, et Boris n'en comprenait pas un mot. « Quand San Fwanciscow, s'effondwe... ».

Un bruit derrière lui le ramena à la raison dans un sursaut. Il s'était endormi si profondément que sa canne à pêche avait glissé de sa main, et sa gorge était si sèche qu'il avait dû dormir bouche grande ouverte. Se retournant précipitamment pour voir qui s'approchait, il ouvrit de grands yeux en voyant l'homme derrière lui. N'était-ce pas ce type avec qui il avait bu un verre dans un bar de San Francisco ? Si, et il était méconnaissable.


« Toi ! Ici ! » Les mots lui manquaient. A vrai dire, il était si surpris qu'il en avait même oublié les bonnes manières. Dans un effort surhumain, il se redressa et lui lança une poignée de main qu'il espérait le voir attraper.

« C'est incroyable. Et bon sang, c'que j'suis content d'te voir ! » Et c'était peu dire. Lui qui n'avait plus ni famille ni ami, se voyait maintenant regonflé d'espoir. Enfin... c'était un bien grand mot. Disons que cette surprise lui ferait oublier ses malheurs pour quelques heures. Fouillant de sa main libre dans sa poche, il lui tendit un vieux paquet de Stuyvesant qu'il avait trouvé sur la dépouille d'un pauvre type. Il économisait ces petites merveilles empoisonnées, mais c'était une belle occasion pour s'en griller une.

« Tiens, prends une cigarette, et raconte moi c'que tu fiches ici. » Il l'invita à s'asseoir et reprit lui même sa place initiale.
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MessageSujet: Re: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeSam 9 Juin - 15:34

Jude sourit faiblement, mais cet effort traduisait sa joie. Cela faisait longtemps que quelqu'un n'avait pas été content de le voir comme ça. Trop longtemps. Il rendit sa poignée de main à son interlocuteur. Il prit la cigarette que lui tendait "Bo", si sa mémoire était bonne, et après s'être assis et l'avoir allumée grâce au feu, il la porta à sa bouche. Il tira une longue bouffée avant de recracher la fumée en tentant de faire des petits ronds qui s'échappait et se fondait dans le ciel rosé de l'aube -en vain-. Après cet échec, il reporta son attention sur Boris. Le spectacle d'aube auquel ils assistaient était certainement le plus beau que Dame Nature aie donné à Jude la chance de voir.

"Merci d'être là, ici et maintenant. Merci de m'avoir croisé à nouveau!"

Il rit. Il se concentra quelques secondes sur le feu qui dansait devant lui. Puis, regardant Boris droit dans les yeux, il commença:

"Je viens de Londres -je crois qu'il est inutile de le mentionner!-, je l'ai quittée il y a peu, sans réellement savoir pourquoi. Besoin de changer d'air sûrement, je ne sais pas très bien moi-même. Mais ce qui m'importe, c'est que c'était un besoin vital. J'imagine que je suis considéré ici comme un paria solitaire. Tant mieux. Ça vaut toujours mieux qu'un marginal. Je travaille cloîtré dans une chambre d'hôtel minable dans le coin sur un bouquin que j'ai découvert en Inde." Il marqua une pause, et reporta son attention sur le feu, esquissant un sourire. Il se sentait égoïste de parler ainsi de lui par rapport à Boris; à vrai-dire, il n'avait jamais autant parlé de sa personne à quelqu'un. Il imagina ce qui amenait Boris à New-York, et décida d'arrêter ici son récit. "Mais ça n'a pas d'importance."

Il s'étonna lui-même de considérer son travail, qui était censé être sa vie, comme quelque chose de vide d'importance. Mais ce qui l'étonnait le plus, c'est d'être encore capable de parler. Il tira une nouvelle bouffée sur la cigarette de Bo en fermant les yeux, et l'air pénétrant dans ses poumons l'apaisa. C'est comme si la chaleur que Boris lui avait démontrée en le voyant remplissait ses poumons par le biais de la cigarette. Il se sentait bien.

"Insomnies, n'est-ce pas? C'est pour fuir leur cause que tu es ici, je me trompe?"

Au moment où il avait posé la question, Jude se fichait de l'indiscrétion. Il se sentait très proche de Boris, et ce dès leur première rencontre. Il se sentait en mesure de lui demander n'importe quoi. Se rendant compte de son indélicatesse, il rougit un peu et baissa la tête, sans ajouter un mot. Il nota que la fatigue avait réellement affecté ses sens lorsqu'une braise sauta du feu sur sa main. Il la chassa d'un geste et la remit dans le feu. Ce n'est que quelques secondes plus tard qu'il se rendit compte de la douleur. Il imagina à quoi il pouvait ressembler vu de l'extérieur si son esprit était dans un tel état...
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MessageSujet: Re: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeVen 15 Juin - 22:24

"Insomnies, n'est-ce pas? C'est pour fuir leur cause que tu es ici, je me trompe?" Cette question vint comme un cheveux sur une soupe chinoise délicieuse sortie d'un buffet à volonté.

« Fuir... Par l'Enfer... je ne fuis plus rien. Ça fait des semaines que je suis sur la route sans relâche... » Il était presque outré de la question. Presque. « On fuit quand on a encore quelque chose à perdre. »

Amèrement, il tira une dernière latte sur ce qu'il restait de sa cigarette puis la jeta dans le canal en face de lui. Ça l'arrangeait bien de ne pas être en face de mister Baskertea qui lui, était en face du feu. Il n'avait pas à feindre un quelconque élan de sympathie lorsqu'il n'en avait pas envie, vue la question. « Tu te trompes. » Finit il par avouer. « Je cherche ma mère. » Quelques secondes s'écoulèrent, durant lesquelles il remonta sa ligne sans vraiment vérifier ce qui se trouvait au bout de l’hameçon. La fatigue, la faim et le désespoir l'enveloppait doucement de nouveau, et foutait en l'air le peu de concentration qu'il avait misé sur son crochet célibataire. Non... pas maintenant. S'il devait pleurer sur le sort de son fils, ce serait plus tard, avec quelques grammes dans le sang... lorsque sa patience et sa force lui feraient défaut. Baskertea était un type bien.

« J'imagine que les survivants ont dressé un hôtel avec des photos, des mots et des bougies quelque part dans la ville... »

Il attrapa son hameçon et fouilla dans sa poche pour en sortir une miette de je n'sais quoi qu'il pendit au bout de sa ligne, réfléchissant à la suite de la conversation, avant de le replonger dans le néant du canal.

« J'aimerais le trouver. » Sa mère avait été forte pendant de nombreuses années, mais depuis qu'il l'avait vu la dernière fois, le temps avait sans aucun doute eu raison d'elle (comme il a toujours raison des mortels). Cet hôtel serait son premier niveau de recherches, et si Baskertea savait quelque chose, il devait lui dire.

Il avait très envie de boire. Boire quelque chose de très fort... quelque chose comme dans le coffre de sa bagnole.


« Mais je t'en prie, parlons d'autre chose... n'importe quoi d'autre. » Quelques secondes de malaise s'écoulèrent, puis il se retourna vers son interlocuteur, avec plus d'enthousiasme.  « Il y a une douche dans ta chambre d'hôtel ? » demanda t il plein d'espoir. « Parce que j'ai de quoi troquer un peu d'eau claire... où quelque chose qui peut ressembler à un matelas. L'argent ne vaut plus rien à présent... mais j'ai peut être ce qu'il te manque... »

Baskertea regardait sa main comme si le diable dansait dessus. « Mate... eh. » Tenta t il, sans voir la brûlure qui le consumait, faute de lunettes brisées. « On patauge dans la merde comme des enfants dans un bac à sable à cause de cette connerie de guerre... » Il lui tendit la main une nouvelle fois, comme pour sceller un pacte. « Soyons potes », quelques secondes... « de vrais potes. ». Bonnie'n Clyde... Starsky et Hutch... Bob et Patrick... Jekyll et Hyde.
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MessageSujet: Re: J'ai embrassé l'aube d'été   J'ai embrassé l'aube d'été Icon_minitimeMer 27 Juin - 18:51

À vrai-dire, Jude était soulagé de ne pas avoir à répondre à la question de son interlocuteur qui lui demandait la localisation de l'espèce d'autel érigé en la mémoire des personnes décédés pendant les évènements. Jude avait toujours fui les sépultures mortuaires de tout genre, même les cimetières. Il s'y sentait mal, comme si tout le poids des âmes mortes hantant le cimetière et le chagrin de ceux qui les pleuraient pesaient sur lui de tout son poids lorsqu'il y rentrait.Il repartait le coeur encore plus lourd qu'en y arrivant et faisait généralement des cauchemars puérils de fantômes grossiers (mais qui l'effrayaient plus que n'importe quel autre type de cauchemar, il devait l'admettre, non sans honte) la nuit qui suivait. Jude avait toujours été très sensible aux choses de l'au-delà et à la prétendue magie, si elle existait (ce dont Jude n'était sûr en aucun cas), mais ça, c'est une autre histoire et ça n'a pas réellement de rapport avec le sujet de conversation des deux compères.

"Je vois..."

Il fixa la main que lui tendait Boris quelques secondes, ses yeux bleus regardant intensément son interlocuteur. En scellant ce pacte d'amitié avec Boris, qui semblait être tout le contraire de Jude, n'allait-il pas sceller un pacte avec le diable? Il regarda Boris, et son imagination -la fatigue aussi sans doute- lui fit voir un être hybride, à mufle noir et yeux rouges, dont la tête était ornée de grandes cornes torsadées. Il sourit. Il attrapa la main -ou la patte monstrueuse? Jude ne faisait plus bien la différence- que lui tendait la créature, qui était simplement Boris, à son intention.
Que Boris soit le diable en personne, un diable métaphorique, ou juste un pauvre type comme lui, peu importe. Avec cette poignée de main, scellant cette première amitié, Jude signait sa première amitié, qu'il avait déjà goûté avec Boris à San Francisco. Cela faisait de lui un être sociable, peut-être sur le chemin de l'entrée dans la norme. Mais en ces temps troubles de l'histoire humaine, qu'était réellement la normalité ou la marginalité? Son imagination cessa de lui jouer des tours, et Boris réapparut tel qu'il était vraiment, meurtri, humain, couvert de crasse.
Faust et Méphistophélès, hein? Ce mythe lui revint soudain en mémoire. Son sourire désespéré, amusé et sarcastique s'agrandit, laissant entrevoir ses petites dents blanches.


"De vrais potes, ouais."

Finalement, Bo lui rappelait son petit frère. Artiste, torturé et perdu tout comme lui. Pas physiquement; Bo avait encore ses deux bras. Pour le moment. Le visage de Jude (ou Baskerville, peu importe le nom qu'on lui donnait désormais; il signait sa nouvelle identité avec cette nouvelle amitié) devint un sourire triste, tinté de nostalgie. Baskerville laissa choir sa tête en avant. Il lui sembla qu'il s'endormit un instant, ou peut-être avait-il simplement rêvé éveillé (Baskerville aimait bien le mot qui définissait cet état en anglais, le mot "daydream"). Il rêva de James et de fantômes.
Lorsqu'il reprit conscience, Boris se tenait toujours devant lui, à quelques mètres. Le feu s'était éteint. Sans s'assurer si Boris était réveillé ou non, Baskerville lui fit part de ses pensées à voix haute (l'amitié, c'était peut-être le partage, après tout).


"J'aurais bien besoin d'un attrape-rêve. Tu sais les faire toi, Bo? Je crois que c'est indien à l'origine. Je me rappelle rarement de mes rêves récemment, uniquement de mes cauchemars. Peut-être que c'est parce que je ne rêve plus? Un attrape-rêve... Ça me servirait à m'en assurer. Après tout, rêver, ça aide à vivre bien je crois."

Baskerville se sentait honteux de la tournure lyrique et complaisante que prenaient ses pensées ainsi exprimées. Il se sentait puéril; peut-être parce qu'il avouait ainsi sincèrement à Boris qu'il était à son point le plus bas.

"Je pourrais peut-être trouver la recette du rêve comme ça. Parce qu'à mon avis, il faut envisager le rêve comme une sorte de pierre philosophale. C'est ça, fabriquer du rêve..."

Il marqua une pause.

"Et on a l'air d'en avoir besoin tous les deux."


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