Protect me from what I want { ETHAN }

RP FLASH BACK

« - Tu es sûre de vouloir faire ça ?
- Bien sûr que je vais le faire. Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas le faire ?
- Parce que tu vas perdre ton temps. Ces types là, ils ne changent jamais.
- Je ne vais peut-être pas réussir, mais je peux au moins essayer. »

J'ai secoué la tête doucement. Je ne pensais pas que Mathilda puisse être aussi cruelle et aussi bornée. Moi qui la connaissais depuis seulement quelques mois, j'étais persuadée d'avoir réussi à cerner son caractère. Peut-être pas autant que je le pensais... Après tout, Mathilda avait un caractère assez particulier. Mais c'était un très bon médecin et je savais qu'au fond elle n'était pas méchante. Disons qu'elle était assez arrêtée sur ses idées... Avec un petit soupir, j'ai ouvert l'armoire de l'infirmerie. Elle m'a jeté un coup d'œil agacé. Quoi ? Ces médicaments n'étaient pas fait pour décorer, il fallait bien s'en servir à un moment où à un autre... J'ai attrapé un désinfectant, quelques compresses, une bande... Naturellement, ma main s'est posée sur une boite de calmants.

« A ta place je n'y penserais même pas. N'aggrave pas son cas... »

J'ai claqué la porte de l'armoire et je suis sortie de l'infirmerie, après avoir jeté un regard à l'horloge. Vingt heures... J'ai grimacé. J'avais tardé. Un peu trop... Mais je n'avais pas pu faire autrement... Je suis à peine sortie que j'ai heurté Aaron. Il a regardé ce que j'avais dans les mains et il a souri avant de lever les yeux au ciel. Je lui ai tiré la langue comme une gamine et il a eu un petit rire moqueur. Ah ah. Très drôle. J'ai pressé le pas dans les couloirs pour me retrouver devant la porte d'une chambre. Pas la mienne. C'était celle qu'on avait attribué d'office au nouveau venu.

Ethan.

Ethan n'allait pas bien... Et pour cause... Depuis qu'il était arrivé, cela faisait dix jours précisément, il était en pleine crise de manque. Eh oui, Ethan était un junkie... Enfin, était. Il ne pourrait certainement plus se droguer. Et c'était bien le problème. Alexander l'avait trouvé dans un piteux état. Le pauvre devait faire face à une désintoxication un peu brutale... Je m'étais fixée un but : la rendre un peu moins dure à supporter. Cependant, qu'est-ce que je pouvais bien faire ? À part rester avec lui ? Alexander avait dit qu'il ne voulait voir personne... Sauf moi. Pourquoi moi, cela restait un mystère... Du coup, impossible pour moi de ne pas rester avec lui aussi souvent que possible. J'avais déjà l'impression de commettre un crime en le laissant seul en journée... Je passais le voir, mais ce n'était jamais assez... Je restais toujours pétrifiée quand il me regardait avec ses grands yeux bleus. Il ne parlait pas beaucoup, mais ses yeux disaient tout... Il avait mal, il avait peur, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. C'était dur, de rassurer quelqu'un perdu à ce point là...

Un peu hésitante, j'ai ouvert la porte. J'ai été surprise, parce qu'aucune lumière n'était allumée. À tâtons, j'ai cherché l'interrupteur du néon. J'ai littéralement balancé ce que j'avais dans les bras sur le lit. J'ai levé les yeux vers Ethan. Et j'ai grimacé. Les choses ne seraient pas simples... Il était assis contre le mur, les jambes ramenées contre sa poitrine, la tête baissée. Il tremblait et sa respiration était légèrement sifflante. Je me suis assise doucement à côté de lui. Je ne voyais pas son visage, caché par ses cheveux. J'ai tendu la main vers lui, et j'ai simplement replacé une mèche de cheveux derrière son visage. Il a eu un mouvement de recul assez violent quand je l'ai touché. Au lieu de m'écarter de lui, je me suis rapprochée. J'ai posé ma main sur son bras, me voulant rassurante.

« Hey... Ne crains rien, ce n'est que moi. »

Mais après tout, qu'est-ce que j'étais pour lui, sinon la gentille fille qui voulait l'aider à tenir le coup. J'ai jeté un coup d'œil au plateau qui trônait sagement sur la table de nuit. Il n'avait pas touché au repas que je lui avais apporté à midi... J'ai soupiré.

« Je t'avais pourtant dit de manger... Même si cela ne te dit rien, cela t'aiderait à supporter le manque. »

Et puis il ne pouvait pas se laisser mourir de faim. Cela n'arrangerait pas sa situation. Loin de là. Pourtant, je ne pouvais pas le forcer à manger s'il n'en avait pas envie. J'ai tendu doucement la main vers son visage et j'ai posé ma main sur son front. J'ai eu un sourire un peu de triste.

« Tu es brûlant... Et pourtant tu meurs de froid, n'est-ce pas ? »

C'était plus une constatation qu'une question. Je me suis alors levée tout doucement, sans le quitter des yeux, j'ai cherché une autre couverture dans le placard avant de revenir vers lui. J'avais l'impression de prendre soin d'un grand enfant... Je suis restée assise au bord du lui, silencieuse. C'est que je n'avais rien à dire. C'est que je ne savais pas quoi dire.

J’allais mourir… J’étais certain que j’allais mourir. J’avais chaud, très très chaud. Et je ne connaissais qu’une façon d’atténuer cette sensation désagréable : un shoot. Ou elle….Mais ELLE n’était pas là. Quand ELLE était là, j’arrivais à surmonter le manque. Je ne dis pas que c’était facile, mais c’était plus facile avec elle.

Je m’étais réveillé en sursaut une fois encore, mais elle n’était plus là. J’aurai eu besoin de sentir sa main dans la mienne. Sentir qu’elle était là et qu’elle ne m’abandonnerait pas. Plus jamais…..J’avais cherché à tâtons sa main dans l’obscurité et je n’avais rien senti. Rien…. Le néant…. Elle m’avait abandonné…

Après vous, Papa, Maman…ELLE m’avait abandonné…

Je m’étais recroquevillé sur moi-même dans mon lit, en attendant que ça passe. C’est ce que je faisais bien souvent. Mais ca ne passait pas. Je voulais qu’on me délivre. Qu’on me tue, ou qu’on me donne enfin de quoi faire cesser ce manque.

Je tremblais, je suais, je pleurais….

Depuis combien de temps étais-je ici ? Je délirais sans doute…..je ne savais même plus où j’étais….

La porte a fini par s’ouvrir, et j’ai esquissé un mouvement en pensant que c’était ELLE. Mais non elle n’avait pas cette voix là.

Je l’avais sans doute rêvée….ELLE n’existait sans doute que dans mon imagination.

Tout à coup une lumière brute s’est allumée.

-Je t’apporte à manger.

Je suis resté pétrifié, recroquevillé sur moi-même quand la voix s’est matérialisée à mes côtés et qu’elle a soulevé les couvertures.

-Allez mange !! Ca fera passer le manque….
Je n’ai même pas eu la force de résister quand la voix m’a assis au bord du lit. J’aurai pu dire n’importe quoi, que je voulais qu’on me tue, que je voulais qu’on me donne de quoi soulager ma douleur. Non….tout ce que j’ai demandé c’est….

-Où est-elle ?

Je n’ai pas entendu la réponse. Alors le manque a parlé pour lui seul. Je me suis précipité sur la voix, et je l’ai secoué.

- Où est-elle ? Où est-elle ? Où est-elle ?

Toujours aucune réponse. Tout ce à quoi j’ai eu le droit c’est à me sentir repoussé, et installé sur une chaise. Puis j’ai entendu la porte se refermer et une clé tourner.

Je n’avais pas faim….je voulais faire cesser ce manque. Je demandais pas grand-chose. Qu’on arrête ce feu qui brûlait en moi, qu’on m’enlève ces hallucinations.

J’ai eu la force de me lever, mais bien vite je me suis laissé glisser au sol et j’ai rampé. Je me suis adossé au mur, et je me suis recroquevillé sur moi-même. J’attendais que la mort veuille bien de moi. On ne me donnait rien pour me calmer. Alors je voulais mourir.

J’ai juste sangloté, sangloté.

-Papa..Maman…Venez me chercher…Je vous en supplie…venez me chercher….

J’avais de plus en plus de mal à respirer. Je sentais bien que j’étais sur le point de mourir. La mort m’avait elle entendu ? Enfin !

Et à nouveau la porte s’est ouverte, et j’ai caché mon visage à la lumière crue. J’ai senti une main me toucher, et j’ai sursauté. Pourquoi ne me laissait-on pas tranquille ? La présence a insisté.

« Hey... Ne crains rien, ce n'est que moi. »

La voix…. ELLE !!!

« Je t'avais pourtant dit de manger... Même si cela ne te dit rien, cela t'aiderait à supporter le manque. »

Elle était revenue…Mon ange était revenu…

J’ai senti un frisson de bien être me parcourir l’échine quand elle a posé sa main sur mon …front ?

« Tu es brûlant... Et pourtant tu meurs de froid, n'est-ce pas ? »

J’aurai voulu répondre, mais rien ne sortait. Je n’arrivais même plus à bouger. Tout ce qui m’importait c’était qu’elle soit là. Elle m’a couvert et s’est assise prés de moi, sur le lit.
J’ai essayé d’émettre un son pendant plusieurs minutes mais je n’y arrivais pas. Jusqu'à ce que….finalement…

-Tu es là….

Trois petits mots mais déjà un effort surhumain. J’ai réussi à lever ma tête et je l’ai regardé. La détaillant encore et encore. Elle était si belle. Parfaite…. On aurait dit une icône. Elle avait ce regard lointain et profond des anges, elle avait ce port de tête digne d’une reine, et ce visage si doux… Mon ange !!!

J'ai eu un léger froncement de sourcil. Oui... J'étais là, oui. J'étais presque toujours là.

« Oui je suis là... Mais je ne suis pas partie longtemps, tu sais... »

Enfin, pas longtemps, tout dépendait des points de vue. J'imagine qu'une minute devait sembler terriblement longue pour lui... Quoique je ne savais pas trop ce qu'il pouvait ressentir. Il faut dire que je n'avais pas beaucoup d'expérience dans ce domaine là... Moi j'avais appris à m'occuper d'enfants, pas de junkies en pleine crise de manque... Mathilda aurait certainement pu se débrouiller mieux que moi, mais elle refusait catégoriquement de me donner un coup de main. J'allais devoir me débrouiller toute seule avec Ethan. J'avais peur de ne pas savoir quoi faire... D'autant plus qu'il ne voulait voir que moi. Pourquoi, c'était la grande question. C'était peut-être dû à son délire... Je n'en avais aucune idée. Mais comme il me réclamait, je n'allais pas l'ignorer et le laisser souffrir seul. Parfois, je me demandais si le caractère de Saint Bernard d'Alexander n'avait pas déteint sur moi. Quoiqu'au fond, j'avais toujours eu un petit côté « sauveuse de l'humanité » comme on me disait il y a encore quelques mois...

Je me suis penchée au dessus d'Ethan, tout doucement pour ne pas l'affoler. J'ai de nouveau posé ma main sur son front, un peu plus longuement. Il était brûlant, au sens premier du terme. Et je ne savais pas quoi faire pour faire tomber cette foutue fièvre. Il n'y avait probablement pas grand chose à faire. À part attendre... Oui mais combien de temps ? Je détestais voir les gens souffrir. Surtout quand ils avaient l'air aussi perdu... Je n'avais pas demandé à Alexander où est-ce qu'il avait trouvé Ethan. Certainement pas très loin d'ici, vu son état. Toujours penchée au dessus de lui j'ai jeté un rapide coup d'œil à ses yeux. J'ai retenu une grimace. Ils étaient rouges, légèrement vitreux... Caractéristiques de la fièvre. J'ai eu un pincement au cœur quand il m'a regardé. Ses yeux là... J'ai réprimé un frisson en me redressant. J'ai eu un petit soupir, suivi d'un sourire.

« La mauvaise nouvelle, c'est que ça ne va pas mieux qu'hier... La bonne, c'est que ce n'est pas pire que demain. »

J'ai pris ses mains entre les miennes, essayant d'être rassurante. On m'avait souvent reproché d'être un médecin un peu trop « tactile ». Mais j'avais très vite remarqué que les contacts physiques semblaient apaiser Ethan, au moins un tout petit peu. Je tentais d'être le plus douce possible, pour ne pas le brusquer ou l'angoisser. Jusque là, ma technique avait été plutôt efficace... Parfois je le prenais carrément dans mes bras pour calmer ses tremblements. Tout doucement, j'ai enroulé mes doigts autour de son poignet pour prendre son pouls. J'ai eu un petit soupir.

« C'est un petit peu rapide tout ça... »

Son cœur battait vite et de façon plutôt désordonnée. À force cela devait être gênant et angoissant. Et je ne pouvais rien lui donner pour arrêter ça... Le moindre calmant pouvait se révéler dangereux pour lui. Et vu sans état, je n'avais pas envie de prendre le moindre risque. J'ai attrapé la bouteille d'eau sur la table et j'ai simplement imbibé un tissu d'eau pour le poser sur son front. Cela le soulagerait certainement un peu. Peut-être pas longtemps, mais c'était toujours ça. J'ai caressé sa joue tout doucement, me voulant rassurante.

« J'aimerais jeter un coup d'œil à tes bras, si tu veux bien. À cause des infections que tu risquerais d'avoir... »

J'avais beau prendre toutes les précautions possibles et imaginables, vu le milieu dans lequel nous évoluions malheureusement...

Je ne pouvais détacher mon regard de celui de cet ange. J’aurai juré hier avoir vu un halo de lumière au dessus de sa tête. Et pourtant elle était toujours là…elle était là à nouveau…

« Oui je suis là... Mais je ne suis pas partie longtemps, tu sais... »

J’avais l’impression de redécouvrir sa voix. Elle avait des intonations de Maman, pourtant ce n’était pas elle. Maman n’avait pas ce petit quelque chose de divinité d’ailleurs. D’où était elle venue jusqu'à moi ? Elle n’était pas partie longtemps ? Elle était partie une éternité pour moi…Une minute sans elle c’était une éternité de trop…Je n’osais pas la toucher de peur qu’elle se volatilise….Pourtant j’en avais tellement envie. J’avais envie qu’elle se soit humanisée pour moi. Pour rester toujours avec moi…Je voulais que ce soit mon ange à moi. J’étais prêt à tout pour ça.

J’étais effrayé de créer un contact, alors comme si elle devinait mes pensées, elle l’a fait. J’ai senti sa main si douce sur mon front, et j’ai soupiré en fermant les yeux. J’avais besoin de quelque chose pour me calmer, pourtant quand elle était là prés de moi, je me sentais apaisé. Comme si la mort m’avait enfin arraché à ce monde, comme si je planais au dessus de tout, comme si rien ne pouvait m’atteindre.

Elle m’a souri et je lui ai rendu son sourire. L’avait elle vu ? Avait-elle vu comme j’étais bien là ?

« La mauvaise nouvelle, c'est que ça ne va pas mieux qu'hier... La bonne, c'est que ce n'est pas pire que demain. »

Mieux qu’hier ? Hier quand ? Il n’y avait plus d’heure….Nous étions morts tous les deux ? Enfin moi je l’étais…

A nouveau elle m’a touché. Et je me suis laissé aller. C’est là que je me suis aperçu que je tremblais. Non je n’étais pas mort. J’avais froid. Je voulais que ca s’arrête. J’avais besoin qu’on m’apaise. J’avais besoin de sentir la chaleur dans mes veines à nouveau. J’avais besoin de la laisser être là encore, de voir mes parents, de les lui présenter. Je voulais que mon ange ne parte jamais.

« C'est un petit peu rapide tout ça... »

Qu’est ce qui était rapide ? Je me contentais de la regarder évoluer. J’étais littéralement émerveillé par sa beauté, par sa grâce. J’aurai pu passer des heures à la regarder. J’ai fini par sentir quelque chose d’humide sur mon front, et c’est comme si ce simple contact me ramenait à la réalité.

J’étais en manque….je voyais des choses, ressentais des choses. Elle allait disparaitre. Tout comme mes parents disparaissaient quand la drogue s’était évaporée. Je savais que je ne le supporterais pas.

Pourtant quand j’ai rouvert les yeux, elle était toujours là. Elle a posé sa main sur ma joue et m’a caressé.

« J'aimerais jeter un coup d'œil à tes bras, si tu veux bien. À cause des infections que tu risquerais d'avoir... »

Je me suis saisie de son poignet, le serrant juste un peu pour la retenir. Ma voix se noyait dans ma gorge. Pourtant j’ai réussi à lui parler. Mes yeux étaient restés accrochés à elle, suppliants

-Où étais –tu ?

Elle m’avait laissé. Et j’avais cru mourir. Je ne voulais qu’elle. Je ne me sentais bien qu’avec elle. J’aimais sa voix, son visage, son odeur, ses sourires, ses attentions.

Ma tête a basculé en arrière et je me suis senti partir un instant.

-M’allonger…besoin….de…m’allonger.

Je me suis accroché à la paroi du mur et lentement je me suis hissé pour me relever. J’ai fait un pas ou deux en titubant. Ma tête tournait. J’avais froid. J’avais l’impression que mes veines allaient exploser. J’avais envie de vomir.

Peut être qu’en m’allongeant et en fermant les yeux ça irait mieux….

J’ai fermé les yeux, parce que c’était trop dur de les laisser ouverts une seconde de plus.

-Tu….veux bien…m’aider…. ?

Je faisais un effort presque surhumain pour rester debout. J’avais l’impression de m’affaisser de plus en plus.

J'ai froncé les sourcils. Où est-ce que j'étais ? J'ai eu un instant de réflexion. C'était étrange, cette façon qu'il avait de me demander où j'étais avant. De même, il avait l'air d'être soulagé que je sois revenu ? Est-ce que je lui avais manqué ? On aurait dit que oui... Je trouvais ça légèrement étrange. J'ai baissé les yeux sur ses doigts refermés autour de mon poignet. Comme s'il craignait que je disparaisse encore une fois... Et il me regardait comme si j'étais une apparition, ou quelque chose du même genre. Avec un petit soupir, j'ai libéré mon poignet tout en douceur.

« J'étais à l'infirmerie... Je suis médecin, je dois m'occuper de ceux qui en ont besoin... Mais ne t'inquiète pas, je vais rester avec toi maintenant. C'est promis. »

Enfin j'allais rester jusqu'au lendemain matin en tout cas. Mathilda avait été très claire avec moi. Hors de question que je la laisse s'occuper de tout le monde toute seule. Elle savait très bien que si cela n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais pas quitté Ethan une seule seconde. J'avais l'impression de faire une bêtise, à chaque fois que je m'en allais et le laissais seul le matin. Voilà pourquoi je me débrouillais toujours pour passer le voir plusieurs fois par jour. Je voulais voir comment il allait... Oh, je savais bien qu'il n'allait pas bien du tout. Ma présence ne changeait certainement pas grand chose, mais je culpabilisais de ne pas être là pour lui tenir la main, en quelque sorte. J'ai posé mes mains sur ses épaules et j'ai cru qu'il allait s'évanouir. J'ai eu un petit soupir. Évidemment qu'il avait besoin de s'allonger... Quelle idée il avait eu de se lever, aussi... Je me suis relevée en même temps que lui, prête à le retenir au cas où...

J'ai affiché un air inquiet quand il s'est arrêté au milieu de la pièce. L'espace d'une seconde j'ai vraiment cru qu'il allait s'effondrer. Je me suis plantée devant lui et je suis restée bête une minute quand il m'a demandé si je pouvais l'aider. Juste le temps d'analyser. Et puis, sans un mot j'ai passé un bras autour de sa taille et je l'ai aidé à aller jusqu'à son lit. Je l'y ai assis tout doucement, sans geste brusque. Je craignais qu'il ne bascule d'une seconde à l'autre. J'ai laissé mes mains sur ses épaules un moment, juste histoire de m'assurer qu'il pouvait rester assis un moment. Sans vraiment attendre son approbation, j'ai remonté ses manches, au dessus de son coude. Je me suis retenue de grimacer. Ce n'était vraiment pas joli. Même le pire des internes faisant ses premières prises de sang n'arrivait pas à un résultat aussi... désastreux. Il n'y avait plus aucune veine qui n'avait pas éclaté au niveau du coude, pas une seule qui n'avait pas subi plusieurs piqures, encore et encore... Et pourtant je n'ai fait aucun commentaire. Je ne savais pas quelles raisons l'avaient poussé à se droguer. Alors je n'avais pas le droit de le juger. Et même si j'en avais eu le droit, je ne l'aurais pas fait.

Silencieusement, j'ai désinfecté les plaies, et puis comme si de rien n'était, j'ai remis ses manches en place. J'ai regroupé les compresses et tout le reste sur un coin du lit, avant de me retourner vers Ethan. Qui avait recommencé à trembler. Aie aie aie... Il ne m'a pas fallu très longtemps pour réagir. Je l'ai attrapé par l'épaule et je l'ai attiré contre moi. Là tout de suite je n'avais pas eu d'autre idée... Je me suis installée au fond du lit, et calée contre le mur, j'ai refermé mes bras autour d'Ethan. Aaron s'était moqué de moi la dernière fois parce qu'il disait que si j'avais été la petite amie d'Ethan je ne me serais pas comportée différemment. Ah ah. Très drôle. Vraiment très... drôle.

« On va faire quelque chose tous les deux... On va discuter, d'accord ? C'est bête, mais si tu te concentres sur autre chose, la sensation de manque va sembler s'atténuer peu à peu... Il faut que tu fasses cet effort, Ethan. »

J'ai tendu le bras pour attraper une couverture, que j'ai plus ou moins passé autour de lui autour de nous. Et je me suis retrouvée à le bercer doucement, comme n'importe quel enfant.

« Dis moi n'importe quoi. Ce que tu as envie de me dire. Peu importe... Je ne connais aucune autre façon de te tranquilliser un peu, Ethan. Je ne peux pas te donner quoique ce soit contre tes douleurs, alors... J'improvise. »

Mon ange…celle qu’on avait amené à moi pour me réconcilier avec le divin était médecin…Mon ange, mon médecin…Je voulais qu’elle ne soit qu’a moi. Sans arrière pensée de quelconque acte répréhensible par la loi, mais elle était à moi. Je ne voulais pas qu’elle s’occupe des autres. Je voulais qu’elle soit toujours là prés de moi. Je tremblais moins quand elle était prés de moi, quand elle me caressait. Comme si elle était une drogue que je n’avais pas besoin de fumer ou de m’injecter…ou de sniffer d’ailleurs. Non non…il suffisait qu’elle soit là, et je me sentais presque bien.

Bien sûr un shoot aurait calmé le feu qui brûlait dans mes veines….mais je savais même pas où j’étais et j’étais enfermé…. J’avais bien demandé à ce qu’on me donne quelque chose, mais jamais on ne m’avait répondu. Je ne savais même pas où j’étais. Le plus dur c’était quand j’étais seul. Avant même quand j’étais seul, il me suffisait de m’injecter même une petite dose pour voir mes parents ou leur parler. Mais je n’avais même plus ça. C’est comme s’ils étaient morts à nouveau

Ils étaient morts….et ils m’avaient laissés….

J’étais debout, tremblant, je sentais peu à peu mes jambes céder sous moi. Mais elle m’a sauvé à temps. Encore une fois… Elle m’a aidé à avancer doucement jusqu’au lit. Elle m’a aidé à m’asseoir. Mes yeux étaient toujours clos. La lumière crue me faisait si mal aux yeux. J’ai senti deux mains se poser sur mes épaules, pour me garder en position assise. Et je suis resté là immobile, me laissant faire, me concentrant pour respirer, et pour pas tout envoyer valser.

Le manque était ainsi qu’il vous fait passer d’un état à un autre. J’avais besoin de quelque chose. Mais j’avais peur de demander encore. Et puis j’espérais qu’encore une fois sa présence atténue un peu les choses. Je ne sais pas trop ce qu’elle faisait jusqu'à ce que je sente la peau me piquer, me bruler…. J’avais moins mal lorsque je m’enfoncais l’aiguille direct dans la veine. J’avais l’habitude. Mais cette sensation là… et je n’avais même pas la force de crier qu’on arrête, que j’avais trop mal.

Et mon supplice a pris fin. Elle a posé mon regard sur moi. Je tremblais comme une feuille : le manque, la douleur, la souffrance, et tant de choses….Elle m’a pris contre elle et elle m’a amené au fond du lit. Elle m’a installé de façon à ce que le mur me retienne, et elle a passé ses bras autour de moi. Ma respiration se faisait un peu plus normale. Et je tremblais un peu moins je le sentais. J’étais blotti contre elle et j’étais juste bien. Comme ça…les yeux fermés… a l’écouter juste me parler.

« On va faire quelque chose tous les deux... On va discuter, d'accord ? C'est bête, mais si tu te concentres sur autre chose, la sensation de manque va sembler s'atténuer peu à peu... Il faut que tu fasses cet effort, Ethan. »

Je n’avais pas envie de discuter. Je voulais juste qu’elle reste là, qu’elle ne me lâche plus, qu’elle me parle encore et encore. Je voulais entendre sa voix carillonner à mon oreille. Je voulais qu’elle continue à m’apaiser avec le timbre si particulier de sa voix. Et puis je ne sais pas si j’avais la force de parler pendant un moment.

Elle nous a enveloppés et elle me berçait. Et là les yeux fermés, dans le silence complet de cette chambre, j’avais l’impression de retrouver la chaleur de bras maternels.

« Dis-moi n'importe quoi. Ce que tu as envie de me dire. Peu importe... Je ne connais aucune autre façon de te tranquilliser un peu, Ethan. Je ne peux pas te donner quoique ce soit contre tes douleurs, alors... J'improvise. »

J’ai soupiré à la recherche d’un semblant de voix.

-Parle-moi…. J’aime ta voix, j’aime l’entendre.

Je pouvais passer des heures à l’écouter. Je ne savais pas ce qui lui donnait cette petite intonation mais je trouvais ça magnifique. Elle n’appartenait qu’à moi. Sa voix n’appartenait qu’à moi. Je voulais qu’elle ne parle qu’à moi. J’aimais la douceur dans sa voix.

-Reste prés de moi tout le temps et parle-moi….

J’ai réussi à ouvrir les yeux. Et j’ai cherché sa main pour la prendre dans la mienne. Je l’ai regardé en essayant de sourire. Sourire avorté sans doute.

-Tu veux bien ?

Je me suis alors mis à caresser sa main du bout des doigts. Je pouvais toucher un ange, et cet ange me parlait. Mon ange. Mon ange rien qu’à moi….

Et puis je ne me sentais pas la force de parler. Je n’avais jamais été très a l’aise dans cet exercice. Et si je parlais, je savais que j’y mettrais mes dernières forces. Et pour le moment je voulais les garder pour lutter contre l’envie de tout casser et de supplier qu’on me soulage. D’une manière ou d’une autre.

Je devais être folle... La façon dont je m'occupais de lui n'avait pas grand chose à voir avec la médecine traditionnelle. Mais voilà, j'étais trop sensible, trop émotive et j'étais incapable d'allonger Ethan en lui disant bêtement d'attendre que ça passe. Vues les conditions dans lesquelles nous vivions, un tel comportement à l'égard d'un drogué aurait été...normal. Mathilda avait dit qu'il était dans cet état parce qu'il l'avait choisi. Et en un sens, elle avait très certainement raison. Personne n'avait forcé Ethan à se planter les aiguilles dans le bras et à s'injecter sa dose. Mais là... Là il souffrait tellement que je ne pouvais pas me résoudre à l'abandonner à son sort. Après tout, Ethan était aussi un être humain. Et comme nous n'avions rien qui puisse l'aider à supporter cette désintoxication sauvage, je m'étais décidée à être comme un espèce de calmant de substitution. Au moins, il ne risquait pas de devenir accro... Enfin, je crois.

Appuyée contre le mur, j'étais décidée à le faire parler, pour le faire penser à autre chose qu'au manque. Il ne devait y avoir que ce moi dans sa tête. Manque. Je ne m'étais jamais occupée de drogués avant, mais j'avais déjà dû gérer des personnes victimes d'addiction. Mais j'avais l'impression que ces gens avaient eu beaucoup plus de chance qu'Ethan. Nous n'avions presque aucun matériel médical et je me demandais comment Mathilda pouvait faire de tels miracles avec si peu. Elle même n'en avait probablement aucune idée... J'ai dû faire une drôle de tête quand il m'a demandé de continuer à lui parler parce qu'il aimait m'entendre. C'était bien la première fois qu'on me disait ça. En temps normal, c'était plutôt le contraire. Ma voix, ou plutôt mon accent, provoquait un espèce d'énervement général, d'habitude. Même si cela faisait déjà plusieurs mois que j'étais arrivée dans la communauté. Parfois, certains regards accusateurs me faisaient me taire. Mais qu'est-ce que j'y pouvais, hein ? Je n'avais pas choisi d'être russe, ni de rester bloquée ici. Si j'avais pu m'en passer, eh bien je m'en serais passé et bien volontiers.

« Tu veux que je te parle ? J'ai peur de ne pas avoir grand chose à te dire... Au pire je pourrais toujours dire n'importe quoi. »

J'ai eu un petit rire. De toute façon il ne partirait pas en courant, quoique je dise... J'ai resserré mes bras autour de lui en soupirant doucement. Très franchement, je n'avais pas la moindre idée de ce que j'allais lui dire. D'autant qu'il avait l'air de vraiment vouloir que je lui parle. Il a rouvert les yeux et m'a regardé en souriant. Façon assez charmante d'insister... Il a pris ma main dans la mienne et j'ai réprimé une grimace. Il était vraiment brulant... J'ai eu un soupir.

« Oui, bien sûr que je veux bien... Mais ne t'étonnes pas si je ne dis que des idioties... »

Je me suis redressée légèrement et j'ai caressée ses cheveux doucement, pour l'apaiser un peu. Je me comportais vraiment avec lui comme avec un enfant. Je ne savais pas trop si c'était la bonne technique mais dans tous les cas, cela avait l'air d'être efficace. Et qu'est-ce qu'on fait pour calmer un enfant ? On lui chante une berceuse... A peine l'idée m'avait-elle traversé l'esprit que je me suis secouée intérieurement. Est-ce que j'allais vraiment faire ça ? Je veux dire, chanter doucement à son oreille en espérant que cela ait un quelconque effet. En secouant doucement la tête, j'ai remonté la couverture sur son épaule que j'ai caressé doucement. Et après un petit moment d'hésitation, j'ai chantonné doucement une de ces berceuses que mes parents me chantaient pour m'endormir quand j'étais plus petite. J'avais très certainement oublié la moitié des paroles, mais peu importe. Je me suis tue quand je me suis rendue compte que sa respiration s'était calmée et que ses tremblements avaient cessé. J'ai eu un petit sourire, presque gêné.

« J'imagine que tu n'as pas compris grand chose... C'était... C'était du russe. Je suis russe, en réalité. J'espère que cela ne va pas te faire hurler... En général, les gens ne sont pas plus tolérants à mon égard qu'au tien... »

J’espérais qu’elle cédé à ma demande. J’avais vraiment besoin qu’elle me parle. J’aimais sa voix. Elle m’apaisait. Et très franchement, elle agissait sur moi comme une drogue. Je ne pouvais plus me passer d’entendre sa voix aux accents si purs et lointains. Si tomber amoureux d’une voix était possible, alors j’étais tombé amoureux de sa voix. Je me sentais au paradis.

« Tu veux que je te parle ? J'ai peur de ne pas avoir grand chose à te dire... Au pire je pourrais toujours dire n'importe quoi. »

Elle a eu ce petit rire qui m’a fait frissonner. Je lui ai souri avant de fermer les yeux à nouveau et de me concentrer sur elle. Rien qu’elle. Pour oublier que j’étais diablement en manque. J’essayais de respirer à fond. Je me concentrais sur elle. J’attendais désespérément qu’elle parle alors je l’ai regardé à nouveau en la suppliant entre mes cils. Ma main est allée chercher la sienne, et je l’ai serré. Finalement j’avais aussi besoin de ce contact. Sa peau était si douce. Et c’était une façon de la retenir prés de moi. Je ne connaissais rien d’elle, mais c’est comme si elle m’était devenue indispensable.

« Oui, bien sûr que je veux bien... Mais ne t'étonnes pas si je ne dis que des idioties... »

Tout ce qu’elle disait ne serait jamais des idioties. J’ai juste soupiré en fermant les yeux. Ses doigts ont caressé mes cheveux et je me suis senti à nouveau bien. Protégé comme dans une bulle. Comme ma mère avait toujours su m’apaiser. Comme personne depuis elle n’avait su le faire. Elle me berçait, me cajolait, me caressait doucement les cheveux puis l’épaule et je me suis laissé aller, en serrant un peu plus sa main dans la mienne. Je me suis même aventuré à caresser le dos de sa main avec mon pouce. Je ne savais pas comment elle le prendrait mais ça me faisait du bien.

Là comme ça, j’oubliais presque que je serais prêt a tuer quiconque pour un gramme de coke….

Et elle s’est mise à chanter. Je ne connaissais pas cette berceuse, la langue m’était inconnue. Mais dans sa bouche c’était tout simplement divin. Elle aurait pu inventer cette berceuse sans sens aucun, je m’en fichais. J’aurais voulu qu’elle me berce comme ça pendant des heures. J’ai fini par me laisser complètement aller. Je me reposais enfin, j’oubliais enfin que je n’avais pas pris un shoot depuis des jours et des jours.

« J'imagine que tu n'as pas compris grand chose... C'était... C'était du russe. Je suis russe, en réalité. J'espère que cela ne va pas te faire hurler... En général, les gens ne sont pas plus tolérants à mon égard qu'au tien... »

J’ai voulu ouvrir les yeux, mais je n’y arrivais pas. J’ai juste souri un peu timidement. Elle était russe. C’était donc ça le petit je ne sais quoi dans sa voix…elle était d’un ailleurs, je le savais. Elle était venue jusqu'à moi j’en étais certain. Je ne connaissais pas ce pays, mais Maman avait dans ses clients plusieurs russes il me semble. Je me rendais compte que j’avais beaucoup voyagé avec mes parents, mais jamais nous n’étions allés en Europe de l’est…. Mes parents préféraient l’Asie…

-J’aime bien le russe quand c’est toi qui le parle. J’aurais bien aimé visiter ce pays….

Moi, je me sentais bien partout. J’aimais rencontrer les gens, apprendre de nouvelles cultures. Avant…. Avant qu’ils ne meurent j’aimais tout ça oui….On m’avait arraché tout ce que j’aimais finalement. Alors cet ange je ne voulais pas qu’on l’arrache à moi. J’étais prêt à devenir quelqu’un de bien pour la garder. Je n’avais sans doute aucun droit sur elle… Je ne connaissais rien d’elle. Sans doute avait-elle un petit ami….

Non…je ne voulais pas y penser. Elle était là avec moi. C’est tout ce qui comptait.

-Pourquoi j’hurlerais ?

Je n’avais jamais compris ce racisme latent. Après tout, tout le monde était fautif dans cette guerre… Et elle n’y était pour rien elle. Etre russe ne faisait pas d’elle l’instigatrice de cette guerre. Et comment pouvait-on ne pas l’aimer ? Moi je l’aimais déjà….

-Les gens ne sont pas tolérants avec des gens comme moi non plus tu sais…Pourtant...je n'ai fait de mal à personne. Je ne m'en suis fait qu'à moi...

J’avais bien vu comme certaines personnes me considéraient…. Je ne pouvais les blâmer…Seulement….j’aurais aimé que les gens réagissent tous comme celui qui m’avait aidé, comme cet ange qui me serrait contre elle. On ne se drogue pas par envie, mais parce qu’on va mal…Et j’allais très mal…

-Ca ne te gêne pas de t’occuper d’un type comme moi ?

J'ai dû faire une drôle de tête. Tiens, c'était vraiment l'un des rares à ne pas me dévisager ( au minimum ) simplement parce que j'étais russe. D'ordinaire je passais pour un extraterrestre. Les gens se demandaient toujours ce que je faisais là. À croire que j'étais une bête de foire. Non, non j'avais simplement eu la bonne idée de venir mes études à New York. Comment vouliez vous que je sache cinq ans à l'avance que les Américains et les Russes allaient échanger des bombes ? Si je l'avais su, peut-être que je serais restée chez moi. J'avais beau avoir de très bons amis ici, j'avais toujours un peu de mal à me sentir à sa place. Certains ne toléraient ma présence simplement parce qu'Alexander les y forçait. Sans lui je serais très certainement en pièces détachées à l'heure qu'il est. Comme si tout cela était de ma faute... Je n'avais jamais tenu une arme de toute ma vie et c'était moi qu'on accusait de tous les maux de cette guerre. Merveilleux. Vraiment merveilleux. Heureusement que j'avais des nerfs d'aciers. J'avais appris à ne plus faire trop attention aux remarques qu'on me faisait. Les choses étaient comme elles étaient, un point c'est tout. Maintenant, plus personne n'y changerait rien. Ne pouvions nous pas essayer de survivre, au lieu de continuer à nous taper dessus ? Parfois, c'était limite barbare...

« Tu pourrais hurler parce que les russes sont des cibles à la mode en ce moment... Alors j'imagine que je suis devenue une espèce en voie d'extinction. Les gens ont beaucoup perdu dans cette guerre et il faut quelqu'un sur qui rejeter les fautes... Sauf que moi c'étaient les blessés américains que je soignais, pas les russes. »

J'ai eu un petit haussement d'épaules. Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Bouder les blessés sous prétexte que nous étions en guerre ? C'était stupide... Mais les gens étaient parfois stupides, avec toutes leurs idées préconçues. J'en avais vu des imbéciles ces derniers mois... Je n'avais plus qu'à espérer que les choses allaient s'améliorer maintenant je n'allais tout de même pas rester le vilain petit canard de la bande éternellement. J'avais assez d'étiquettes collés sur le front comme ça. Enfin vous me direz, une de plus, une de moins... Et puis je n'allais pas me plaindre non plus. Les gens de la communauté seraient certainement plus durs avec Ethan qu'avec moi. De toute façon, à chaque fois qu'il y avait un nouveau venu, on en faisait le sujet de conversation et on en faisait un concentré de défauts ambulant. C'était un des désavantages à vivre en groupe. Tout le monde savait tout sur tout le monde, et la moindre petite rumeur était sue de tous. Parfois, cela prenait des proportions inimaginables. Les prochaines années allaient être longues...

« Les préjugés ont la vie dure... Pour beaucoup, quelqu'un qui se drogue c'est forcément un imbécile qui veut s'amuser à se détruire à petit feu... L'ignorance fait agir de façon stupide. Heureusement je ne suis pas trop bête et je suis plutôt ouverte d'esprit. »

J'évitais soigneusement d'utiliser le mot junkie ou drogué en sa présence. Et je ne désignais pas en tant que tel. D'abord parce que cela serait déplacé. Ensuite parce que je n'avais pas envie de l'enfoncer ou de le culpabiliser un peu plus. Il devait assez s'en vouloir comme ça. Je n'allais pas en rajouter une couche. Des tas de gens en aurait rajouté une couche. Moi, non. Je n'étais pas là pour en faire mon bouc émissaire. J'étais là pour l'aider à se relever, pas pour l'achever. Au contraire... J'ai secoué la tête, avec un petit air choqué.

« Pourquoi est-ce que cela me gênerait ? Jusqu'à présent tu n'as tué personne. Et même si c'était le cas, ça ne changerait rien. Tu vas mal, et à ta place j'aurais aimé que quelqu'un me tende la main. Alors je ne sais pas si ce que je fais t'est d'une grande aide, mais si je peux faire quoique ce soit pour que tu ailles mieux, je le ferais. Ce n'est pas le moment d'être égoïste. »

Égoïste, je ne l'avais jamais été. On me l'avait souvent reproché par le passé. Si j'étais devenue médecin, c'est parce que je n'étais pas égoïste du tout. Je m'étais engagée à m'occuper de tous les malades qui croiseraient ma route, peu importe qui ils étaient et ce qu'ils avaient fait. J'ai eu un sourire, puis un petit rire.

« Et toi, ça ne te dérange pas d'être à la merci d'une vilaine russe ? »

Je l’ai senti se crisper légèrement quand je lui ai demandé de me donner une raison de lui en vouloir. Je n’en voyais vraiment pas. Et puis…comment lui en vouloir ? En dépit du fait qu’elle ressemble à un ange venu d’ailleurs rien que pour moi, elle avait été une des seules à me tendre la main à m’aider. Les américains n’auraient pas fait ce qu’elle faisait depuis que cet homme m’avait amené ici. Qui d’autre aurait passé ses nuits avec un junkie ? Qui d’autre aurait ne serait ce que pris le temps de m’aider à surmonter le manque ? bien sur je devais faire peur à voir. Mais je souffrais…et tout le monde semblait s’en moquer. Bien sûr que j’étais un junkie, je ne pouvais renier mon entière dépendance à l’héroïne. Mais j’aurais aimé ne pas tomber là dedans. Oh oui j’aurais aimé…

« Tu pourrais hurler parce que les russes sont des cibles à la mode en ce moment... Alors j'imagine que je suis devenue une espèce en voie d'extinction. Les gens ont beaucoup perdu dans cette guerre et il faut quelqu'un sur qui rejeter les fautes... Sauf que moi c'étaient les blessés américains que je soignais, pas les russes. »

J’aurai aimé qu’elle n’ait pas à subir ça. Je ne connaissais rien d’elle pourtant…Je devais être complètement fou. Comment pouvait-on en vouloir à une personne d’actes qu’elle n’a pas commis simplement parce que des abrutis appartenant à sa communauté d’origine avaient décidé d’une guerre. Elle n’était en rien responsable….Mais je n’ai pas su lui dire. Je me suis contenté de serrer un peu plus sa main. Pour lui dire que je la comprenais sans doute, mais surtout pour encore la retenir prés de moi.

Et puis elle en est venue à moi…

« Les préjugés ont la vie dure... Pour beaucoup, quelqu'un qui se drogue c'est forcément un imbécile qui veut s'amuser à se détruire à petit feu... L'ignorance fait agir de façon stupide. Heureusement je ne suis pas trop bête et je suis plutôt ouverte d'esprit. »

Pourtant elle était toujours là oui. Et elle semblait ne pas me juger. Comment ne pas la considérer comme un ange après tout ca ? J’aurai aimé lui dire qu’elle était mon ange, mais j’avais trop peur de la perdre…Et si je la perdais….je n’aurais plus la force de résister à l’envie d’une dose….Il ne fallait jamais qu’elle me quitte.

« Pourquoi est-ce que cela me gênerait ? Jusqu'à présent tu n'as tué personne. Et même si c'était le cas, ça ne changerait rien. Tu vas mal, et à ta place j'aurais aimé que quelqu'un me tende la main. Alors je ne sais pas si ce que je fais t'est d'une grande aide, mais si je peux faire quoique ce soit pour que tu ailles mieux, je le ferais. Ce n'est pas le moment d'être égoïste. »

Techniquement non je n’avais tué personne….je me contentais de me tuer moi…pourtant parfois quand j’étais lucide, je voulais arrêter, m’en sortir. Mais en moins de temps qu’il faut pour dire quoi que ce soit, je repensais à la mort de mes parents. Et cette raison était suffisante à mes yeux pour vouloir me tuer à petit feu. Sans eux, je préférais me tuer. Maintenant, pourtant elle était là…et elle voulait m’aider…

Ca ne remplacerait jamais ni mon père ni ma mère mais….

« Et toi, ça ne te dérange pas d'être à la merci d'une vilaine russe ? »

J’ai été tellement choqué par ce qu’elle venait de me dire que j’ai levé la tête et que mes yeux se sont ouverts d’un seul coup. Je me suis contenté de la regarder avec un regard vraiment choqué. Je n’aimais pas ces mots là dans sa bouche. Savait elle a quel point ce qu’elle venait de dire était idiot et non avenu ?

-Tu n’es pas une vilaine russe. Tu es un ange descendu du ciel. Comment t’en vouloir de quoi que ce soit ?

Les mots sont venus tous seuls…. Je me suis senti tellement gêné d’avoir dit que je la prenais pour un ange que j’ai du m’empourpre plus que de raison. J’ai lâché sa main de ma propre initiative. De peur qu’elle ne le fasse elle-même et que mon cœur se brise encore un peu plus.

-Et puis tu sais….je ne me suis pas drogué par plaisir…

Avec elle, j’arrivais à parler finalement. Elle m’insufflait cette force d’arriver à communiquer. Elle m’avait insufflé toute son énergie sans doute, et je me sentais un peu plus fort pour lutter contre cette envie permanente de shoots. Non pas que je n’y pensais pas pour le moment, mais j’y pensais un peu moins. Sa présence suffisait à rendre le sevrage moins difficile.

-Avant je n’y aurais même pas pensé. Et puis….

Oui avant la mort de mes parents, jamais je n’aurai pensé à me droguer. Je n’étais pas un enfant de chœur pourtant. Et puis mes parents étaient morts….Leur mort m’avait anéanti. Nous avions tellement de projets. Et je les aimais tellement, ils avaient tant fait pour moi…J’avais perdu tout repère a leur mort.

-Je voudrais pouvoir effacer…oublier… Mais j’y arrive pas.

Je savais que je n’arriverais pas à effacer la douleur qui était la mienne. Rien ne les ramènerait…Mais je pouvais peut être les rejoindre….

Il a fait une drôle de tête en me regardant d'un air presque choqué. Quoi, j'avais dit une bêtise ? Je réfléchissais bêtement à ce que je venais de lui dire quand il a repris la parole. Cette fois ci, c'est moi qui l'ai dévisagé, étonnée. J'hésitais entre me mettre à rire et détourner le regard, gêné. J'ai finalement opté pour un espèce de mélange des deux. J'ai souri, en secouant la tête.

« Je ne suis pas un age, Ethan. Simplement une fille un peu trop gentille qui se fait avoir à chaque fois. Tu te rendras vite compte que je n'ai absolument rien de divin. »

Oh non, je n'étais rien de plus qu'une fille presque comme les autres. J'aimais simplement aider les gens, voilà tout. Cela ne faisait pas de moi un ange. C'était dans mes habitudes, voilà tout. De toute façon c'était tout ce que je savais faire. Aider. Voilà pourquoi j'avais voulu devenir médecin, voilà pourquoi on m'avait attribué une place de médecin dans la communauté. Et puis de toute façon, comme disait Aaron, avec ma carrure de brindille, je ne pouvais pas faire grand chose d'autre. Parfois je trouvais mes choix surprenants. J'aurais très bien pu finir comme Riley. Heureusement j'avais échappé à ça, parce que bonjour le personnage... Il était fatiguant à courir après toutes les filles. À croire qu'il s'était mis en tête de les mettre toutes dans son lit, dès le moments qu'elles étaient jolies ou qu'elles avaient des « atouts » intéressants. Malheureusement pour moi, Riley pensait que j'avais des atouts intéressants. Atouts que je n'avais toujours pas trouvé, personnellement. Cependant je n'avais pas l'intention de lui céder, alors la question ne se posait pas.

J'ai eu un petit haussement de sourcils quand Ethan a lâché ma main. Je me demandais comment il prenait le fait que je m'occupe de lui de cette façon. Je ne devais certainement pas avoir l'air d'un médecin conventionnel. Enfin, vu son état il s'en fichait certainement un petit peu. Du moment qu'il allait mieux, il n'allait pas se poser des dizaines de questions. Ce n'était certes pas le moment. J'imagine que nous pourrions discuter de tout cela plus tard, quand il irait mieux. Je ne savais pas trop combien de temps il faudrait pour que son corps se débarrasse de toutes les toxines accumulées. C'est que je n'étais pas spécialiste de ce genre de choses, moi. Et je n'étais pas sûre que Mathilda ait une idée sur la question. Pour une fois, j'aurais voulu avoir mes bons vieux bouquins de médecine, si souvent maudits, avec moi. Malheureusement, ils ne faisaient pas partie des choses que j'avais décidé d'emporter en urgence. À l'heure qu'il est, ils doivent encore être à leur place. Quand bien même mon appartement aurait été pillé, ces ouvrages n'intéressaient pas grand monde...

« Il faudrait être stupide pour se droguer par plaisir. Et à première vue tu n'as pas l'air d'être stupide. Disons que tu as fait des erreurs... Et tu les paies certainement assez cher comme ça, nul besoin que quelques imbéciles soient derrière toi à te le reprocher sans cesse. »

Je ne lui avais pas demandé pourquoi il s'était mis à la drogue. Cela ne me regardait pas, pas pour le moment. S'il voulait en parler, libre à lui. Mais je ne poserais aucune question. Je n'étais pas là pour jouer les enquêteurs de police. Ça, c'était le travail d'Aaron et Alexander.

« Même si tu ne pourras rien effacer ou oublier, ce n'est pas si grave... Tu apprendras simplement à vivre avec. L'essentiel, c'est que tu ne recommences pas, non ? »

De toute façon, il aurait eu un peu de mal à recommencer... Si la drogue se trouvait encore à New York, le moindre gramme devait couter une somme astronomique... Et plus personne ne roulait sur l'or de nos jours. Mais de toute façon, vu l'expérience peu agréable qu'il était en train de vivre, je doutais qu'il songe à replonger là dedans tête la première. J'ai caressé doucement ses cheveux, pour l'apaiser. Un peu malgré moi, je me rendais compte que je ne me comportais pas vraiment normalement avec lui. Mais alors vraiment pas... J'ai chassé ces pensées idiotes de ma tête.

« Tu sais, tu devrais vraiment essayer de dormir. Cela te ferait du bien. Tu iras mieux plus rapidement si tu reprends des forces. Je ne vais pas m'en aller, Ethan. »

J’ai juste émis un légér soupir quand elle a refusé de croire que pour moi elle ressemblait à un ange. Ce n’était pas seulement physiquement qu’elle me donnait cette impression, c’était autant dans sa manière d’agir. Elle était douce, calme, apaisante. Quand elle s’adressait à moi sa voix était toujours mesurée, rassurante, charmeuse.

« Je ne suis pas un ange, Ethan. Simplement une fille un peu trop gentille qui se fait avoir à chaque fois. Tu te rendras vite compte que je n'ai absolument rien de divin. »

Bien sûr elle souriait, mais elle ne semblait pas vouloir y croire. Pourtant même si elle était aussi humaine que je pouvais l’autre, elle avait tout d’un ange. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme elle. A part ma mère je veux dire. Ma mère ne se fâchait jamais, elle n’élevait jamais la voix, et je lui avais toujours connu cette bienveillance dans le regard, cette petite lueur amusée, ce regard positif sur la vie. C’était sans doute pour ça que je m’étais laissé aller. Sans elle, j’avais perdu ma bouée de sauvetage dans ce monde. Je ne voyais plus que le mal qu’apportent ce monde et cette réalité. Maos là avec cet ange là, celle qui me tenait dans ses bras, je revoyais enfin cette petite lueur au bout du chemin. J’essayais de tendre vers elle, mais les obstacles étaient là. Nombreux et dangereux. Et j’étais trop épuisé pour garder les yeux ouverts et diriger mon regard sans ciller vers cette lumière. Pourtant je savais que si je fermais les yeux à nouveau, je ne serais sans doute plus là pour voir son visage une nouvelle fois.

J’avais par trop longtemps joué avec le feu.

« Il faudrait être stupide pour se droguer par plaisir. Et à première vue tu n'as pas l'air d'être stupide. Disons que tu as fait des erreurs... Et tu les paies certainement assez cher comme ça, nul besoin que quelques imbéciles soient derrière toi à te le reprocher sans cesse. »

J’aurais aimé pouvoir dire tout ce que je ressentais, j’aurais aimé pouvoir lui dire simplement à elle pourquoi j’avais fait tout ça. Je ne connaissais rien d’elle pourtant, et je ne me confiais pas vraiment. Mais avec elle je sentais que je pouvais. Je pouvais tout lui dire….elle le supporterait. Et elle venait de me prouver qu’elle ne me jugerait pas. Elle serait sans dote la seule. Je savais qu’on se fichait pas mal de ce qui avait poussé un drogué à s’injecter des doses quasi mortelles dans les veines. Mais elle, elle voyait plus loin que ça. C’est comme si elle pouvait voir la souffrance qui était la mienne depuis tant d’années. Pourtant je ne pouvais blâmer personne, j’aurais sans doute jugé aussi moi avant. Tout simplement parce que je n’avais pas de raisons de me droguer, et que je ne comprenais pas qu’on puisse avoir une bonne raison.

Mais elle, elle ne jugeait pas… Qu’était donc cette fille à part un ange ? Je ne voyais pas… Elle était un ange et elle le resterait.

« Même si tu ne pourras rien effacer ou oublier, ce n'est pas si grave... Tu apprendras simplement à vivre avec. L'essentiel, c'est que tu ne recommences pas, non ? »

J’aurais aimé pouvoir lui dire tout ce que j’avais fait pour une simple dose….mais j’avais bien trop peur de la perdre. J’avais peur de l’effrayer alors je me suis tu. Acquiesçant seulement. Un peu hypocritiquement…mais je ne voulais pas qu’elle me laisse. J’avais terriblement besoin de sa présence pour supporter le manque.

Et puis, même si j’arrivais à me procurer une dose là…. (et croyez moi ce serait pas facile….) je doute pouvoir réussir à me l’injecter. J’avais usé mes bras, j’arrivais parfois à trouver un endroit qui veuille bien accueillir l’aiguille mais je devais m’y reprendre à plusieurs fois. Bien sûr j’avais déjà essayé sur mes pieds, mais je ne préférais pas retenter l’expérience. La dernière fois j’avais pas pu marcher pendant deux jours….Pourtant je savais que certains finissaient irrémédiablement par se piquer là, mais moi j’avais trop mal après…

Après….

Quand tu redescends sur terre et que la réalité t’arrive en plein visage, et qu’à nouveau tu as mal. Encore plus qu’avant. Et que tu voudrais qu’une seule chose. Recommencer pour oublier. Ou mourir….

J’étais en train d’essayer de ne pas penser à un shoot, et j’avais bien du mal. Pourtant mon ange m’a serré un peu plus fort, et m’a parlé tout doucement. Je suis alors revenu « sur terre ».

« Tu sais, tu devrais vraiment essayer de dormir. Cela te ferait du bien. Tu iras mieux plus rapidement si tu reprends des forces. Je ne vais pas m'en aller, Ethan. »

J’ai calé ma tête contre son cou et j’ai respiré son parfum. Et j’ai souri. Elle sentait si bon, Pourtant j’ai du admettre la triste vérité. Le sevrage n’était pas aussi facile que ça. Et je savais que si quelqu’un me proposait quelque chose, ne serait ce que pour m’aider, je finirais par en être accro.

-Je ne sais pas si je serais assez fort pour ne pas être tenté de nouveau…

Je ne comptais même plus les fois où aujourd’hui j’avais eu envie d’un shoot. Pourtant je ressentais moins l’envie quand elle était là. Je ne savais pourtant pas l’expliquer vraiment. J’ai bien du lui avouer.

-Quand tu es là c’est plus facile….

Ma tête toujours enfouie dans son cou, j’avais une furieuse envie d’y déposer un baiser. Mais jamais je n’oserais…J’aurais l’impression de la salir, de la souiller. On n’embrasse pas un ange…..

-Si je dors, tu promets de rester là ? Tu me promets d’être là à mon réveil ?
J’ai relevé un peu la tête vers elle, l’interrogeant du regard. Je faisais de terribles cauchemars.,, et puis je savais que si elle n’était pas là à mon réveil je finirais par tout casser dans cette chambre….

Et soudain j’ai pensé à un détail…

-Tu connais mon prénom, mais je ne connais pas le tien tu sais…. Alors je t’ai surnommé Bel ange….

J'ai jeté un coup d'œil rapide à ce qui servait d'horloge à cette chambre. Il n'était pas très tard et pourtant je sentais qu'Ethan s'épuisait, qu'il luttait pour ne pas s'endormir. Je ne savais pas trop contre quoi il luttait. En vérité je n'en avais pas la moindre idée. Je n'avais jamais eu à faire face à des addictions dangereuses. De ce côté là j'étais un ange, oui. Cependant, je ne disais pas qu'Ethan n'avait pas essayé de se sortir de là. Simplement, personne n'avait cru bon de lui tendre la main jusque là. Parfois, l'égoïsme des gens me sidérait complètement... On m'avait toujours accusée de ne pas l'être assez, égoïste. Si j'avais été égoïste, je serais devenue comme Riley... Et je serais très certainement morte. Finalement, cela m'avait plutôt réussi, cette « ambitieuse » carrière de médecin. Je ne regrettais rien... Enfin, pas grand chose pour le moment. Des gens ici avaient besoin de moi et je leur étais utile. Et j'avais survécu. Je ne pouvais pas vraiment me plaindre. Il y avait bien pire.

Je l'ai laissé caler sa tête au creux de mon cou sans protester, ou même le repousser. Je pouvais bien lui pardonner ce genre de geste, qui au fond n'avait rien de très extravagant. Et puis si cela pouvait lui permettre d'aller mieux... De toute façon je n'avais rien d'autre à lui offrir, sinon un peu de chaleur humaine. Il en avait besoin. Terriblement besoin. J'ai posé ma main sur son épaule, avant de passer mon bras autour de lui. Il fallait qu'il se sente rassuré, qu'il sente que je ne lui étais pas hostile. Je me sentais un peu impuissante. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? À part passer des heures et des heures avec lui, à le rassurer, à tenter de l'apaiser... C'était peut-être beaucoup pour lui, mais j'avais l'impression de faire trop peu. J'ai eu un petit soupir et j'ai secoué la tête doucement.

« Être tenté, c'est une chose, Ethan. Céder c'en est une autre. C'est comme... Comment dire... Ce n'est pas parce que tu as envie d'embrasser une jolie fille que tu vas lui sauter dessus. Et puis vu ce que tu endures, je doute que tu veuilles retenter l'expérience du manque et de la désintoxication sauvage. »

Désintoxication sauvage. C'était le mot. Mais cela passerait... Peut-être pas assez vite à son goût, mais cela passerait. Bientôt il irait mieux et toute cette histoire ne serait plus qu'un mauvais souvenir, bien vite remplacé par de meilleurs. Du moins je l'espérais, sincèrement. Je n'aimais pas voir les gens souffrir. Et pour une raison que je ne m'expliquais pas, je trouvais la souffrance d'Ethan absolument intolérable. Peut-être parce que personne n'avait bien voulu l'aider... C'était absolument révoltant. C'était encore un miracle qu'Alexander et Aaron l'aient ramené...

« Plus facile ? Dans ce cas je vais voir si je peux passer plus de temps avec toi... Il faut que tu ailles mieux, et vite. »

Mathilda pourrait bien râler autant qu'elle voudrait, je me contenterais de passer la matinée avec elle. Après le déjeuner j'irais voir Ethan. Ce serait comme ça et pas autrement. Elle me le ferait payer d'une façon ou d'une autre, mais tant pis. Comme je l'ai déjà dit... Ce n'était pas le moment d'être égoïste. Je ne savais pas être comme ça...

« Je serais là, je te l'ai déjà dit et redit. Je ne vais pas disparaître. C'est promis. »

S'il n'osait pas me le demander directement, je savais ce qu'il attendait de moi, en réalité. Il voulait simplement que je sois là pour le calmer, au cas où il ferait un ou deux cauchemars. Je ne savais pas de quoi il pouvait bien rêver, mais ce n'était pas du monde fabuleux d'Alice au pays des merveilles. J'ai eu un petit rire soudain. Il avait raison, je ne lui avais pas dit mon prénom... Quelle imbécile. J'étais pourtant persuadée de l'avoir fait.

« Je ne suis pas un ange... Je m'appelle Katarina. Mais tout le monde m'appelle simplement Kat. »

Je l'ai enlacé et j'ai serré la couverture autour de lui. Il n'y avait plus rien à dire pour ce soir... Mais tellement, tellement de choses à dire demain...

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