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 Let the Skyfall [Samuel B.]

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3 participants
AuteurMessage
Mathilda Johnson

Mathilda Johnson


Messages : 31
Date d'inscription : 10/10/2010
Age : 54
Localisation : Infirmerie

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MessageSujet: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeMar 30 Oct - 18:35


« Il n’y a presque plus de désinfectant… Va chercher de l’alcool. »

Murmurai-je à Katarina tandis que nous observions d’un œil plus qu’alarmé une blessure purulente. Je voyais John, la personne ici allongée, serrer les dents de douleur tout en sachant que cela n’allait pas s’arranger : l’alcool allait le brûler d’une manière insupportable, mais nous n’avions plus d’autres choix. Nous ne pouvions plus agir autrement que de trouver des ersatz afin de soigner les blessés tant nous manquions de matériel. Bientôt, nous serions à court de morphine et alors viendrait le pire. Sans morphine, il sera impossible de soulager les souffrances des nombreuses personnes ici présentes, et donc impossible de calmer leurs cris, leurs gémissements de douleur. Je le savais, je m’y préparais, mais cela ne m’empêchait pas de redouter ce moment. Tout comme je savais que Katarina le redoutait. Aussi, je déposai une main qui se voulut réconfortante sur son épaule avant de quitter la pièce. L’heure n’était plus aux faux semblants ni à la froideur et d’ailleurs, je ne pensais pas avoir encore assez de force pour cela. Non, je n’avais plus la force de jouer à l’indifférente, ni même le courage.

L’explosion de l’église remontait à deux semaines. Une fois le choc passé, il nous fallut organiser les secours le plus rapidement possible tout en étant démunis de notre infirmerie et donc de notre matériel. On trouva aussitôt une maison qui pourrait jouer ce rôle, et l’aménagea de telle sorte que nous pûmes accueillir tous les blessés. Malheureusement, nous n’avions aucune solution de secours pour ce qui relevait du matériel médical. Dans un premier temps nous improvisâmes, puis, lorsque les flammes furent éteintes certains courageux se risquèrent à essayer de récupérer le maximum. Mais ce maximum ne représentait malheureusement pas grand-chose en comparaison de ce que nous avions besoin. Dans chaque pièce de cette maison s’entassaient de nombreuses personnes dont les blessures rivalisaient de gravité : des fractures ouvertes, des brûlures, des commotions… Inutile de préciser que même si l’infirmerie n’avait pas explosé, nous n’aurions pas pu en sauver la moitié. Nous aurions eu besoin de blocs opératoires, de radios, de scanners, de broches, de centaines d’instruments que nous ne possédions plus depuis la guerre. Du moins était-ce que je me répétais sans cesse afin de pouvoir tenir le choc, même si au fond cela n’allégeait pas mon cœur lorsque je voyais des amis, des connaissances s’éteindre sous mes yeux. Je n’avais jamais très bien supporté la mort, jamais acceptée lorsque je connaissais les moyens médicaux pour pouvoir l’empêcher, à fortiori depuis que je vivais en communauté. Mais ce que nous affrontions à présent… Non, ce que nous affrontions à présent n’avais rien de semblable avec tout ce que nous avions affronté dans le passé.

Durant deux semaines, le nombre de morts n’avait cessé de croître. On les comptait par dizaines. La gorge serrée, les mains tremblantes, j’avais fini par demander à Alexander de creuser des tombes à l’avance. Il fallait être réalistes. Il fallait se rendre à l’évidence. Notre impuissance n’avait sans doute jamais été aussi grande. Qu’importe ce que nous faisions, qu’importe ce que nous essayions, nous pouvions jour après jour observer le cimetière s’agrandir. N’être que deux médecins ne nous aidait pas non plus, je dois bien l’avouer. Jackson était bien trop touché pour pouvoir nous assister, nous étions seules avec Katarina pour tout assumer. Même si nous avions formé à la va vite quelques infirmières de fortune afin d’accomplir certaines tâches, nous étions très largement débordées. Je ne dormais plus que quelques heures par nuit, dans cette maudite maison pleine de futurs cadavres. Mais je demeurais incapable d’avaler quoi que ce soit de plus que le strict minimum pour tenir debout. Il y avait de toute manière bien trop à faire pour pouvoir prendre le temps de se nourrir ou se reposer correctement. Nous n’avions aucune minute de répit. Nous n’avions aucun temps d’arrêt, aucune pause. Même après l’attaque des Hors la loi, la situation n’avait pas été aussi grave. Nous avions essuyé des morts et des blessures certes, mais étant dues à des combats au corps à corps, elles n’avaient rien de semblables avec celles causées par une explosion. Ici, nous devions faire face à des bras et des jambes en bouillies, des visages dont la peau avait fondu sous les flammes, des membres arrachés. J’aurais préféré n’importe quelle blessure par balle à ceci. N’importe laquelle, je le jure.

Je passais tellement de temps dans cette maison que j’étais totalement incapable de décrire ce qu’il pouvait bien se passer au dehors. Tout ce que je savais c’était que désormais, plus personne ne possédait un proche à aller pleurer au cimetière. De tous les disparus, nous en connaissions forcément tous au moins un, qu’il soit particulièrement proche ou simple connaissance. Plus personne ne pouvait se vanter d’avoir conservé son entourage entier, encore bien moins qu’après la guerre elle-même. D’un pas pressé, je me dirigeai vers la chambre voisine. Brûlure au troisième degré. Nous allions devoir faire face ici aussi au manque de morphine. Le mieux aurait sans doute été de choisir dès à présent qui en avait le plus besoin ou non. Arrêter d’en donner à ceux dont la mort demeurait inévitable bien qu’ils s’accrochaient pour le moment. Cependant, j’avais du mal à m’y résoudre. J’avais du mal à m’imaginer laisser ces gens mourir dans d’atroces souffrances et être là, à les écouter hurler, sans bouger, sans faire quoi que ce soit. Cette idée me rongeait sans doute bien plus encore que le reste. Toujours est-il que je m’avançai dans cette chambre, tâchant de prendre ma respiration le plus rarement possible tant l’odeur était insoutenable. Enfilant une de mes dernières paires de gants, j’inspectai brièvement la brûlure qui s’infectait. Mais nous n’avions plus de désinfectant non plus. Je dû prendre sur moi d’une manière extraordinaire lorsque la pensée de nettoyer cette plaie à l’alcool me traversa l’esprit. C’était totalement impossible. Il m’était totalement impossible que de balancer de l’alcool à 90 sur la jambe de cette pauvre Camy tout en sachant que ses nerfs étaient à vifs, tout en sachant à quel point elle allait souffrir. Elle ne devait pas avoir plus de 16 ans. Sans morphine, qu’allais-je bien pouvoir faire ? Lui dire de serrer les dents ? Elle mourrait d’une si grande souffrance. Tâchant de conserver un visage de marbre, je lui demandai d’une voix blanche comment elle se sentait, puis jetai un coup d’œil à sa poche de morphine qui s’écoulait inexorablement. Si j’avais été un bon médecin, j’aurais immédiatement décroché cette poche pour l’administrer à quelqu’un qui avait encore une chance de survivre. Mais je ne le fis pas. J’en étais totalement incapable. Je reportai alors mon regard sur son visage éraflé et rouge qui tentait d’esquisser un sourire. Un sourire qui me serra à tel point le cœur que je dû serrer les dents pour ne pas pleurer. Cette petite se battait pour survivre, pour être positive tandis que je savais très bien que son sort était jeté. Et face à ce visage, je me sentais plus que jamais inhumaine.

Un humain laisserait-il un autre humain vivre alors que d’innombrables souffrances l’attendaient ? Un humain n’aurait-il pas plutôt pris un coussin pour le poser sur ce visage qui bientôt ne sourirait plus ? N’aurait-il pas appuyé de toutes ses forces sur ce coussin afin d’abréger les souffrances de son semblable ? N’aurait-il pas arrêté de jouer la comédie bien avant que la poche de morphine soit terminée, bien avant que la plaie dégouline d’un liquide verdâtre et malodorant ? Si, sans doute l’aurait-il fait. Mais moi, je n’étais pas humaine. Je ne l’étais plus.
Je jouais la comédie en attendant sa réponse puis esquissai un sourire en plastique avant de murmurer un bref « bien, très bien » tout en sachant que non, cela n’était pas bien, que plus rien n’allait bien. Je finis par sortir, et visiter une autre chambre, et ainsi de suite. Je ne pouvais presque rien faire de plus mis appart changer les pansements, désinfecter ce qui pouvait l’être à l’alcool, compter chaque milligramme de morphine écoulé. Le lendemain, nous décidâmes de retirer les poches à ceux qui en avaient le moins besoin. Alors, la petite maison jusque là si silencieuse devint un sombre enfer duquel s’échappaient gémissements et plaintes de douleur. Nous en étions les bourreaux. Malgré nous. Malgré toute notre bonne volonté et tout notre courage. Nous étions les bourreaux ici.

Cette journée fut particulièrement longue pour moi. Je me sentais oppressée, étouffant dans cette atmosphère de mort. J’étais épuisée. J’aurais voulu pouvoir m’enfuir loin d’ici, mais j’avais bien trop conscience de ce que cela engendrerait. Alors, comme chaque soir, je me dirigeai vers les chambres de mes amis les plus proches afin de leur tenir un peu plus compagnie. Je savais que cela ne représentait peut-être pas grand-chose pour eux qui recevaient déjà des visites, mais pour moi c’était indispensable. Même si je connaissais tout le monde, j’avais besoin de pouvoir m’asseoir sur le bord d’un lit et leur parler, si possible d’autre chose que de leurs blessures. Je commençai par Jackson, bien qu’il ne soit pas forcément de mes plus proches amis à la base. Il n’empêche que je l’appréciais, et pris le temps de parler avec lui bien que son état ne soit pas des plus faciles à supporter. Puis, je me rendis dans la chambre de Samuel, chambre qu’il partageait avec un autre homme, dans le coma. Les blessures de Samuel étaient à mon sens importantes sans être dramatiques. En l’absence de radio je ne pouvais définir ce qui était exactement cassé, mais je présumais les jambes en elles-mêmes. Les hanches étaient également touchées, mais tout allait rentrer progressivement dans l’ordre. Même si la plaie était ouverte, j’étais parvenue à le recoudre et attendais désormais la cicatrisation pour pouvoir le plâtrer. Pour le reste, il ne s’agissait que de blessures superficielles. On pouvait dire qu’il avait eu de la chance. Toujours est-il que je m’approchai de lui sans chercher à afficher le moindre sourire sur mon visage et m’arrêtai au pied de son lit. Je laissai échapper un bref soupir avant de déclarer avec lassitude :

« Je n’ai pas croisé Liam aujourd’hui. Il est passé avec les jumeaux ? »

Il acquiesça doucement et je poursuivis.

« Il évite sans doute de passer par le couloir principal. Depuis que nous manquons de morphine, il n’est pas très approprié de passer par là avec des enfants… »

Il comprenait sans doute de quoi je parlais, lui-même pouvait entendre les plaintes de là où il était. Soudain, mon cœur loupa un battement et je relevai aussitôt les yeux vers sa perfusion. Je sentis mon visage se décomposer encore un peu plus, mais me forçai à reprendre contenance dès la seconde suivante. Est-ce que… ? Est-ce que ce que je voyais était bien réel ?... En songeant que Samuel devait entendre les plaintes, j’eus comme l’impression qu’une lourde pierre était tombée sur mon estomac. Car s’il les entendait, il était étrange que lui-même n’en émisse pas parce que… Parce qu’il faisait lui-même partie de ceux auxquels nous avions retiré la morphine. Or, je n’avais jamais vu quiconque supporter deux jambes ainsi que des hanches brisées sans émettre le moindre gémissement de douleur. Il ne semblait même pas du tout souffrir. Comme si… Comme s’il ne sentait rien du tout. Ma gorge se serra de nouveau tandis que je m’efforçai de conserver un visage de marbre, et reportai rapidement mon regard sur lui. C’était impossible. Il était impossible qu’il n’éprouve aucune douleur. Je n’osais même pas mettre de mots très clairs sur ce que cela pouvait signifier. Malheureusement je ne pouvais nier l’évidence : quelque chose clochait, et je sentais qu’il s’agissait de quelque chose de grave. Il fallait que je sois sûre, absolument sûre. Alors, tâchant de paraître la plus normale possible, je demandais d’une voix blanche :

« Heureusement il nous en reste encore assez pour les blessures comme les tiennes. La morphine fait que tu ne ressens absolument rien, n’est-ce pas ? »

De nouveau il approuva et aussitôt, les mots s’imposèrent de force dans mon esprit : Samuel était dépourvu de toute sensibilité au niveau des jambes. Ma gorge se serra un peu plus, je m’abstins donc de toute nouvelle remarque tant je voulais cacher mon trouble, ainsi que ma peine. Malheureusement je ne voyais aucune autre explication. Il pouvait bouger tout le reste de son corps, je l’avais bien remarqué durant ses toilettes. Mais le fait qu’il ne ressente aucune douleur après que nous lui ayons retiré la morphine ne pouvait signifier quoi que ce soit d’autre qu’une paralysie. Le fait est que même si la poche restait pleine, elle ne s’écoulait plus dans son organisme. Ainsi il pouvait croire que nous continuions de lui en administrer alors que ce n’était pas le cas. C’en était plus que ce que je ne pouvais en supporter. Chaque jour, je m’occupais de blessures bien plus dégoûtantes, bien plus impressionnantes, et pourtant, il s’agissait là de la goûte d’eau. Ce soir, j’avais simplement eu envie de rendre visite à un ami et au lieu de cela, je découvrais que cet ami ne possédait plus aucune sensibilité au niveau des jambes. Le fait est que j’étais cependant bien incapable de déterminer la cause de cette insensibilité, ni même d’affirmer qu’elle n’était que temporaire ou définitive. Je n’en savais rien, et cela me tordait les entrailles. Alors, je prétextai n’être passée qu’en coup de vent et quittai la chambre. Cette fois, je n’eus pas le courage d’en visiter une autre et me dirigeai vers la mienne, puis me couchai toute habillée. Je ne fermai pas l’œil de la nuit.

Le lendemain, j’avais passé en revue toutes les causes les plus probables de cette insensibilité, à condition qu’elle soit passagère. Mon esprit ne voulait pas admettre qu’il s’agissait d’un handicap irréversible. Fatiguée, usée, j’avais même fini par envisager m’être trompée. Après tout, peut-être que la perfusion s’écoulait toujours ? N’était-il pas possible que j’aie cru l’avoir fermée à tort ? Je me raccrochais désespérément à cela, bien décidée à vérifier le jour même. Même si les plaintes s’accentuaient dans d’autres chambres, je laissai à Katarina la charge d’en visiter un certain nombre. J’avais besoin de temps pour vérifier ce que je voulais vérifier. Aussi, après avoir effectué ma part des visites, je me dirigeai vers celle de Samuel. Son voisin de chambre était toujours dans le coma, et Dieu seul savait lorsqu’il en sortirait mais cela me passa au dessus tant j’étais obsédée par l’état de mon ami. Après avoir accompli les mêmes gestes qu’à l’ordinaire pour ne pas paraître suspecte, je me risquai à jeter un petit coup d’œil à la perf : fermée. La morphine ne faisait plus effet. Je n’allais cependant pas m’arrêter à cela. Je devais être sûre, absolument sûre. J’en avais besoin. J’affectai donc d’observer sa cicatrisation de plus près, et me risquai à la toucher de manière bien plus prononcée qu’à l’ordinaire. Il n’eut aucune réaction. Alors, j’appuyai encore un peu plus, et encore plus, de telle sorte que n’importe qui aurait hurlé de douleur. Mais pas lui. Non, pas lui. Il se contenta de me regarder comme à l’accoutumée, et de me demander où en était sa cicatrisation. Je n’osai cependant pas relever les yeux vers lui, parce que je savais que ce regard m’aurait trahit. Je savais que dans mes yeux, il aurait pu lire tout ce qui tourbillonnait dans mon esprit et c’était absolument hors de questions. Je me contentais alors d’un bref hochement de tête et lâchai d’une voix particulièrement sèche un bref « tout va bien » puis quittai la pièce. Mais une nouvelle fois, rien n’allait bien.

Je vis durant la journée défiler devant mes yeux les nombreuses causes d’une paralysie définitive. Je les voyais toutes, elles que j’avais fuis toute la nuit. Il se pouvait que la moelle ait été touchée. Une lésion n’était pas impossible étant donné les circonstances de l’accident. Liam m’avait avoué avoir lâché une poutre sur Samuel. J’avais cru que cela avait « seulement » brisé les hanches mais finalement… Finalement j’étais encore moins sûre de quoi que ce soit qu’auparavant. Cependant je ne pouvais me cacher la vérité : même si les hanches et les jambes étaient cassées, cela ne causait pas d’insensibilité. Samuel allait être paralysé, et j’étais incapable d’expliquer très clairement pourquoi ni de faire quoi que ce soit contre. Je ne pouvais certainement pas l’ouvrir pour aller voir ce qui clochait, et très sincèrement cela se situait bien loin de mes domaines de prédilections. Même si j’étais capable de reconnaître une paralysie et une lésion, je n’étais pas spécialisée dans ce domaine. Et de toute façon, je ne pouvais pas pratiquer ce genre de choses. Je ne pouvais pas prendre la responsabilité d’ouvrir quelqu’un dans un endroit non stérile simplement pour aller « jeter un coup d’œil ». Or, en l’absence de radios, je ne possédais aucun moyen de savoir très exactement ce qui clochait. Mais le résultat demeurait le même, n’est-ce pas ? Samuel était paralysé. Samuel ne pourrait plus marcher, même après que ses os se soient ressoudés. Sans doute ne le pourrait-il plus jamais. P.l.u.s j.a.m.a.i.s

Il se passa deux jours complets durant lesquels je ne cessai de penser à cela. Je ne parvenais pas à me résigner à le lui avouer, encore moins lorsque je le voyais entouré de Liam et des jumeaux qui ne cessaient de lui répéter qu’il serait bientôt sur pieds. J’allais saccager leur espoir, leurs vies. Comment parvenir à prononcer ces mots ? Comment parvenir à avouer la vérité à une personne jeune, en bonne santé, qui s’estimait chanceuse d’avoir survécu ? Même s’il était en vie, son existence ne serait plus jamais la même et j’étais la personne qui allait le lui annoncer. Une nouvelle fois, j’étais le bourreau. Même si je n’avais jamais regretté d’être devenue médecin, cette tâche se révélait de plus en plus dure chaque jour. Compter les décès, annoncer de mauvaises nouvelles, entendre les pleurs et les cris… Tout ceci avait mis mes nerfs à vifs. Je devais cependant prendre mon courage à deux mains et oser lui avouer la vérité, car il le méritait. Il ne méritait pas que je le laisse en lui grandir un espoir qui jamais ne se réaliserait. Alors, lorsque j’entrai ce soir là dans sa chambre, j’avais déjà pris la décision de lui apprendre la nouvelle. Je m’y étais préparée, avais choisi mes mots, même si je savais qu’entre les choisir et les prononcer il existait une énorme différence. Je pris néanmoins sur moi pour m’avancer jusqu’à lui bien que mes jambes me hurlaient de quitter la pièce. N’ayant pas la force de sourire, je ne le tentai même pas. A quoi bon les faux semblants ? J’étais sur le point de saccager ses espérances, il n’y avait dans cette pièce plus aucune place pour les mensonges et les faux espoirs.

« Il faut que nous discutions. » dis-je d’une voix bien trop faible à mon goût avant de m’asseoir au bord de son lit.

J’inspirai profondément puis le regardai droit dans les yeux, sans ciller.

« Ton état est bien plus grave que je ne le pensais. Il ne s’agit pas que de quelques fractures. Samuel, je… »

Ma voix dérailla bien que cela ne m’arrivait jamais. Mais la fatigue accumulée, le poids que je supportais en faisant face à tout cela me pesait tellement que j’avais de plus en plus de mal à rester de marbre. Cependant, je fis l’effort de reprendre une nouvelle respiration afin d’aller jusqu’au bout. Il le fallait, nulle échappatoire ne s’offrait à moi.

« Je pense que tu as une lésion à la moelle épinière. C’est la seule explication que je trouve au fait que tu ne ressentes pas la moindre douleur au niveau des jambes parce que… Samuel, tu n’es plus sous morphine. »

Cette fois-ci, mes lèvres mimèrent un sourire plein de tristesse, mais surtout d’excuses. Excuses parce que je détruisais ses espoirs. Excuses parce que j’aurais voulu trouver une autre explication. Excuses parce qu’il n’y avait plus rien à faire. Oui, j’aurais voulu m’excuser des dizaines et des dizaines de fois mais ne le pouvais pas. Alors, je pris lentement la perfusion et la lui montrait.

« Elle est fermée, la morphine ne s’écoule plus. Tu devrais avoir mal, mais ce n’est pas le cas. Il n’y a aucune autre explication… Tu es paraplégique. »

Et alors, tout ce que j’avais vu durant les deux précédentes semaines défila de nouveau sous mes yeux. Les brûlures, les traumatismes, les fractures ouvertes, les plaies sanguinolentes, les membres arrachés, les os écrabouillés, les visages déformés, les tombes, les pleurs, les cris, les plaintes, les supplications, la tristesse, le désespoir, la douleur, la colère, la souffrance, le désarroi. L’horreur. Ce fut plus fort que moi, plus forts que mes trente ans de froideur, plus fort que mon cœur de pierre, plus fort que toutes mes convictions mais dès cet instant, je sentis les larmes me monter aux yeux. J’aurais voulu m’excuser auprès de chacune de ces personnes. J’aurais voulu m’excuser auprès des morts, des comateux, des grands brûlés, des orphelins, des blessés en tout genre. J’aurais voulu m’excuser de ne pas pouvoir faire plus, de ne pas pouvoir faire mieux, et de n’être qu’un pauvre médecin incapable d’apaiser les souffrances ni même de les abréger. Et la première personne à qui fut adressée cette excuse fut Samuel.

« Je suis désolée. ».- murmurai-je d’une voix très faible, les larmes s’accumulant au bord de mes yeux
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeJeu 1 Nov - 16:21

-Ca va aller Sam... Ca va aller... Sam ?... Sam !

La voix de Liam avait fini par s'évanouir et il n'y avait plus eu que le noir, le néant total. Plus de douleur, plus rien. Mais juste avant, la douleur avait été telle que j'avais souhaité qu'on m'assomme ou qu'on m'achève. Mes jambes me faisaient horriblement mal et j'étais coincé, incapable de bouger, mais quand Liam avait fait tomber cette poutre sur le bas de mon dos j'avais eu l'impression qu'on m'avait brisé le bassin en entier et ça avait été terrible. Toutes les douleurs que j'avais pu ressentir au cours de mon existence n'étaient absolument rien comparé à ça. J'avais hurlé, j'avais supplié et j'avais fini par fatiguer et par sombrer. Une chance. Lorsque je rouvris les yeux, j'eus l'impression d'abord d'être en plein rêve, ce fameux rêve que je faisais qui me renvoyait en Irak, qui me renvoyait dans cet hôpital militaire au plafond blanc. Puis, lorsque je regardai autour de moi, je remarquai que le décor était bien différent. Cette pièce était toute petite et il n'y avait qu'un autre lit, et pas des dizaines. Un autre lit où un homme dormait paisiblement. Il me fallut quelques instants pour me remettre les idées en place et pour réaliser pourquoi j'étais ici et ce qu'il s'était passé : l'explosion de l'église... Mes jambes bloquées, la poutre, mon bassin... Je voulus bouger je me rendis compte que j'en étais incapable. M'appuyant sur un coude pour le moins tremblant car je manquais énormément de forces, je soulevai le drap qui me recouvrait avec mon autre bras et ma respiration s'accéléra lorsque je vis une longue et large plaie qui semblait être fraîchement recousue. Mais ce qui me choqua le plus, ce fut la couleur de mes jambes : elles étaient littéralement couvertes d'hématomes. Tellement recouvertes qu'on ne distinguait presque plus ma couleur de peau naturelle et je savais ce que cela signifiait : fracture ou plutôt fractures, au pluriel car il était clair, même si je n'étais pas médecin, qu'il ne s'agissait pasd'une simple petite fracture. J'avais les jambes en miettes. Je préférai ne pas regarder l'état de mon bassin, imaginant que de toute façon, ça devait être à peu près pareil vu la douleur que j'avais ressentie quand la poutre était tombée dessus. Je me laissai retomber sur le lit et fixai le plafond : bassin et jambes fracturés... Je n'étais pas prêt de sortir d'ici... Mais peut-être que je me trompais : peut-être que Mathilda allait venir m'annoncer de très bonnes nouvelles et que j'étais complètement à côté de la plaque. Une petit lancement dans le bras me sortit de mes pensées et j'abaissai mon regard sur ce dernier et c'est à ce moment-là que je remarquai la perfusion qui y était installée. Mon regard suivi le petit tube qui partait de mon bras jusqu'à une poche accrochée à côté de mon lit et je me penchai légèrement pour lire ce qui y était inscrit : Morphine. Oh... Alors ça expliquait l'absence totale de douleur et aussi l'étrange sensation qui m'englobait tout entier, comme si j'avais avalé une boîte de calmants sans pour autant être dans les vapes. C'était assez étrange mais pas désagréable : au moins je ne souffrais pas.

Lorsque Mathilda entra dans la chambre, je l'accueillis avec un grand sourire et écartai même les bras avant de m'arrêter, la perfusion n'appréciant pas tout ces mouvements. En fait, malgré la situation, malgré l'horreur, la morphine me rendait, n'ayons pas peur des mots, un peu euphorique. Disons que je planais à moitié en fait. La première chose que je lui demandai fut des nouvelles de Liam et des enfants : ils allaient bien, autant que faire se peut disons. Ils n'étaient pas blessés et c'était le principal. Puis, je lui demandai de m'expliquer exactement où j'en étais et je ne fus pas choqué de la confirmation de mes fractures : jambes et hanches d'après Mathilda. Donc, j'allais effectivement rester dans ce lit un petit bout de temps mais rien n'était irréversible. Des fractures, ça se répare et pour ce qui était de la plaie, elle était apparemment sur la bonne voie de la guérison. Mathilda m'expliqua qu'elle allait ensuite me plâtrer les deux jambes. Je ne pus m'empêcher de rire, m'imaginant déjà avec les plâtres : j'allais avoir l'air très con. Une question stupide me traversa alors l'esprit : si une partie de mes jambes se mettait à me gratter, comment j'allais faire avec ces foutus plâtres ? C'était censé être drôle mais Mathilda ne rit pas, au contraire : elle avait l'air épuisée et à bout de nerfs et quand elle m'annonça que j'avais été inconscient deux jours entiers, qu'il y avait eu beaucoup de morts et que d'autres étaient au seuil de la mort, même mon amie la morphine ne put rendre cette information moins difficile à encaisser. Elle se leva, m'expliquant qu'elle avait d'autres patients à voir et qu'elle allait également prévenir Liam et les enfants que j'étais réveillé. En parlant d'être réveillé, je lui demandai, avant qu'elle ne sorte, ce qu'elle avait donné à mon compagnon de chambre pour qu'il dorme à ce point : quand elle me répondit d'une voix éteinte qu'il était dans le coma, je me tassai dans mes oreillers et portai mon regard sur l'homme allongé sur le lit. Lorsque la porte de la chambre se ferma, je commençai à parler au type, à lui raconter tout et n'importe quoi. Il s'avéra être un auditeur particulièrement attentif et en plus, il ne m'interrompait jamais. Ce fut cependant lassant au bout d'un moment. Je laissai échapper un long soupir avant de me remettre à fixer le plafond : les prochaines semaines allaient être horriblement longues...

Quand Liam et les enfants entrèrent dans la chambre un peu plus tard, je fus extrêmement heureux et soulagé de les voir. Liam s'avança rapidement vers moi et m'embrassa tendrement le front avant d'être repoussé avec force par les jumeaux qui me firent un câlin comme ils ne m'en avaient encore jamais fait : même Lucy et pourtant nous étions proches. Lorsque j'entendis leurs sanglots, mes mains se posèrent sur leur tête pour caresser doucement leurs cheveux et je relevai un regard interrogateur vers Liam qui m'expliqua tout bas, même si les enfants allaient quand même l'entendre, qu'ils avaient été très inquiets pour moi. Il n'avait pas besoin de me dire que lui aussi avait été inquiet : il était pâle et fatigué, je le voyais. Maintenant que j'étais réveillé, il allait sans doute mieux dormir. La morphine aidant, j'étais relativement positif et de bonne humeur et je m'empressai d'annoncer aux jumeaux que d'ici quelques semaines, je devrais pouvoir sortir et qu'en plus, ils allaient pouvoir faire tout un tas de dessins sur mes plâtres quand ces derniers seraient en place. Ils ne furent cependant pas emballés : décidément, mon humour laissait à désirer. Ils restèrent un moment avec moi, Liam m'expliquant ce qu'il en était en ville sans pour autant rentrer dans les détails. Il le fit le lendemain quand il vint sans les enfants. Il revint dans l'après midi avec eux et à partir là, la routine s'installa. Chaque jour, je parlais à mon voisin de chambre, sans aucune réponse de sa part. Chaque jour, Liam et les jumeaux venaient me rendre visite et restaient le plus longtemps possible avec moi. Chaque jour, Mathilda venait me voir en fin de journée. Le reste du temps, c'était le plafond blanc et moi. Puis, les plaintes s'ajoutèrent à cette routine. Des plaintes constantes, certaines plus prononcées que les autres : les gens souffraient énormément et c'était assez difficile à supporter. Même si je m'estimais chanceux de ne pas souffrir grâce à la morphine, entendre ces plaintes était une autre forme de souffrance.

-Tu as de la chance dans ton malheur.

Dis-je à mon compagnon de chambre, un soir où une voix dans une pièce proche surplombait les autres. Au moins, lui il était dans le coma et il ne souffrait pas, c'était déjà ça de gagné. Je n'eus pas besoin de demander d'explication à Mathilda quant à ces plaintes qui ne faisaient qu'empirer : je savais que les soins étaient précaires et j'avais été soldat, j'avais vécu dans un hôpital militaire où les moyens étaient limités : la morphine commençait à manquer. C'était d'ailleurs sans doute pour cela que je n'étais plus du tout euphorique et que je voyais les choses de façon moins positive et plus réaliste : ils avaient sans doute diminué mes doses de morphine même si on m'en administrait toujours pour m'éviter la douleur à cause de mes os brisés. En fait, on me donnait le strict minimum mais je leur en étais reconnaissant. Je me préparais cependant à la suite : la morphine allait finir par m'être retirée également et là, la douleur allait refaire son apparition. J'espérais être assez préparé et assez fort pour éviter de rajouter ma plainte à celle des autres... Je comptais les jours et quatorze jours avaient maintenant passé depuis l'explosion de l'église. Quatorze jours dans ce lit, douze jours que j'étais réveillé et conscient de mon état. Douze jours qui passaient avec une lenteur terrible : j'avais envie que le temps passe plus vite afin que ma plaie cicatrise définitivement pour que Mathilda puisse enfin me mettre les plâtres et que ma véritable guérison commence. Et puis, même si je n'en avais pas parlé à Mathilda ni à Liam, je commençais à être anxieux : j'avais vu des blessés de guerre dont les soins n'avaient pas été faits à temps et qui n'avaient jamais complètement récupéré et je ne voulais pas être dans ce cas. Je ne voulais pas que mes os se remettent en place d'une telle façon qu'ils m'empêcheraient d'être valide. J'avais vraiment peur de ça... Cependant, comme d'habitude, quand Mathilda vint me voir en fin de journée, je lui adressai un sourire confiant et cachai toute appréhension : elle avait assez à faire avec les autres, elle n'avait pas besoin de perdre son énergie à me rassurer. Elle semblait particulièrement épuisée ce soir-là et s'appuya au pied de mon lit avant de me demander si Liam et les jumeaux étaient passés car elle ne les avait pas vus. J'acquiesçai doucement et quand elle continua en me disant que Liam évitait sans doute le couloir principal en raison du manque de morphine, j'acquiesçai une nouvelle fois.

-Oui. Les enfants ont déjà commencé à poser des questions alors il évite et c'est mieux... Ils en ont vu et entendu assez.

Mais Mathilda ne m'écoutait plus. Elle semblait ailleurs. Cela ne dura cependant que quelques instants : elle finit par reporter son regard sur moi et je haussai les sourcils, surpris, dans l'attente de... Je ne savais pas quoi en réalité. Pourquoi avait-elle changé de comportement subitement et pourquoi était-elle revenu à son comportement précédent en quelques instants seulement ? Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? La réponse ne tarda pas à tomber quand elle me demanda si je ne ressentais aucune douleur : j'acquiesçai tout de suite. Elle avait sans doute dû s'inquiéter et s'était assurée que ma perfusion fonctionnait bien. Cela expliquait ce changement d'état soudain. Oui, heureusement qu'il restait de la morphine pour mes blessures mais bientôt, ce ne serait plus le cas, même si elle ne voulait pas aborder le sujet. Ce refus d'aborder le sujet, de son côté comme du mien, créa un semblant de froid et elle m'annonça qu'elle n'était passée qu'en coup de vent ce soir et qu'elle devait partir. Elle quitta la chambre avant même que j'ai pu lui dire au revoir. Quand la porte fut refermée, je soupirai : j'adorais ses visites tout comme j'adorais celles de Liam et des jumeaux. Voir Mathilda tout les jours me faisait un bien fou car elle était devenue une véritable amie et sa présence m'était indispensable. Elle donnait cet équilibre à mon existence, elle me donnait aussi beaucoup de force : son comportement à elle me donnait envie de me montrer fort et courageux, et c'était sans aucun doute en grande partie grâce à elle que je tenais le coup dans cette chambre. Le lendemain, la même routine que d'habitude se déroula mais lorsque Mathilda vint me voir, je sentis qu'elle était différente : quelque chose avait dû se passer mais je ne savais pas quoi. Elle s'occupa de moi comme d'habitude mais dans un silence de mort et je fus incapable de le briser : je n'avais pas envie de ranimer ce qui la mettait dans cet état. Si elle avait envie d'en parler, elle m'en parlerait, sinon, je n'allais certainement pas l'y obliger. Elle s'attarda sur ma plaie et, comme à chaque fois, sans pour autant parler de mon inquiétude quant au temps que mettait ma plaie à guérir, je lui demandai comment se déroulait la cicatrisation. Son « tout va bien » ne me rassura cependant pas tant elle me le lança d'une voix sèche qu'elle n'adoptait d'ordinaire plus du tout en ma présence. Elle s'en alla aussi rapidement que la veille, me laissant seul, avec tout un tas de questions dans la tête que je n'oserais de toute façon pas lui poser...

J'avais pris l'étrange habitude de m'adresser à ma plaie et à mes jambes : allez savoir pourquoi. Sans doute parce que je me rendais plus que jamais compte à quel point ces membres de mon corps étaient d'une importance capitale, je n'en sais rien. En tout cas, cela faisait bien rire les jumeaux : le mot « gambettes » était prononcé à tout va et nous avions tous hâte que je puisse enfin me lever de ce foutu lit. J'étais le plus impatient des quatre : j'en avais assez d'être dans ce lit, d'être traité comme un handicapé. On me faisait la toilette rapidement, on vérifiait mes jambes et mon dos pour m'éviter les escarres, véritable horreur qui touchait ceux qui étaient allongés sans bouger trop longtemps. Même si j'avais pris l'habitude de me redresser et de m'asseoir avec la force de mes bras en faisant attention à mes jambes, j'avais l'impression d'être un vieil homme et je détestais cela. Aussi, malgré le trouble de Mathilda, je finis par me décider à lui parler de mon inquiétude : je voulais savoir quand j'allais avoir mes plâtres, je voulais qu'elle me le dise avec le plus de précision possible parce que je me foutais de me trimbaler avec des béquilles à la force de mes bras tant que j'étais debout, ne serait-ce qu'un peu. Je savais que c'était exclu tant que mes jambes n'étaient pas plâtrées, d'où l'importance du temps encore nécessaire à la cicatrisation de ma plaie. J'étais donc prêt à poser la question, à avoir cette conversation que j'avais tant repoussé et quand elle entra dans ma chambre ce soir-là, ma détermination ne baissa pas, bien au contraire. Je voulais des réponses et en tant que mon médecin, elle avait le devoir de me les donner. Adossé contre les deux oreillers, j'étais assis et lui faisais face : je me sentais un peu moins diminué lorsque je n'étais pas totalement allongé et cela me donna un peu plus de force pour aborder le sujet. Mais elle avait apparemment prévu de l'aborder de son propre chef puisqu'elle m'annonça sans attendre qu'il fallait que nous discutions. Très bien, nous étions sur la même longueur d'ondes. J'ouvris la bouche pour lui poser la fameuse question quand son regard croisa le mien et elle ne me laissa pas le temps d'en placer une. Ce qu'elle plaça ou plutôt, ce qu'elle lança, fut une véritable bombe. Ma volonté, ma force se brisa dès que ses mots sortirent de sa bouche : mon état était plus grave que ce qu'elle avait pensé. Il ne s'agissait pas que de quelques fractures... Mes épaules s'affaissèrent et je fronçai les sourcils alors qu'une horrible sensation était en train de se répandre dans mes entrailles. Que voulait-elle dire par « pas QUE de quelques fractures » ? Pourquoi avoir employer ces mots-là ? Qu'est-ce que j'avais en plus ? Car c'était bien cela que sa phrase voulait dire. Sa voix dérailla quand elle prononça mon prénom et elle s'arrêta : ce genre de comportement ne lui ressemblait pas ou plutôt, ça lui ressemblait mais en certaines circonstances. Des circonstances comme la fois où elle m'avait annoncé la maladie de Liam et son probable décès...

J'allais mourir.

Alors même que cette idée commençait à faire son chemin, Mathilda reprit la parole et même si elle ne m'annonça pas ma mort prochaine, ce fut tout comme : une lésion à la moelle épinière. Une lésion... A la moelle épinière... Pourquoi ? D'où cette soudaine idée sortait-elle ? La réponse fut un nouveau coup porté en plein cœur : je n'étais plus sous morphine. Je n'étais plus sous morphine et pourtant je ne ressentais rien. Je sentis mon visage se figer sans une expression de terreur face à la réalité qui était en train de se mettre en place. Cette réalité prit véritablement forme lorsqu'elle attrapa la perfusion et me la montra dans sa main : elle était fermée. Fermée. Plus de morphine depuis... En fait, en même temps que les autres... En même temps que ceux qui s'étaient mis à hurler leur douleur mais moi, je n'avais pas crié... Je n'avais rien ressenti... Plus de morphine et je ne... Ressentais rien... Rien du tout. Elle n'eut pas besoin de prononcer le mot « paraplégique » : il s'était déjà imposé à moi. Paraplégique, paralysé... In-va-li-de. J'approchai une main tremblante vers la poche de perfusion et mes doigts effleurèrent la poche avant de retomber sur ma cuisse. Mon regard se posa alors sur mes jambes ou du moins, ce qu'il en restait et là, tout vola en éclats. Celui que j'avais été, celui qu'étais et celui que j'aurais pu être. Tout ce à quoi je m'étais préparé disparût. Ce futur auquel j'avais tant aspiré n'arriverait jamais : il n'existerait pas. Je n'existerais pas ou plus. J'entendis Mathilda s'excuser et je relevai aussitôt les yeux vers elle avant d'exploser de rire : un rire hystérique, un rire incontrôlable. Je vis des larmes briller dans les yeux de Mathilda et surtout, son choc face à ma réaction mais je ne pouvais pas m'empêcher de rire. Je plaquai ma main contre ma bouche pour essayer d'étouffer le rire puis, entre deux gloussements, je parvins à parler, même si les phrases furent à chaque fois ponctués de rires.

-Désolé mais... C'est tellement... Paralysé ? Après tout ce que j'ai traversé, après toutes les épreuves, j'ai trouvé le bonheur et maintenant je suis paralysé ? Je veux dire... Sérieusement ? C'est ma vie ? Sérieusement ?!

Et le rire repartit de plus belle. Cette réaction n'était que le résultat du choc que je venais de subir et mes rires finirent par s'estomper doucement pour s'arrêter complètement. Mon sourire finit aussi par déserter complètement mon visage. Mes yeux se posèrent sur la perfusion et, d'un geste vif, j'arrachai cette dernière de mon bras avec violence. Le sang se mit à couler de mon bras mais je ne mis même pas ma main pour l'empêcher. Ce fut Mathilda qui se précipita pour prendre des compresses et faire un point de compression : je la laissai faire, le regard vide, voilé, sans aucune larme cependant. Pas pour le moment. Je posai ce regard vide sur Mathilda. La crise d'hystérie était passée : il ne subsistait plus que le vide, le néant qu'allait être mon existence.

-Tu n'as pas à t'excuser Mathilda... Tu n'as rien fait de mal. Ce n'est pas de ta faute... Pas ta faute...

Et alors que je prononçai ces mots, le visage de quelqu'un d'autre s'imposa à moi et aussitôt, le vide fut comblée par la colère, par la rage, par la haine.

-Tu as fait tout ce que tu pouvais...

Rajoutai-je les dents serrées.

-Ce n'est pas toi la responsable.

Je plongeai mon regard dans le sien : les larmes s'invitèrent finalement dans mes yeux puis coulèrent sur mes joues. Mon bras était toujours sous les mains de Mathilda et je posai mon autre main sur son épaule et m'y accrochai avec force.

-Mathilda... Tu trouves l'excuse que tu veux, tu inventes ce que tu veux, mais tu fais en sorte que Liam et les jumeaux ne viennent plus ici.

A travers la rage, une supplique. Je ne voulais plus les voir. Je ne voulais plus le voir parce que le visage qui s'était imposé à moi, c'était le sien car c'était lui qui avait voulu aider, lui qui avait lâché cette poutre... Et c'était injuste, mais il me fallait un coupable et c'était lui. Il était le coupable idéal. Mathilda était visiblement contre et j'approchai autant que possible mon visage du sien.

-Si tu es vraiment désolée, fais ça pour moi.

C'était mesquin, fourbe et affreux de lui sortir un truc pareil et ça ne me ressemblait pas mais le Samuel que j'étais n'existait plus. Il avait, au moment même où elle avait prononcé la sentence, disparu pour laisser la place à cet autre Samuel qui était en colère, rancunier, fermé et qui risquait même de devenir violent si on le poussait à bout. Soudain, une question me vint à l'esprit : j'avais trouvé mon compagnon de chambre chanceux. Pourquoi n'avais pas eu sa chance ? Pourquoi n'étais-je pas dans le coma, moi ?

Ca aurait été tellement plus facile...
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Mathilda Johnson

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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeSam 15 Déc - 22:24

HJ : Désolée, petite réponse, mais je vais chercher Liam tout de suite après ta réponse.

Cela ne me ressemblait absolument pas et pourtant, j’étais bel et bien entrain de craquer devant Samuel. J’aurais voulu m’excuser encore et encore alors qu’au fond, il était évident que je ne pouvais rien faire de plus. Comment aurais-je pu deviner plus tôt ? Je ne possédais absolument pas le matériel médical nécessaire pour pouvoir pronostiquer ce genre de choses avec exactitude. Cependant, je m’en voulais avant tout de lui avoir annoncé trop vite une proche guérison. J’aurais dû prendre plus de temps pour en juger, émettre des réserves, ne pas lui promettre monts et merveilles alors qu’il allait passer le reste de sa vie en fauteuil roulant. Ceci ajouté au reste, je me sentais véritablement monstrueuse. Tout ce que je faisais était monstrueux, chacun de mes gestes me dégoûtait. Nerveusement, je craquais totalement. J’étais pourtant rodée, mais tout ce que j’avais à affronter depuis près de deux semaines dépassait de très loin ce que j’avais pu voir auparavant. Nous étions plus que jamais dans un contexte de guerre, et ses horreurs, non, je ne les connaissais pas si bien autrefois. J’aurais réellement voulu dire quelque chose de plus, le rassurer quant à l’avenir, lui expliquer à quel point son quotidien allait changer afin de l’aider à se préparer, mais j’en étais incapable pour le moment. Tout ce que je pouvais faire était rester là à le regarder, les premières larmes commençant déjà à glisser sur mes joues.

Et tout à coup, je sursautai brutalement, jetant sur Samuel un regard à la fois choqué et éberlué. Pourquoi diable riait-il ?... Alors que je me tenais près de lui, sans doute plus bas qu’il ne m’avait jamais vu, les larmes aux yeux, il venait de littéralement m’éclater de rire au nez. Pourtant, il n’y avait pas de quoi rire… Alors quoi ? Dire que j’étais perdue n’aurait été que peu représentatif de la réalité. J’étais complètement larguée. Je le regardais certainement avec de grands yeux ronds tandis qu’il s’esclaffait, ne songeant même pas à dire ou faire quoi que ce soit tant j’étais déstabilisée. Croyait-il qu’il s’agissait d’une mauvaise blague de ma part ? Etait-il à ce point persuadé de remarcher que mes propos lui apparaissaient comme un immense gag ? C’est bien ce qui, l’espace de quelques instants, me passa par l’esprit. Néanmoins, lorsque mon esprit retrouva de sa lucidité, je me rendis bien compte que ce rire ne s’apparentait à aucune forme d’amusement : Il était au contraire empli de désespoir. D’un geste vif, j’essuyai aussitôt mes larmes avant de me redresser. Ce rire avait eu l’effet d’un électrochoc pour moi, d’une part car il me rappelait à mes devoirs de médecin face à un patient choqué, d’autre part parce qu’il m’énervait au plus au point. Oui, ce rire m’était insupportable tant il tombait mal. J’avais beau savoir que ce genre de réaction était courant en situation de stress extrême ou de choc traumatique, je ne le trouvais pour autant pas plus supportable. Il résonnait à mes oreilles comme un sale gosse qui s’amuserait à griffer un tableau ou à racler le fond de son assiette avec sa fourchette. Plus les secondes passaient et plus ce rire me glaçait, me rendant tout aussi sèche qu’à mon habitude. Plus aucune larme ne perlait au bord de mes yeux, j’étais en cet instant bien trop amère pour cela.

Voir Samuel plaquer sa main contre sa bouche pour se faire taire n’y changea rien. Savoir que cela était purement dû au choc non plus. J’éprouvais l’envie horrible de lui arracher les cordes vocables afin de le faire taire et ce encore plus violemment quand il tenta de parler, toujours coupé par ses maudits gloussements. Je serrais à tel point les dents que j’en étais totalement incapable de lui répondre, et de toute façon, je ne savais pas quelle réponse j’aurais pu lui apporter. Dans le fond, il avait raison : après tout ce que lui et Liam avaient vécu, cette nouvelle tombait comme une injustice de plus. Mais que pouvais-je lui dire ? Qu’au moins il était vivant ? Qu’on finissait par s’y habituer ? Non. C’était bien trop tôt, il n’était pas encore en mesure d’entendre cela. Pour le moment, c’était le choc qui prédominait, l’hystérie. La raison ne pouvait intervenir. Et quelque part, je n’avais pas non plus envie de lui répondre quoi que ce soit. J’avais beau être consciente du fait qu’il n’y était pour rien, que ce rire ignoble résultait uniquement de la nouvelle, cela ne m’empêchait pas d’être terriblement amère en cet instant. Son rire face à mes larmes, c’était à la fois extrêmement perturbant et vexant pour moi. Cependant, la crise d’hystérie finit par passer. C’était donc maintenant que je devais jouer mon rôle.

D’un œil sévère, j’observai ses réactions. La femme vexée tout comme l’amie déplorée avaient laissé place au médecin austère que je savais si bien être et qui, de nouveau, possédait toutes ses facultés. Je savais que bien malgré le fait qu’il ai cessé de rire, le choc n’était pas passé. Il allait seulement se manifester sous d’autres formes, et celles-ci pouvaient éventuellement être violentes, à mon égard ou au sien. Mon rôle consistait donc à le surveiller et l’empêcher de faire quoi que ce soit pouvant nuire à sa santé ou à la mienne. D’autre part, je connaissais suffisamment le patient pour savoir qu’il pouvait facilement avoir des réactions violentes en cas de stress important. Tout m’indiquait donc de rester sur mes gardes. Voilà pourquoi je réagis si vite lorsque Samuel posa ses yeux sur sa perfusion et l’arracha d’un geste vif. Je me précipitai aussitôt pour faire un point de compression sur la vaine de son bras qui s’écoulait librement. Cependant, je pensais qu’il allait m’en empêcher, me repousser, mais il n’en fit rien. Au contraire, il me regarda faire d’un œil vide sans opposer la moindre résistance. Cela, je le savais, marquait le début du retour vers la raison. Le fait qu’il me dise que je n’y étais pour rien s’il était paralysé me conforta d’ailleurs dans cette idée. S’il parvenait à y voir assez clair pour se rendre compte que je n’aurais pas pu le pronostiquer plus tôt, alors peut-être approchions-nous du moment où j’allais devoir enfin reprendre la parole et jouer mon rôle tout comme je me devais de le faire. C’était sincèrement ce que je croyais, mais encore une fois, j’allais me tromper.

« Tu as fait tout ce que tu pouvais… Ce n’est pas toi la responsable. »

Tout en maintenant le point de compression, je relevai les yeux vers lui, scrutant attentivement son visage. La colère que j’avais cru discerner dans ses paroles se confirma alors, me faisant de nouveau baisser les yeux. Nous n’en étions toujours pas sorti. Cette colère n’avait, d’autre part, rien à voir avec la violence du geste qu’il avait eu en arrachant sa perfusion. Je ne ressentais plus de désespoir en lui mais simplement de la fureur, et laissez moi vous dire que cela ne valait pas mieux. En réalité, j’étais même étonnée qu’il en soit déjà à ce stade : Généralement, les patients atteints de telles paralysies commencent par s’effondrer et ressentent de la colère, de l’injustice bien plus tard. Ici, les différentes phases s’étaient enchaînées tellement vite que je craignais que cette colère soit bien plus virulente que ce à quoi je m’étais préparée. Pour autant, je ne me sentais plus menacée, je sentais simplement que cette rage risquait de perdurer. De nouveau, je relevai les yeux vers son visage lorsqu’il posa sa main sur mon épaule, étant cependant toujours aussi glaciale. Il n’y avait aucune autre réaction à adopter en cet instant, Samuel n’était de toute façon pas lui, il aurait donc été inutile de tenter de lui apporter le moindre réconfort pour le moment. La seule chose que pouvait faire un médecin face à un patient en plein choc était de se taire : Rien de ce que nous pouvions dire n’aurait eu le moindre effet. Je ne fus par ailleurs pas réellement déstabilisée lorsqu’il me demanda, visiblement toujours autant en colère, de refuser les visites de Liam et des jumeaux. Pas réellement déstabilisée certes, mais cependant inquiète. La colère, le rejet des autres… Ce n’était pas quelque chose qui venait aussi vite normalement. On observait généralement ce genre de réactions quelques jours, voire quelques semaines après le traumatisme. Que les choses s’enchaînent aussi rapidement ne présageait décidemment rien de bon. Néanmoins, j’oubliais en réfléchissant à tout cela un facteur décisif, un facteur qui changeait sans doute tout au cas.

Les choses s’éclaircirent aussitôt dans mon esprit. Je n’avais pas affaire à un cas habituel de rejet, mais à une manifestation de rancœur. Liam m’avait avoué peu après l’explosion de l’église qu’il avait lâché une poutre sur Samuel alors qu’il tentait de le dégager des décombres. Et si sur le moment j’avais pensé que ses multiples fractures étaient dues à cela, à présent je pouvais envisager que le choc ait créé une lésion au niveau de la moelle épinière. Et que Samuel l’envisage également ne m’aurait pas étonné… Je fronçai néanmoins les sourcils, marquant par là une certaine réprobation : d’une part, on ne pouvait être sûr de rien, d’autre part, je n’allais pas permettre que Samuel s’isole volontairement. S’il y avait une chose dont il allait avoir besoin dans les prochains jours, c’était bel et bien de sa famille. Il était hors de questions que j’orchestre quoi que ce soit allant à l’encontre de cela. Inutile de préciser que l’entendre me dire sur un ton presque menaçant que c’était la meilleure chose que je pouvais faire si je me sentais réellement désolée ne fit que marquer un peu plus ma désapprobation. Trouver un coupable n’allait l’aider que dans un temps, et quand ce temps se sera écoulé, Samuel se rendra compte qu’il n’aurait pas dû agir ainsi. Qu’il se retrouvait plus seul que jamais avec son désespoir. Sans un mot, je me reculai alors et fixai la compresse à son bras avant de m’éloigner d’un pas. Après tout, ce n’était pas à moi de dire quoi que ce soit. Je ne pensais pas avoir suffisamment de pouvoir pour pouvoir, à ce moment précis, convaincre Samuel. Au contraire. Alors, après quelques secondes de silence, je finis par secouer doucement la tête et poser un regard dénué de toute forme d’amitié sur lui.

« Ce n’est pas à moi de faire ça. Si tu ne veux plus recevoir de visite de la part de Liam, c’est à toi de lui dire. »

Seulement, je savais parfaitement qu’il ne le ferait pas. Si je le connaissais réellement, Samuel serait incapable de regarder Liam droit dans les yeux et lui demander de ne plus venir. Passer par moi était beaucoup plus simple, surtout que connaissant Liam, il se serait senti tellement coupable qu’il n’aurait jamais osé aller contre le désir de Samuel. Je n’allais pas laisser faire cela. Le seul véritable soutien dont allait disposer Samuel résiderait bel et bien en Liam, et en personne d’autre. Accepter de l’en séparer maintenant aurait été comme accepter qu’il mette fin à ses jours sous mes yeux. Alors, même si en apparence je ne me mêlais pas de leur vie privée, j’étais en réalité entrain d’orchestrer les choses afin de pouvoir faire au mieux pour Samuel. Je repris quelques instants plus tard d’une voix parfaitement calme.

« Tout ce que je peux faire, c’est lui annoncer la nouvelle avant qu’il ne revienne. Si tu préfères qu’il y soit déjà préparé, je le ferais. Sinon, je ne dirais pas un mot et te laisserais lui parler. Le reste ne me concerne pas. »

Tout en disant cela, je me dirigeai déjà vers la porte. Malgré tout, j’avais l’impression que mon attitude glaciale l’avait légèrement refroidi. C’était tant mieux : Je ne voulais pas non plus jeter Liam dans cette chambre tout en sachant qu’il allait s’y faire dévorer. Inutile d’empirer encore les choses, les blessures psychologiques qui découleraient de tout cela seraient déjà suffisamment difficiles à soigner, en admettant qu’elles le soient.
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeSam 5 Jan - 17:06

(HJ : C'est court aussi pour moi et j'en suis désolée mais je ne voulais pas m'avancer trop avec Liam. ♥)

J'étais tellement en colère. Tellement... Et comment aurais-je pu ne pas l'être ? Tout ça était tellement injuste... Quand enfin tout semblait me sourire, on me renvoyait plus bas que terre avec une force incroyable. Paralysé... Plus jamais je ne marcherais. Plus jamais je ne pourrais me tenir debout. C'était horrible, dur, insupportable. Oui, j'aurais préféré la mort car je me connaissais et je savais que je ne supporterais pas d'être diminué de la sorte. Que je sois entouré n'y changerait rien : je serais faible pour le restant de mes jours et ça, c'était plus que je ne pouvais supporter. C'était pour cela qu'il me fallait un coupable, c'était pour cela que j'avais besoin de quelqu'un pour diriger ma colère et ma douleur, et Liam était tout désigné puisqu'il avait lâché cette poutre qui avait fait de moi un homme paralysé. En tout cas, c'était de cette façon que je voyais les choses en cet instant même si au fond, je ne voyais pas Liam comme le coupable de mon état. Le choc me rendait colérique, agressif et surtout aveugle quant à l'innocence de mon futur époux. Oui il avait lâché cette poutre mais il avait avant tout essayé de me sauver la vie. Pourquoi étais-je incapable de me rendre compte de cela ? Ça aurait été tellement plus simple et je n'aurais pas eu besoin de demander à Mathilda de faire en sorte que Liam et les jumeaux ne viennent plus me voir. Oui, ça aurait été plus simple mais je n'en étais pas là et en cet instant, je maudissais tellement Liam que je refusais de le voir. C'était tout. Mathilda pouvait bien m'accorder cette faveur. Cependant, lorsqu'elle fronça les sourcils, je sentis la colère s'intensifier en moi : je la connaissais assez pour savoir que son attitude montrait une certaine réprobation et elle risquait de ne pas accepter ma requête. Ma main se resserra autour de son épaule alors que j'attendais une réponse qui ne vint pas. Mathilda resta silencieuse et fixa une compresse à mon bras que j'avais oublié d'ailleurs. Elle s'éloigna ensuite toujours sans un mot et je repliai mon bras contre moi tout en l'observant. Elle finit par secouer doucement la tête avant de poser un regard dénué de tout sentiment sur moi avant de m'annoncer qu'elle refusait de parler à Liam et que c'était à moi de le lui dire si je ne voulais plus le voir.

Je baissai la tête avant de la prendre entre mes mains et de la serrer : elle ne comprenait donc pas ? Elle ne comprenait pas que s'il venait, dans l'état où j'étais, je risquais de lui faire du mal ? Pas forcément physiquement puisque j'en étais incapable, quoique le haut de mon corps fonctionnait relativement bien, mais psychologiquement, j'étais capable du pire, je le sentais, je le savais. J'avais tant de haine en moi que je risquais de m'en prendre à Liam et je ne voulais pas en arriver là. Je voulais juste... Quoi exactement ? Pourquoi ne pas vouloir lui dire en face ce que je pensais ? Hein ? Pourquoi ? Alors que cette question flottait dans mon esprit embrouillé et dévasté, la réponse s'imposa doucement à moi. Je ne voulais pas le voir car je l'aimais. Voilà tout. Il avait lâché cette foutue poutre mais je l'aimais et je ne voulais pas lui faire de mal car au fond, il n'était pas responsable. Non, il ne l'était pas... Quand cette vérité se fit sa petite place dans mon esprit et dans mon cœur, je tournai la tête vers la fenêtre, décidé à cacher mes larmes qui avaient redoublé d'intensité. J'étais à présent conscient de l'innocence de Liam mais serais-je assez fort pour ne rien lui reprocher s'il venait me voir ? C'était moins certain et ça me faisait véritablement peur. J'entendis Mathilda me dire qu'elle pouvait annoncer la nouvelle à Liam avant qu'il ne revienne si je préférais qu'il soit préparé ou alors, elle pouvait ne rien dire si je préférais lui annoncer moi-même. Quant au fait que tout le reste ne la concernait pas, c'était faux mais c'était de ma faute si elle voyait les choses de cette façon. Elle essayait de m'aider, je le savais, mais le choc de l'annonce de mon état avait été violent et je savais que, même le choc une fois passé, je serais différent pour toujours, tant physiquement que mentalement.

Je secouai négativement la tête avant de me tourner vers elle. Je parvins à prononcer quelques mots à travers mes pleurs.

-Je préfère lui dire moi-même...

Alors qu'elle était sur le point de sortir, je balbutiai un autre mot :

-Merci...

Je ne sus pas si elle l'entendit car elle quitta la chambre sans un regard un arrière. Me retrouvant de nouveau seul avec moi-même, je reportai mon regard vers l'extérieur et tentai d'empêcher mes larmes de couleur, en vain. J'étais au plus mal et ce n'était pas prêt de s'arranger... Comment allais-je le dire à Liam ? Qu'est-ce qui allait se passer ensuite ? Qu'allait-il devenir ? Et les jumeaux ? Je devais devenir un époux, un père mais allais-je pouvoir être tout cela en étant paralysé ? Sur le moment, je n'y croyais plus du tout. En étant diminué, j'allais diminuer Liam et les autres, voilà ce dont j'étais persuadé. J'allais les entraîner dans ma chute, j'allais être un poids pour eux et ça me rendait malade. Si j'avais été assez fort, j'aurais fait en sorte de quitter Liam pour qu'il soit libre et qu'il refasse sa vie mais j'étais trop faible pour cela : je l'aimais trop pour pouvoir vivre sans lui. Alors, comme l'égoïste que j'étais, j'allais lui imposer tout ça. Et tandis que je pensais à tout ceci, une autre question vint me tourmenter. A présent, je n'avais plus de coupable désigné puisque j'avais compris que Liam n'était pas responsable. Dans ce cas, qui était responsable ? Ou même quoi ? Et pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? Je ne pouvais pas m'empêcher de m'apitoyer sur mon sort même si je savais que d'autres avaient connu la mort... Je ne pouvais pas m'en empêcher car dans un sens, c'était pire que la mort. On aurait dit une mort lente... Parce que ma vie, non, nos vies ne seraient plus jamais les mêmes. Alors pourquoi ? Bon sang, pourquoi ? J'avais commis quelques erreurs dans ma vie mais j'avais tout fait pour me racheter et je ne pensais vraiment pas mériter un tel sort. Mon regard se leva machinalement vers le plafond, vers l'endroit où Il était. Ma foi n'avait jamais été plus forte mais comment ne pas Lui en vouloir pour tout ceci ? Quel était Son but ? Encore une fois, pourquoi ? Pourquoi m'imposait-Il cette épreuve de plus ? Quel message essayait-Il de me faire passer ? Ne pas arriver à le comprendre me faisait encore plus de mal. Je réalisai alors que la personne que j'aurais vraiment eu besoin de voir en cet instant n'était pas l'homme de ma vie mais Isaiah car lui seul aurait pu répondre à mes questions. Lui seul aurait pu m'aider alors que je me battais avec mes douleurs et mes doutes...

Ce n'était cependant pas lui qui allait bientôt arriver mais bel et bien Liam et je devais absolument me reprendre pour pouvoir faire face à la situation. Mais comment parvenir à me reprendre ? Il me suffisait de penser au moment où il allait franchir cette porte, au moment où j'allais croiser son regard pour me remettre à pleurer plus encore. Comment allais-je lui annoncer que toute notre vie allait être différente ? Et surtout, c'était encore un autre problème, comme allait-il se sentir vis à vis de la situation ? Si moi j'avais pu l'estimer coupable, n'allait-il pas lui aussi penser que c'était de sa faute ? Et si c'était le cas, allais-je être assez fort pour pouvoir le réconforter et lui dire qu'il n'y était pour rien ? Tant de questions qui me faisaient toutes horriblement peur. Je n'eus malheureusement pas le loisir d'y réfléchir plus avant car on frappa à la porte. D'un geste rapide, j'essuyai mes larmes et pris une profonde inspiration. Malheureusement, mes yeux se remplissaient déjà de nouvelles larmes : j'allais devoir être plus que fort. J'allais devoir être un véritable roc. Après quelques instants de panique totale, je parvins à me calmer. Puis, ma voix s'éleva doucement.

-Tu peux entrer.

Ouch. Ma voix était tellement tremblante et brisée que j'en eus des frissons. Je n'osais même pas imaginer l'effet que ma voix pouvait avoir sur Liam. La porte s'ouvrit et ce fut aussi dur que ce à quoi je m'étais attendu. En fait, c'était même pire. En le voyant, en voyant ses doux yeux se poser sur moi avec un regard inquiet, j'eus horriblement mal. Je parvins heureusement à me retenir de fondre en larmes : pour le moment, j'arrivais à être ce roc que je devais être pour épargner Liam au maximum. Je fut même capable d'esquisser un petit sourire et te tendre le bras vers lui. J'ignorais à quoi je ressemblais mais ça ne devait pas être joli vu que j'avais beaucoup pleuré. Que je sois redressé dans le lit contrairement à d'habitude n'y changeait rien. Et puis, quand Liam vit la compresse sur mon bras, je vis son expression changer tout de suite. Ah oui...

-J'ai arraché la perfusion et Mathilda a mis cette compresse à la place. Ce n'est rien.

Non, ce n'était rien. Rien du tout même comparé à ce qui était à venir. Les questions n'allaient pas tarder à fuser, je le savais. Pourquoi avais-je arraché la perfusion, pourquoi avais-je cette tête, pourquoi avais-je pleuré ? Ce genre de choses. Des questions auxquelles j'avais toutes les réponses mais dont j'ignorais la façon de les formuler sans blesser Liam. J'aurais tant voulu lui épargner tout ceci...
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeVen 12 Avr - 22:28

De nouveau les cris, l’angoisse, le sang et la mort. L’explosion de l’église m’avait ramené au temps des bombardements, à la seule différence qu’à présent j’avais une raison de me battre pour vivre tandis que j’avais plus ou moins survécu par hasard aux bombardements. Non, cette fois-ci, je ne pouvais pas me permettre de mourir. Il y avait Sam, les jumeaux, nos rêves de mariage et de famille… Je n’avais pas pu abandonner. Cependant, une question ne cessait de me hanter depuis : et si je n’avais fait qu’accélérer la destruction de mon rêve en voulant à tout prix le protéger ? Car mes tentatives pour sauver Samuel n’avaient qu’empiré les choses. En voulant soulever cette poutre, je savais que j’avais fait beaucoup de mal que de bien, et ce sentiment de culpabilité ne cessait de me poursuivre depuis. Je ne pouvais néanmoins m’apitoyer sur mon sort ou me laisser aller à ce sentiment de culpabilité : d’autres avaient eu beaucoup moins de chance que nous. Beaucoup de personnes avaient perdu la vie dans cette église, je pouvais au moins remercier le ciel de ne pas m’avoir pris Samuel. Alors, même si à cause de moi il se retrouvait à l’infirmerie avec deux jambes brisées, je ne me permettais pas de me laisser aller à ma culpabilité et m’enfermer, comme j’aurais tant voulu le faire, dans une chambre sombre pour me cacher de cette honte terrible. Après tout, ses jambes allaient guérir, et notre rêve pourrait se réaliser. Combien de familles avaient de nouveau été brisées ? Pas la nôtre. Rien que pour cela, je me devais de demeurer fort et supporter ce poids sur ma conscience sans en montrer le moindre signe extérieur. Par respect. Lucy et Lucas avaient également besoin que je sois fort, que je tienne le coup pour eux. Même s’ils n’étaient pas profondément traumatisés par l’explosion de l’église puisqu’ils n’y avaient pas directement assistés, je n’affirmerais cependant pas qu’ils se sentaient parfaitement bien. Ils étaient à présent bien assez grands pour comprendre ce qu’il s’était passé, comprendre que beaucoup de vies avaient été broyées et qu’eux-mêmes avaient failli perdre leurs parents. Le fait que Samuel soit à l’infirmerie depuis plus de deux semaines à présent les touchait bien sûr, et plus particulièrement Lucy qui avait depuis le début été plus proche de Sam que son frère. Il ne se passait pas un jour sans que nous allions lui rendre visite, et à chaque fois, Lucy ne cessait de questionner Mathilda quant à sa sortie.

Quant à moi, j’essayais de passer le plus de temps possible auprès d’eux à la maison sans pour autant pouvoir me libérer totalement. J’aurais voulu pouvoir être plus présent, les rassurer davantage encore par ma présence, mais je ne pouvais décemment pas le faire. Comme tout le monde, j’avais aidé à creuser les sépultures de défins et nettoyer les débris de l’église. Et puis, il y avait tellement de choses pour lesquelles on avait besoin de bras supplémentaires… La vie n’était pas prête à reprendre son cours normal pour le moment, qu’importe que le choc soit encaissé ou non. C’était trop frais, trop douloureux encore. Des blessés mouraient jour après jour, faute de soins. L’infirmerie ayant explosée en même temps que le reste, j’avais cru comprendre que Mathilda et Katarina rencontraient d’énormes difficultés pour maîtriser les maigres réserves restantes. Il nous faudrait sans doute organiser de nouvelles expéditions, peut-être retourner à New York, je n’en savais rien. A cette pensée, je lâchai un bref soupir avant de refermer la porte de la chambre de mon père et me diriger vers la mienne. Mon père, ce grand fugitif qui aurait peut-être pu empêcher tout cela… Malgré tout, je ne pensais pas qu’il ait été au courant de quoi que ce soit. Lorsqu’il apprit ce qu’il s’était passé, il fut tout aussi choqué que nous autre. Et même si je ne m’étais toujours pas résigné à lui poser la moindre question, j’étais sincèrement persuadé qu’il n’avait participé que de loin à ces actions terroristes. Quoi qu’il en soit, mes pensées étaient bien loin de tout cela. La culpabilité probable de mon père ne m’importait pour le moment pas. Je ne pensais qu’à Sam… A sa guérison, son retour à la maison. Il me manquait bien plus que je ne le montrais. J’avais beau le savoir entre de bonnes mains, je ne pouvais m’empêcher de me languir de le voir sur pieds, en pleine santé. De le savoir près de moi de nouveau… Je soupirai une nouvelle fois, et entrai dans ma chambre le cœur lourd, prêt à me coucher encore une fois seul dans ces draps froids.

Ou peut-être pas. J’eus la surprise de trouver la lampe de chevet allumée, ainsi que deux petites têtes blondes couchées dans mon lit, feignant de dormir. Un faible sourire étira mes lèvres tandis que je refermai la porte et m’approchai du lit, glissant une main caressant dans les cheveux de Lucy qui ouvrit timidement un œil. Je m’assis au bord du lit et chuchotai d’une voix pleine de tendresse :

« Qu’est ce que vous faites là, vous deux ? »

Finalement, Lucas se redressa et s’appuya contre les oreillers tandis que sa sœur ouvrait enfin les deux yeux.

« Est-ce qu’on peut dormir avec toi ?... »

Cela arrivait fréquemment depuis l’explosion de l’église. Comme à chaque fois que quelque chose de difficile se produisait, les jumeaux se réfugiaient aussitôt vers moi et ne me quittaient plus. Cela avait toujours été ainsi, et ne changerait sans doute pas de si tôt. Et comme toujours, je ne comptais pas les repousser. Nous avions vécu près de deux ans dans la même chambre, ils étaient habitués à ma présence qui devait les rassurer. J’hochai donc finalement la tête avant de me glisser sous les draps et les serrer contre moi. Ils grandissaient tellement vite… Et pourtant, j’avais toujours l’impression de voir les deux petites têtes blondes de huit ans à peine que j’avais vu pour la première fois il y a trois ans. Je deposai un baiser sur le front de chacun d’entre eux avait de murmurer :

« Demain on se lèvera tôt pour aller voir Sam. Dormez vite pour être en forme. »

Ils me répondirent par un sourire et fermèrent les yeux tandis que j’éteignais la lumière, retenant cette fois-ci le soupir qui aurait voulu s’échapper de mes lèvres. Je n’aimais pas emmener les jumeaux dans la petite maison qui servait maintenant d’infirmerie. Même si je savais que voir Sam leur faisait du bien, tout comme ça lui en faisait à lui aussi, le lieu était franchement glauque et les jumeaux n’avaient pas besoin de voir de nouvelles horreurs. Certes, la plupart des chambres étaient tout le temps fermées, mais depuis quelques temps, les plaintes qui montaient entre les murs de la maison ne pouvaient tromper personne. Il y avait là-bas tellement de gens qui souffraient… tellement de gens qui suppliaient et pleuraient… Samuel faisait réellement partie des plus chanceux. Mais quoi qu’il en soit, je faisais mon possible pour ne pas éterniser les visites des jumeaux. Je refusais qu’ils assistent à quoi que ce soit, qu’ils en entendent encore davantage. Ce n’était de la faute de personne, mais les choses étaient mieux ainsi.

Quoi qu’il en soit, nous allâmes comme promis rendre visite à Sam le lendemain. Lucy lui avait fait plusieurs dessins pendant le petit déjeuner, tandis que Lucas lui avait rapporté une bande dessinée qu’il avait lue et aimée. Cela ferait plaisir à Samuel, j’en étais certain. Il devait s’ennuyer à mourir et se sentir tout aussi oppressé que moi-même là-bas. Mais ce n’était qu’une question de semaines… C’était ce que je me répétais inlassablement à chaque fois que la tristesse et le manque serraient un peu trop fort mon cœur. Cependant, le voir chaque jour m’apaisait déjà, qu’importe qu’il soit dans ce maudit lit ou non. Comme prévu, les dessins et la bande dessinée lui firent plaisir, et je le laissai quelques instants profiter de ce moment avec les jumeaux en me retournant vers le lit situé à l’opposée de la pièce. Ma gorge se serra à la vue de ce corps inanimé depuis plus de deux semaines déjà… Je ne le connaissais pas personnellement, et je devais bien avouer que sa présence me mettait mal à l’aise car elle me faisait me sentir encore davantage coupable de ma chance. Mais je n’avais pas le droit de me plaindre, alors… Finalement, nous quittâmes Samuel après une petite demi heure. Je devais aller voir Aaron immédiatement après pour discuter de certaines choses urgentes. Aussi, je ramenai les jumeaux à la maison où ils restèrent avec mon père, leur racontant ce qu’ils avaient fait avec Samuel et comment il allait. Lui aussi s’inquiétait, me demandant énormément de nouvelles. Je savais qu’il appréciait Sam, tout comme il aimait les jumeaux. Je ne savais pas vraiment s’il les considérait comme ses petits enfants, mais il se comportait en grand père. Un grand père aimait, quoi qu’il ait pu faire ou non auparavant.

La journée ne se déroula pas comme les précédentes. Ce qu’Aaron avait à m’apprendre me laissa sans voix : Ethan et Katarina étaient partis, comme plusieurs autres personnes d’ailleurs. Ils avaient fui. Sans un mot, sans explications. Je savais bien que nous n’étions plus aussi proches qu’autrefois, mais cela n’atténua pas mon impression d’avoir reçu un énorme coup sur la tête. Partis… Je n’en revenais pas. Je comprenais, mais au fond je n’arrivais pas à y croire. Je ne parvenais pas à croire qu’Ethan soit parti alors qu’au dehors tout était si dangereux, peut-être même plus qu’ici. Nous n’étions en sécurité nulle part, après tout. Cependant, là n’était pas l’unique nouvelle qu’Aaron m’apprit. Il m’expliqua également qu’un groupe avait été envoyé le matin même à la recherche de matériel médical sous la direction de Laurence. Je ne savais pas vraiment pourquoi il me disait cela à moi, et étais toujours sous le choc du départ d’Ethan, mais affichait un air soulagé. C’était, après tout, une bonne nouvelle. Il n’empêche que je passai ma journée à repenser à Ethan, laissant totalement de côté le groupe en expédition. Son départ m’inquiétait énormément. Katarina, les enfants… Je ne parvenais pas à croire que cet homme qui aurait tué pour protéger sa famille avait finalement choisi de partir seul dans ce vaste monde fait de cruauté. Certes, les choses nous avaient assez brutalement rappelé que nous n’étions pas davantage en sécurité à Elizabeth Town, mais quand même… Je ne parvenais décidemment pas à y croire.

J’étais toujours plongé dans ces pensées lorsque j’entendis la voix de Mathilda m’appeler au loin. Je me trouvais alors près de l’ancienne église, aidant au déblayage des débris. Cependant, je me stoppai net lorsque je vis le visage de Mathilda : un visage fermé, totalement indéchiffrable. Le genre de visage qu’elle prenait lorsqu’elle avait une mauvaise nouvelle à annoncer. J’eus instantanément l’impression de sentir mon sang se glacer dans mes veines. Que s’était-il passé ? Je n’allais pas tarder à le savoir, Mathilda ne faisait jamais dans le suspens.

« Il faut que tu ailles à l’infirmerie. Maintenant. Samuel veut te voir… »

Sa voix s’éteignit alors, ce qui acheva de me glacer sur place. Il n’allait pas bien… Quelque chose s’était passé, et la gravité de cette chose, bien que je l’ignorais encore, ne me faisait aucun doute. Aussitôt, je couru jusqu’à l’infirmerie, laissant tout en plan. Je ne pris même pas la peine de questionner Mathilda : Je devais y aller, maintenant, sans perdre la moindre seconde. Mon cerveau ne prit même pas le temps de réfléchir à ce qu’il pouvait se passer, non. Tout ce qu’il m’apparaissait, alors que je courais le plus vite possible vers l’infirmerie, était que Samuel avait besoin de moi immédiatement. Je savais du plus profond de moi-même qu’il ne m’avait pas demandé simplement parce qu’il avait envie de me voir. Quelque chose de grave se passait. Lorsque j’arrivai à l’infirmerie, mon cœur battait à tout rompre. Pas parce que je venais de courir, mais bel et bien parce que j’étais terrorisé. J’avais affreusement peur d’une mauvaise nouvelle tout en ignorant absolument sa nature. Il ne s’agissait que de fractures… Les fractures, ça se guérissait. Mathilda me l’avait dit elle-même. Alors quoi ? Je frappai à la porte de la chambre de Samuel le cœur au bord des lèvres, sans doute livide. Et cela ne fit certainement que s’empirer lorsque je l’entendis m’autoriser à entrer d’une voix brisée qui ne laissait rien envisager de bon.

Aussitôt, je m’exécutai et posai mes yeux sur lui, terriblement inquiet. J’aurais voulu lui demander immédiatement ce qui n’allait pas mais ma gorge était bien trop serrée pour cela. Il semblait bouleversé, tout comme je l’étais moi-même sans réellement savoir pourquoi. Je m’approchai doucement, ne parvenant toujours pas à articuler le moindre mot, lorsque je vis une compresse sur son bras à la place de sa perfusion. Mon visage se décomposa sans doute encore un peu plus. Pourquoi n’avait-il plus de morphine ? Lui avait-on retiré ? Mais… Il allait souffrir atrocement ! Etait-ce pour cela qu’il avait voulu que je vienne ? Parce qu’il avait mal ? Les questions ne cessaient de s’enchaîner dans ma tête et pourtant, j’étais incapable de les prononcer à haute voix, bien trop chamboulé pour pouvoir parler. Et la réponse vint finalement d’elle-même, sans même que je la pose : Non, Mathilda ne lui avait pas retiré la perfusion, il se l’était arraché lui-même. Mais pourquoi ? Je fronçai de nouveau les sourcils avant de m’approcher encore plus de lit et lui prendre la main, la serrant sans doute un peu trop fort. Je ne comprenais rien à ce qui était en train de se passer. Je ne comprenais rien à tout cela. J’étais venu le matin même, et tout avait l’air de se dérouler comme d’habitude… Rien ne m’avait laissé penser que Samuel allait faire cela. Je le dévisageai, bouche bée, cherchant mes mots. Mais ma bouche était si sèche que je dû déglutir à de nombreuses reprises avant de pouvoir dire quoi que ce soit.

« Je…Je… Sam, je ne comprends rien. Je ne comprends vraiment rien. Pourquoi est-ce que tu as arraché ta perfusion ? Ne me dis pas que ce n’est rien, que s’est il passé ? »

J’étais totalement pétrifié, serrant toujours sa main dans la mienne plus que de raison. Je secouai alors la tête. Retrouver l’usage de la parole me permit d’extérioriser toute mon angoisse et un flot de question se déversa de ma bouche.

« Qu’est ce qu’il y a ? Pourquoi as-tu arraché cette perfusion ? Samuel, réponds moi ! Qu’est ce qu’il y a ? Tu as mal ? Tu veux que je demande à Mathilda de te remettre sous morphine ? Pourquoi est-ce qu’elle ne t’a pas remis la perfusion au lui d’une compresse ? Tu as paniqué ? Pourquoi ne m’as-tu pas appelé plus tôt ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit ce matin ? Sam, réponds moi, réponds moi ! »
Je t’en supplie, réponds moi.
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeSam 13 Avr - 16:01

J'étais figé par la peur. Littéralement figé. Alors que Liam me tenait la main et que mon autre main faisait toujours pression contre la compresse pour éviter que mon bras ne saigne, j'étais incapable de bouger ou même de battre un cil. Pas le moindre infime mouvement. Rien. J'étais passé par bien des stades aujourd'hui, la stupeur, le déni, la colère, la rancœur, le doute puis la tristesse. Je ne pensais cependant pas arriver à arriver à être à la limite de la catatonie. C'était pourtant le cas. Je voyais Liam sans le voir tant j'étais déconnecté. Les branchements allaient se refaire, il me fallait juste quelques instants. J'avais besoin de ces quelques instants de totale déconnexion avec le monde réel pour tenter de ne pas craquer car, ce que j'étais sur le point d'annoncer à Liam allait changer sa vie à jamais. Notre vie à jamais. Son regard était plus qu'inquiet, il était plein de peur et de détresse, cela voulait donc bien dire que Mathilda avait tenu parole : elle lui avait dit que je souhaitais lui parler mais avait gardé le secret quant à ma santé. Très bien. Je ne sais pas pourquoi je préférais qu'il l'apprenne de ma bouche plutôt que de la sienne. Après tout, elle aurait sans aucun doute trouvé les bons moments pour lui annoncer ça avec calme, distance et surtout, elle aurait réussi à le rassurer. Moi, je n'étais pas du tout certain d'arriver à le rassurer. J'en doutais même très fortement. Quelques instants passèrent avant que Liam ne parvienne à prononcer quelques mots et, comme je m'y attendais, il était dans le flou le plus total et ne comprenait rien à la situation. Comment aurait-il pu y comprendre quelque chose ? Le matin même tout allait bien, enfin, autant que possible étant donné la situation et, à présent, j'avais arraché ma perfusion et je tirais une tête d'enterrement. Pas étonnant qu'il soit complètement largué. Entendre sa voix eut au moins un effet positif : cela me sortit de ma catatonie qui, finalement, ne dura que de très courts instants. Bien trop courts pour que je puisse me préparer, me forger ma carapace et être prêt à lui annoncer la nouvelle avec calme et recul.

Sa main serra encore plus fortement la mienne et j'y posai mon regard un instant avec de relever mon regard vers lui : il était pétrifié de peur à présent. Mon silence ne l'aidait sans doute pas. Quand les questions auxquelles je m'attendais franchirent la barrière de ses lèvres, sa détresse était plus qu'audible : ses paroles transpiraient la peur et la frayeur. Qu'est-ce que j'avais ? Pourquoi avais-je arraché la perfusion ? Est-ce que j'avais mal ? Est-ce que je voulais que Mathilda me remette sous morphine ? Pourquoi est-ce qu'elle ne m'avait pas remis la perfusion plutôt que cette compresse ? Est-ce que j'avais paniqué ? Pourquoi ne l'avais-je pas appelé plus tôt ? Pourquoi ne lui avais-je rien dit le matin ? Pourquoi ? Quoi ? Pourquoi ? Quoi ? Des réponses ! Des réponses ! Des réponses !

-Stop !

C'était trop. Beaucoup trop... Je ne pouvais pas en supporter davantage. Il fallait qu'il arrête de me bombarder de questions comme ça. J'avais les réponses. Je les avais toutes mais j'avais besoin de réussir à les formuler et pour ça, il fallait absolument qu'il se taise. Ce qu'il fit. En même temps, mon « stop » ne pouvait que l'inciter à se taire. Rien qu'à travers ce mot, je savais qu'il avait compris ma détresse, mon besoin de souffler pour mieux pouvoir lui parler. Après quelques instants, je parvins à ouvrir la bouche mais seulement pour mieux la refermer. Ce manège se déroula plusieurs fois. Quelques « je » quasi inaudibles parvinrent à sortirent de ma bouche mais rien de plus. L'ouvrir et la fermer, voilà tout ce dont j'étais capable sur le moment. Je n'arrivais pas à trouver les mots. Cela dura un petit moment, trop sans doute car plus le temps passait, et plus le visage de Liam se décomposait face à mon incapacité à lui expliquer la situation. Au bout d'un moment, son regard rempli de terreur termina de m'achever et de m'empêcher de parler. A la place, je me mis à pleurer et ce ne fut pas de petites larmes, oh non... Ce fut un véritable flot de sanglots qui se déversa sur mes joues. Je finis même par craquer complètement et par détourner le visage, incapable de me retenir, incapable de pleurer en silence. Si mon compagnon de chambre n'avait pas été dans le coma, je l'aurais réveillé tant je gémissais de tristesse à travers mes pleurs. Je savais que ça allait encore plus inquiéter Liam mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Cela lui parût sans doute interminable, mais pas plus qu'à moi.

Quand je finis par me calmer, j'aurais été incapable de dire combien de temps s'était écoulé : des secondes, des minutes, des heures ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je finis par retourner mon visage rempli de larmes vers Liam et son expression horrifiée me fis réagir instantanément.

-Ça va. Je vais bien. Ne t'en fais pas.

Au moins, j'avais retrouvé l'usage de la parole. Il avait été sans aucun doute nécessaire que je laisse tout sortir pour pouvoir finalement lui parler.

-Tu me passes un mouchoir s'il te plaît ?

Il ne bougea pas tout de suite, trop choqué par ma crise de larmes et c'est de sa main libre plutôt tremblante qu'il finit par me tendre un mouchoir en papier qu'il avait attrapé sur la table de chevet. Je me mouchai et essuyai mon visage avant de laisser tomber le mouchoir par terre. Je soupirai et relevai à nouveau mon regard vers Liam. J'ouvris la bouche mais encore une fois, rien n'en sortit. Enfin, presque rien...

-Je... J'ai...

Non, ça suffisait comme ça ! Je devais me reprendre. Je ne pouvais pas continuer comme ça et laisser Liam s'imaginer le pire même si ce que j'étais sur le point de lui avouer n'était pas une partie de plaisir. Il avait posé tant de questions que j'avais un peu de mal à choisir à laquelle répondre en premier : quel chemin prendre pour finalement lui avouer l'horrible vérité ? Il fallait que je me décide. Maintenant.

-J'ai arraché la perfusion parce qu'elle ne me servait plus à rien et c'est aussi pour ça que Mathilda ne me l'a pas remis. Pour la compresse... Je ne lui ai pas laissé le temps de me mettre un pansement en fait, c'est de ma faute.

Sauf que ça, ça ne répondait qu'en toute petite partie aux questions que Liam se posait. Je devais donc continuer même si ça allait grandement se compliquer, pour moi, comme pour lui.

-Il ne faut pas t'inquiéter, ajoutai-je rapidement. Même sans morphine, je n'ai pas mal du tout. En fait...

Oh bon sang.

-Je ne sens rien du tout.

Un silence. Liam fronça les sourcils, ne comprenant sans doute pas où je voulais en venir. Il faut dire que cette phrase ne criait pas « je suis paralysé ». Mes doigts se resserrèrent autour des siens.

-Je ne sens plus rien du tout. Rien.

Et j'insistai bien sur le rien, avant de poursuivre.

-Il ne faut pas que tu paniques, d'accord ?

Plus facile à dire qu'à faire, pour sûr, mais je préférais commencer par là avant de lâcher la bombe une bonne fois pour toutes.

-Quand ils ont diminué les doses de morphine, ils ont diminué ma dose sans me le dire et, quand Mathilda s'est rendue compte que même sans morphine je n'avais pas mal et ne ressentais rien, elle a compris.

Quoi exactement ? Allez Samuel. C'est pourtant pas si compliqué... Si ?...

-Elle ne peut pas en être certaine parce qu'on ne peut pas faire de radios ni rien, mais elle est presque certaine que j'ai la moelle épinière brisée. Je ne marcherai plus jamais. Mais ça va aller, m'empressai-je d'ajouter avant de baisser les yeux, incapable d'affronter le regard de Liam. Ça va aller. Après tout, c'est pas si terrible. Je risque de sortir d'ici plus vite en plus alors, c'est... Tant mieux... C'est...

Mais à qui allais-je faire avaler ça ? Surtout pas à Liam. Bien sûr que c'était grave, bien sûr que c'était terrible. Paralysé... J'étais paralysé... Les larmes me revinrent aux yeux et je me laissai tomber légèrement en avant pour coller mon front contre le torse de Liam. Tout avait changé. Rien ne serait plus jamais comme avant et, alors que j'avais la tête baissée, que je me sentais mal, ce à quoi j'avais pensé un peu avant la venue de Liam me revint en tête : qu'allais-je pouvoir lui apporter ? Qu'allais-je pouvoir apporter aux jumeaux ? Rien. Rien du tout, au contraire. Alors, ce fut plus fort que moi : mes craintes prirent la forme de mots que je ne pus m'empêcher de murmurer à Liam, la voix non pas tremblante mais fatalement résignée.

-Je suis désolé... Je comprendrais si tu... Je veux dire... Je ne pourrai pas m'occuper des jumeaux... Je ne pourrai plus être comme avant... Je vais être un poids pour vous.

Ce n'était sans doute pas ce que Liam avait besoin d'entendre mais je n'étais absolument pas capable de me montrer fort. J'avais fini par lui dire la vérité : ma vie n'était pas en danger, il pouvait souffler, de ce point de vue là en tout cas parce que, pour le reste... Bien sûr qu'il allait s'inquiéter mais, comme je l'avais craint, je n'étais pas capable de lui dire que tout allait bien se passer. Je n'étais pas capable de le réconforter ni de lui dire qu'il n'avait rien à se reprocher. En fait, sur le moment, je ne pensais même plus à la culpabilité qui le rongeait probablement. Je ne pensais qu'au fait que j'allais être un poids pour eux et qu'il serait peut-être -sans doute- mieux pour eux trois que nous en restions là...
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeJeu 18 Avr - 22:36

Je sentais la terreur se propager dans mon corps à la manière d’un poison. La panique que je ressentais était telle que j’en éprouvais du mal à respirer, comme si mes poumons avaient été recouverts d’une épaisse chape de plomb. J’attendais les réponses à mes multiples questions avec avidité, avec impatience. J’aurais tellement voulu pouvoir remonter le temps de ne serait-ce que quelques minutes et prendre la peine d’interroger Mathilda lorsqu’elle était venue me chercher… Cela m’aurait sans doute permit de me préparer mentalement au choc que j’allais très certainement subir dans quelques secondes. Malheureusement, je n’y avais même pas songé. Aussitôt avais-je vu Mathilda, aussitôt avais-je voulu être auprès de Sam. Je n’avais pas cherché beaucoup plus loin que cela sur le moment. Et à présent je suffoquais dans l’attente d’obtenir enfin les réponses à mes trop nombreuses questions. Alors que cet état de panique se propageait d’ores et déjà en moi, je ne pu m’empêcher de sursauter lorsque Sam lâcha un très bref « stop » qui me glaça encore davantage. Certes sa voix n’avait pas été dure, mais tellement sèche… Il n’était pas dans ses habitudes de me parler de cette manière, bien au contraire. Lui qui prenait toujours tellement de gants lorsqu’il s’adressait à moi… Lui qui veillait toujours à ne pas m’heurter ni me brusquer… Ce soudain changement d’habitude confirma mon idée première : Quelque chose de grave devait se passer. Mais quoi ? Pourquoi n’en venions nous pas au fait au lieu de tourner inutilement autour du pot ? J’aurais pu attendre cette réponse depuis un million d’années que cela ne m’aurait pas paru plus long que ce que j’endurais en ce moment. C’était absolument terrible, horriblement frustrant et effrayant.

Le silence s’imposa alors, sans que je ne fasse quoi que ce soit pour le briser. Mes yeux ne pouvaient se détacher de Samuel, et je voyais assez clairement à quel point il était perturbé pour le bombarder une nouvelle fois de questions. Certes, je ne l’aidais pas beaucoup de cette manière, mais en même temps, qu’aurais-je pu faire ? Je n’étais absolument pas au fait de ce qu’il se passait, quel aurait dû être mon comportement en cet instant ? Me taire, voilà ce qu’il me restait de mieux à faire. Sam semblait avoir besoin de temps pour rassembler ses idées et me parler, alors j’allais lui laisser ce temps, qu’importe si l’attente me donnait l’impression d’être écartelé sur place. Je pris donc mon mal en patience, ne bronchant pas alors qu’il tentait et retentait de formuler des phrases qui se bornaient à un sujet sans suite. Comme il était difficile pour moi que de rester là sans rien dire… Certes, je désirais réellement lui laisser le temps dont il avait besoin, mais bon sang, je ressentais si puissamment l’envie de le saisir par les épaules et le secouer comme un pommier pour qu’il en arrive enfin aux faits ! J’avais l’impression de me liquéfier lentement sur place, à le regarder de cette manière, à attendre de cette manière. Pourtant, je voyais bien qu’il essayait, qu’il tentait de toutes ses forces de me dire ce qui lui brulait certainement la gorge mais les mots ne sortaient pas. Sa bouche s’ouvrait et se refermait aussitôt, à mon plus grand désarroi. J’avais toujours l’espoir que cette fois ci soit pour la bonne, qu’il allait enfin réussir, mais étais un peu plus déçu à chaque fois.

Combien de temps cela dura ? Une éternité à mes yeux, bien qu’en réalité seulement quelques secondes durent s’écouler. Mais si rien que ces quelques minutes me parurent si longues, comment aurais-je pu supporter la suite ? Car, bien loin de parvenir à se ressaisir, Samuel se mit soudainement à pleurer. Pleurer comme un enfant ayant peur de l’orage aurait pu le faire… Cette fois-ci, je ressentis comme une puissante rafale de vent froid s’abattre sur moi. Quoi que ce soit cette chose qu’il ne parvenait pas à m’avouer, elle devait être mille fois plus grave que ce que je n’aurais pu me l’imaginer. Je savais que Samuel était émotif, oui, mais pas du genre à s’effondrer comme un enfant en une seconde sans me donner la moindre explication. Au contraire, de nous deux il avait toujours été celui qui parvenait à parler avec le plus de facilité, à avouer ses sentiments les plus profonds sans baisser les yeux… Il avait toujours été le plus courageux. Et pour qu’il perdre à ce point cette confiance, cette force, c’est que quelque chose d’horrible allait se passer, ou venait de se passer, je n’en savais strictement rien. Dans mon esprit, les plus folles théories, les plus atroces également, se faisaient places les unes à la suite des autres. Ses fractures étaient irréversibles. Il était malade. Mathilda lui avait trouvé un cancer. Il allait mourir. Des choses toutes plus horribles les unes que les autres, et qui m’empêchaient totalement d’effectuer le moindre geste vers lui. J’aurais voulu le prendre dans mes bras, le serrer contre moi et le rassurer, mais je n’en avais tout simplement pas la force. Imaginer toutes ces choses venait d’anéantir le moindre reste de force qui pouvait encore se trouver en moi. Alors, incapable du moindre geste, je me contentais de me sentir lentement défaillir tout en l’observant pleurer toutes les larmes de son cœur, mon cœur s’arrachant un plus peu plus chaque seconde passée.

Peu à peu, Samuel arriva à se calmer mais mon corps ne se remit pas pour autant à fonctionner normalement. Je me sentais comme paralysé, comme une statue de pierre tant mon cœur s’était brutalement refroidi. J’aurais tellement voulu être plus fort, être plus solide… Mais je ne l’étais pas, et voir l’homme que j’aimais plus que tout homme, l’homme que je voulais épouser dans un tel état me terrifiait et me faisait souffrir à tel point que j’en sentais mes jambes trembler, prêtes à céder. Il se passa encore quelques secondes avant que Sam ne se tourne vers moi, les yeux rougis, et me parla enfin. Mais pour prononcer quels mots ? Des mots qui puaient le mensonge… Je ne comprenais pas. Je ne comprenais vraiment pas comment il pouvait se tourner vers moi et m’annoncer qu’il allait bien après cette crise de larmes qui venait de souffler toute humanité en moi. Non il n’allait pas bien, et bien sûr que je m’inquiétais, comment aurait-il pu en être autrement ? Comment étais-je donc censé réagir ? Seigneur, j’étais dans un était de panique proche de l’évanouissement et il osait me dire qu’il fallait que je me rassure. J’en aurais hurlé si j’avais eu assez de force pour cela. Cependant, je ne pu que rester tout aussi figé et silencieux. Une statue, une véritable statue, voilà ce à quoi je devais ressembler. Et c’est avec un effort énorme que je parvins à tendre la main vers une boite de mouchoir sur la table de chevet lorsqu’il m’en réclama un. Bouger, après toutes ces minutes d’une immobilité parfaite, me donna l’impression que chacun de mes muscles se mirent très soudainement à brûler dans mes bras, à se consumer de ne s’être plus déplacés depuis des siècles. Pourtant, je finis par lui tendre ce mouchoir, l’observant une fois de plus sans un mot tandis qu’il se bouchait et semblait reprendre contenance. Bien, mais malheureusement, de mon côté, je me sentais toujours aussi vide qu’auparavant. J’avais l’impression d’assister à une scène d’une autre dimension, de ne pas avoir loupé qu’un épisode, mais une saison entière. Cela ne s’arrangea pas lorsqu’il soupira puis recommença à enchaîner des « je » qui n’aboutissaient à rien.

Puis, tout à coup, alors que je ne les attendais presque plus, les premières réponses tombèrent. Je ne les compris cependant pas beaucoup plus que tout le reste. Pourquoi ne lui aurait plus servit à rien la perfusion ? Il avait besoin de morphine ! Ses jambes, son bassin étaient brisés. Qui aurait pu supporter une telle douleur sans broncher ? Si Mathilda lui avait mis, c’était bien pour une raison. Mais Mathilda n’avait pas jugé utile de lui remettre après… Soudainement, une folle lueur d’espoir s’insinua en moi : était-il guérit ? Etait-ce pour cela qu’il ne nécessitait plus le secours de la morphine ? Malheureusement, sa précédente crise de larmes ne m’encourageait pas à continuer sur la voie de l’espoir, bien que Sam me répéta de ne pas m’inquiéter. Qu’il n’avait pas mal du tout. Et si… ? Et s’il était véritablement guéris ?... Je ne voyais plus aucune autre réponse. Après tout, qu’il ne ressente plus aucune douleur n’était pas une mauvaise nouvelle, bien au contraire ! J’aurais voulu sourire, mais à peine cette réflexion se fit-elle une place dans mon esprit qu’une nouvelle remarque tomba, comme un coup de pied dans un nid de fourmis. « Je ne ressens rien du tout ». Il n’y avait rien de rassurant là-dedans. Ce n’était pas le genre de phrase qui signifie « je suis guéris, rentrons chez nous. » Au contraire, elle sonna à mes oreilles comme terriblement inquiétante. Je ne pu m’empêcher de froncer les sourcils, plus aucun sourire ne souhaitant étirer mes lèvres. Je ne savais pas exactement pourquoi, mais j’avais la douloureuse impression d’avoir entendu au-delà de cette simple phrase un signal d’alarme hurlant. Il prévenait du danger à venir, danger dont je ne pourrai malheureusement pas me protéger.

Ses doigts se resserrèrent sur les miens tandis que je fronçais toujours les sourcils, cherchant désespérément à comprendre. Je sentais qu’il me fallait lire entre les lignes, mais n’y parvenais pas. J’avais l’impression de réfléchir à cent à l’heure et de foncer droit dans un mur contre lequel j’allais me percuter avec fracas. Oui, je sentais bel et bien le danger sans parvenir pour autant à déterminer d’où il provenait, et cette sensation s’accentua encore davantage lorsque Sam reprit en insistant bien sur le fait qu’il ne ressentait « plus rien du tout ». Pour autant, je ne paniquais plus, non : mon esprit était bien trop occupé à trouver la source de ce danger pour en avoir réellement peur. Je voulais surtout comprendre, toute l’angoisse que j’avais pu ressentir auparavant s’était, temporairement, évaporée. Sourcils toujours froncés, j’écoutai avec une attention extrême ce qu’il me dit immédiatement après. Ils avaient fini par réduire les doses de morphine, et Mathilda s’était rendue compte que Samuel ne ressentait plus aucune douleur… C’était comme si mon esprit faisait un blocage complet sur la signification de ces paroles. J’aurais pu comprendre, à ce moment là, où il voulait en venir. J’aurais pu comprendre ce que cela signifiait. Mais le blocage ne se défit pas de lui-même. Ce fut Samuel qui le fit sauter, à l’aide de quelques simples petits mots, quelques mots pour lesquels j’avais tant attendu : « moelle épinière brisée ».

Ce fut pour moi comme si le poids du monde entier m’était tombé sur les épaules. Un poids colossal, écrasant, terrassant. A partir de là, je fus incapable de continuer à écouter Samuel. Je le voyais, l’entendais, mais ni ne l’écoutais ni ne le regardais. Je venais de perdre totalement pieds de la réalité. Je comprenais ce que cela signifiait, j’entrevoyais ce que cela entrainait. Comme si je venais d’être bombardé de milliers d’images d’infirmes incapables de se servir de leurs jambes à nouveau. Mais cela ne pouvait pas nous arriver à nous, pas maintenant, pas alors que nous étions si proches du bonheur. Pas après tout ce que nous avions déjà traversé. Et surtout pas à lui. Mon cœur loupa sans doute quelques battements et lorsque je repris réellement conscience de ce qu’il se passait, Sam venait de se pencher vers moi pour poser sa tête contre mon torse. Ma bouche était sèche, ma gorge serrée. J’aurais voulu dire ou faire quelque chose, mais le choc m’en empêchait. Et puis, très soudainement, quelque chose se débloqua tout au fond de moi.
-Je suis désolé... Je comprendrais si tu... Je veux dire... Je ne pourrai pas m'occuper des jumeaux... Je ne pourrai plus être comme avant... Je vais être un poids pour vous.

Les larmes me montèrent aux yeux mais je tentai de toutes mes forces de ne pas les laisser couler. Désormais, je n’avais plus le droit de pleurer. Voici l’évidence qui venait de s’imposer dans mon esprit : je n’avais plus le droit d’être faible, d’être lâche, d’être fragile. Les rôles venaient de s’inverser. Toute la détresse de Sam, je la ressentais en cet instant plus qu’à n’importe quel autre et très rapidement, je glissai mes bras autour de lui, le serrant contre mon torse, regardant le plafond pour ne pas laisser couler mes larmes. J’aurais voulu m’effondrer par terre et pleurer jusqu’au lendemain tant je souffrais pour lui, mais je ne le fis pas. Toute ma souffrance, j’allais la garder pour moi, parce que même si j’étais à la fois désespéré, malheureux à en crever et terriblement effrayé par l’avenir, je sentais qu’il l’était bien plus que moi. Et c’était mon rôle de le rassurer maintenant, mon rôle de le protéger et de l’aider. Qu’importe ma propre détresse. Cependant, je fus encore incapable de prononcer le moindre mot durant un certain moment, serrant les dents de toutes mes forces pour ne pas hurler. Le monde venait de s’effondrer mais je devais rattraper Samuel, je devais en être capable. Je le serrai de plus en plus fort contre moi, le berçant doucement alors que, hors de son regard, mon visage exprimait toujours cette même souffrance. J’avais besoin de quelques minutes, seulement quelques minutes pour endosser ce rôle pour lequel je n’étais absolument pas fait, mais qui allait devenir mon quotidien à partir de maintenant. Alors, lorsque je fus prêt, lorsque je fus sûr que mes larmes n’allaient pas couler et que ma voix ne tremblerait pas, je finis par prendre la parole, le gardant cependant toujours contre moi et caressant doucement ses cheveux.

« Je ne t’abandonnerai pas… Je serai là. Je serai toujours là. N’aies pas peur de ça… J’ai promis de t’aimer quoi qu’il arrive, et je t’aime tellement Sam… Je ne te laisserai jamais… Jamais. »

Je fermai brièvement les yeux avant de me pencher et déposer un baiser dans ses cheveux. Il fallait que je le rassure, tant par mes mots que par mes gestes. Il fallait que je parvienne à être suffisamment fort pour apaiser toute sa détresse.

« Je ne peux pas vivre sans toi Samuel. Je ne veux même pas essayer. Je sais déjà qu’on est faits pour être réunis, qu’on est faits l’un pour l’autre et ça, ça ne changera jamais. Tu m’entends ? Jamais. Quoi qu’il arrive, je ne te laisse pas. »

Ma voix n’avait pas tremblé. Je le pensais du plus profond de mon être : Non, je ne laisserai jamais. Et si quelques minutes auparavant j’avais subi le choc de plein fouet, je commençais à lentement voir les choses en face. Bien évidemment, je ne pouvais pas relativiser les choses, je n’étais pas encore capable de me dire que je devais remercier le ciel pour ne pas me l’avoir prit lorsqu’il l’aurait pu, ne n’avoir prit que ses jambes au lieu de sa vie. Non, ça, c’était bien au dessus de mes forces pour l’instant. Pour l’instant je ne pouvais que ressentir la douleur toujours aussi cuisante de cette nouvelle, mais le rassurer en lui répétant que je serai toujours là pour lui me paraissait bien plus important que ma propre souffrance. Tellement important que je parvenais à lentement me calmer et refouler complètement mes larmes. Alors, je fus capable de l’éloigner légèrement de moi pour venir m’asseoir près de lui et le regarder dans les yeux. A ma plus grande surprise, je parvins même à esquisser un sourire rassurant et lui reprendre la main, la serrant doucement : J’étais là. J’étais suffisamment fort pour supporter tout cela. Voilà ce que je voulais absolument lui montrer.

« Tu es mon âme sœur, mon époux, l’homme de ma vie… Je mourrais plutôt que de t’abandonner. Rappelle-toi Sam… Rappelle toi tout ce qu’on a traversé… On traversera ça aussi… »

J’aurais tellement voulu continuer à être fort, continuer à dire les mots qu’il avait sans doute désespérément besoin d’entendre, mais je ne pu m’empêcher de me souvenir brutalement de la cause de tout cela. La cause de son malheur, de ses souffrances, c’était moi. C’était moi qui avais lâché cette poutre. C’était moi qui l’avais brisé. Et alors que ces images défilaient sous mes yeux, toute la confiance que j’avais réussie à gagner me déserta soudainement. J’étais la cause de tout cela. Les larmes me remontèrent aux yeux aussitôt et, très rapidement, je le pris de nouveau dans mes bras en le serrant un peu plus fort que précédemment. Cette fois, je ne serai pas capable de les retenir, je ne pourrai pas être la personne sur laquelle il allait pouvoir s’appuyer. Pour autant, je ne voulais pas qu’il voie ces larmes, ces preuves de ma culpabilité. Il n’avait pas besoin de ça, non… Il avait besoin de moi, mais comment prétendre que tout irait bien tout en étant conscient que s’il souffrait autant, c’était à cause de moi ? Quel genre de monstre aurais-je été si j’avais continué d’afficher ce sourire rassurant alors que dans le même temps ma conscience se déchirait, se consumait d’une manière horriblement violente ? Alors, même si je souhaitais ardemment le rassurer, même si je voulais plus que tout qu’il sente que j’allais être là pour le soutenir, je ne pu m’empêcher de laisser les larmes couler tandis que je le serrais de toutes mes forces contre moi. Et les mots sortirent d’eux-mêmes, sans que je n’aie réellement décidé de les prononcer.

« Je suis tellement désolé… Je suis désolé… Pardon, pardon… Je ne voulais pas… Pardonne moi d’avoir fait ça… »

Je pouvais essayer tant que je le voulais de me montrer courageux et fort à ses yeux, je ne l’étais pas pour autant. Je ne pouvais, en tout cas, pas l’être face au poids de ma culpabilité. Nous savions tous les deux que c’était sans doute cette poutre qui avait causé tout ça, et cette poutre, je l’avais moi-même lâché sur lui. Je l’avais fait. Au lieu de le sauver, j’étais la personne qui avait jeté les dés de son destin pour finalement l’enchaîner à un fauteuil roulant. J’étais cette personne là.

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Samuel Brimstone
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MessageSujet: Re: Let the Skyfall [Samuel B.]   Let the Skyfall [Samuel B.] Icon_minitimeSam 20 Avr - 14:26

Je ne pouvais pas garder mes doutes pour moi : c'était tout simplement au dessus de mes forces. Et surtout, surtout, je ne voulais pas être dans le flou, être dans l'attente, dans le questionnement : soit il restait à mes côtés, soit il me quittait, mais je voulais que la décision soit prise maintenant. Tout de suite. Si je devais m'habituer à vivre sans lui, je devais le savoir vite pour pouvoir y arriver. Y arriverais-je seulement ? Non... Il ne faut pas se mentir, ça ne sert à rien : si Liam décidait de ne pas continuer sa vie avec moi, ce qui pouvait être compréhensible, je ne poursuivrais sans doute pas cette existence déjà bien trop difficile. Sans lui, ma vie n'avait aucun sens, donc... La suite serait très vite décidée et achevée et, cette fois-ci, je ne me louperais pas. Comment y parvenir cependant puisque j'étais handicapé ? C'était là tout le problème : se suicider était une chose, le faire quand on est invalide en était une toute autre. J'allais devoir faire preuve d'imagination et de persévérance pour y arriver si jamais je devais en venir à cette solution. Et c'est à cela que je réfléchissais alors que j'avais la tête toujours posée contre le torse de Liam. Il me faudrait être patient, attendre de sortir d'ici et ensuite, j'allais devoir trouver de quoi en finir tout en étant certain de ne pas en revenir cette fois-ci. Le long silence qui était en train de s'installer ne faisait que me conforter dans l'idée que j'allais en terminer. Pourquoi ? Mais parce que j'avais moi-même été bien silencieux avant de finir par tout lui avouer et si mon silence avait été le calme avant la tempête, je craignais et était même presque certain qu'il en serait de même quand Liam prendrait la parole et comment en aurait-il pu être autrement ? Il avait deux enfants à s'occuper, il n'avait pas besoin d'un poids en plus auquel il devrait faire attention au quotidien car, même si j'allais me débrouiller seul pour certaines choses, il y en aurait d'autres pour lesquelles j'aurais forcément besoin d'aide et Liam ne pouvait pas se permettre de s'encombrer comme ça.

C'était juste impossible à faire.

Alors, quand Liam se mit à me caresser doucement les cheveux, je frémis non pas de plaisir mais bien de peur : j'étais préparé à ce que j'allais entendre mais ça n'allait pas en être moins douloureux, au contraire. Cependant, les mots qui sortirent de la bouche de Liam ne furent pas ceux auxquels je m'étais attendu et pendant un instant, je restai immobile, les yeux à présent écarquillés, n'en revenant pas de ce que j'étais en train d'entendre. Je devais être en train de rêver, ça ne pouvait pas se produire. Il ne pouvait pas me promettre de telles choses, il ne pouvait pas... Et pourtant, il le fit. Il me fit la promesse qu'il ne m'abandonnerait jamais, qu'il serait toujours là et que je ne devais surtout pas avoir peur de ça. Les mains tremblantes, je passai mes bras autour de lui, gardant cependant pour le moment la tête résolument baissée. Il m'aimait quoi qu'il puisse arriver. « Je ne te laisserai jamais... Jamais. » Ce mot résonna en écho dans ma tête jusqu'à ce qu'il se fasse définitivement une place dans mon esprit. Alors que je m'étais préparé au pire, alors que j'étais en train d'imaginer de quelle façon j'allais pouvoir mettre fin à mes jours, Liam avait décidé de m'offrir la vie, une vie à ses côtés, et quand il déposa délicatement un baiser dans mes cheveux, les larmes me montèrent de nouveau aux yeux et je les fermai, restant tout contre lui, en l'écoutant me rassurer. Je n'allais pas le perdre... Notre vie allait être différente, plus difficile, mais je n'allais pas le perdre. Il voulait de moi, même en chaise roulante, il voulait de moi. Nous étions faits l'un pour l'autre et rien, pas même une moelle épinière brisée ne pouvait se mettre entre nous. Dire que rien n'aurait pu me faire plus plaisir serait un mensonge car ce qui m'aurait fait le plus plaisir aurait été de récupérer l'usage de mes jambes mais ce n'était pas au programme et je devais l'accepter : point. Mais comme cette acceptation serait plus facile si j'avais Liam à mes côtés pour me soutenir, comme cette acceptation serait plus douce si malgré cela j'avais le droit de garder Liam auprès de moi, si j'avais le droit de vivre avec les jumeaux et aspirer à une vie la plus normale possible. Si j'avais le droit à ça, alors le reste... Le reste serait compliqué, difficile avec des hauts et surtout des bas à n'en pas douter, mais j'y arriverais. Non : nous y arriverions. Ensemble.

Alors que je commençais à véritablement ressentir le soulagement de tout ce que Liam venait de me dire, je le sentis bouger et s'éloigner doucement de moi. Je retirai alors mes bras et le laissai s'asseoir à côté de moi avant de plonger mon regard dans le sien. Quand je vis Liam esquisser un sourire rassurant, mes lèvres s'étirèrent doucement à leur tour. J'avais beau avoir peur de la suite, être profondément écœuré par ce qui m'arrivait, je me sentais en sécurité et bien auprès de Liam. Il avait un effet incroyablement apaisant que je ne lui connaissais pas. Oh, il avait déjà dû me calmer quand je piquais mes crises de colère mais là, c'était différent. Il ne s'agissait pas de me calmer, il s'agissait de me rassurer et je l'étais complètement : j'avais confiance en lui et maintenant qu'il m'avait juré qu'il ne m'abandonnerait jamais, je pouvais me concentrer sur le reste, autrement dit, essayer d'aller mieux. En tout cas, autant que possible. Il prit doucement ma main dans la sienne et je la serrai peut-être un peu fort mais je voulais sentir, ressentir... Puisque le bas de mon corps serait à présent inerte, j'allais utiliser tout le reste de façon à ressentir le plus de choses possibles. Mon autre main vint se poser sur la main de Liam et caressa doucement sa peau quand il continua à me donner les mots que j'attendais, les mots que j'espérais, les mots dont j'avais besoin. D'ailleurs, mon sourire n'en fut plus que large. Et dire que j'avais cru ne plus être capable de sourire de cette façon, Liam parvenait à accomplir ce miracle. Mais comment ne pas sourire en l'entendant me répéter que j'étais son âme sœur, son époux et l'homme de sa vie ? Comment ne pas sourire en l'entendant me dire qu'après tout ce que nous avions traversé, nous pouvions traverser ça également. Je hochai tout doucement la tête, me mettant à y croire autant que lui y croyait. Parce qu'il y croyait, non ? Il y croyait... Alors, pourquoi ?

Pourquoi son visage venait-il de se fermer ?
Pourquoi tout sourire venait-il de le déserter ?
Pourquoi son regard avait-il perdu la lueur qui jusque là l'avait animé ?
Pourquoi ce même regard brillait-il de larmes naissantes ?
Pourquoi ?

Mon sourire disparut brutalement et je sentis mon cœur se serrer : avait-il changé d'avis ? En me disant tout cela, s'était-il rendu compte qu'en fait, il m'en promettait trop et qu'il ne s'en sentait finalement pas capable ? La détresse avec laquelle il me prit dans ses bras ne me rassura pas bien au contraire. Je fus tellement envahi par la peur et ma propre détresse que je fus incapable d'esquisser le moindre geste vers lui : rien. Mes bras restèrent inertes sur le lit, mon visage ne bougea plus et mes yeux se fixèrent sur le mur droit devant moi. Il pleurait... Il pleurait tellement à présent... En fait, la réaction qu'il avait enfin était ce à quoi je m'étais attendu. Je n'avais pas pensé à de la douceur, à des mots rassurants, j'avais pensé à des larmes, à de la peur, et c'était ce que j'avais à présent. Voilà qui, mine de rien, collait bien plus à la situation. Il avait sans doute réellement pensé tout ce qu'il avait dit, jusqu'à ce qu'il sorte de sa bulle et se rende compte qu'il ne pouvait pas tenir sa promesse : pas celle-ci. J'aurais au moins eu le plaisir d'y croire pendant quelques instants : c'était mieux que rien, non ? Il resserra son étreinte contre moi et je soupirai, attendant que la sentence tombe car ce n'était ni plus ni moins qu'une sentence pour moi : ma propre mise à mort. Je ne pouvais cependant rien faire d'autre que de l'attendre et l'accepter. « Je suis tellement désolé... Je suis désolé... » Moi aussi. Moi aussi je l'étais. « Pardon, pardon... » Je ne pouvais pas lui en vouloir puisqu'il pensait avant tout aux jumeaux et c'était normal. C'était dans l'ordre des choses. « Je ne voulais pas... Pardonne moi d'avoir fait ça... » Je fronçai les sourcils, m'arrêtant sur le temps qu'il avait employé. Pourquoi avait-il parlé au passé ? Pourquoi s'excuser de m'avoir quitté alors qu'il ne l'avait pas encore fait ? Non... Il ne s'excusait pas pour ça. Il n'avait donc pas changé d'avis. Malheureusement, l'état dans lequel il était ne me permettait pas de me réjouir de cette nouvelle. Je cherchais à comprendre : pourquoi s'excusait-il ? Et, soudain, la réponse me frappa de plein fouet. « Pardonne moi d'avoir ça... » Oh... « ça »...

La poutre.

Rien que d'y penser, mes poils se hérissèrent sur mes bras. Je me souvenais très bien de ce moment où j'avais été brièvement soulagé quand il avait soulevé la poutre avant de la relâcher et qu'elle ne m'écrase. Je me souvenais de la douleur même si je n'avais à présent plus mal. Oh oui, je m'en souvenais et je m'en souviendrais toujours. Mon fauteuil roulant me rappellerait ce qu'il s'était passé durant le restant de mes jours. Il le rappellerait également à Liam : c'était lui qui avait soulevé la poutre, lui qui l'avait laissée retomber, donc, lui qui était responsable de mon handicap. Responsable... Non. Non, je n'arrivais à penser de cette façon. Sur le moment, quand Mathilda m'avait annoncé l'horrible nouvelle, j'en avais voulu à Liam. Je lui en avais tellement voulu que ma haine m'avait poussé à demander à Mathilda de l'empêcher de venir. Cependant, ma haine avait vite disparu non pas parce que je l'aimais trop pour lui vouloir -même si je l'aimais plus que de raison- mais parce qu'il n'était pas responsable. Il avait voulu me sauver la vie et cela s'était mal passé. Cela aurait pu être lui ou un autre : le résultat aurait été le même. Alors oui, ses mains avaient lâché cette poutre mais je ne pouvais pas le tenir pour responsable de mon état. Ça aurait été injuste. Alors, doucement, mes bras se soulevèrent pour venir l'entourer et le serrer fort contre moi. Je ne voulais pas qu'il se fasse du mal comme ça, j'aurais été incapable de le supporter.

-Chut... murmurai-je tout bas à son oreille. S'il te plaît, il faut que tu te calmes...

Sauf qu'il ne se calmait pas, qu'il s'accrochait plus que jamais à moi, ses sanglots étant de plus en plus intenses.

-Chut... répétai-je une seconde fois avant de lui caresser les cheveux avec tendresse. Les rôles venait de s'inverser : ce n'était plus à lui de me rassurer sur notre futur mais à moi de le rassurer sur son rôle dans cette histoire. Liam, tu dois te calmer et m'écouter. Tu peux faire ça ?

J'attendis quelques instants et quand je perçus un légèrement hochement de la tête, je me reculai légèrement, juste assez pour pouvoir le regarder dans les yeux sans pour autant le forcer à me lâcher complètement. Ses bras étaient toujours autour de ma taille quand je glissai mes mains sur ses joues.  Bien sûr, il évitait mon regard comme il l'avait si souvent fait par le passé et là, il avait une bonne raison de ne pas oser me regarder en face : il se sentait coupable. Seulement, je n'allais pas le laisser comme ça : c'était absolument hors de question. Je fus surpris d'être capable de parler de façon calme et sereine quand je m'adressai à lui : à croire que ce qui m'arrivait ne m'avait finalement pas complètement retiré ma force.

-Tu vas me regarder dans les yeux Liam. Allez, je veux que tu me regardes.

Il mit un certain temps avant de finalement relever son regard toujours rempli de larmes vers moi.

-Bien.

A l'aide de mes pouces j'essuyai ses larmes avant de me mettre à lui caresser les joues avec tendresse, plantant mon regard dans le sien.

-Tu n'es pas responsable et tu me laisses parler, ajoutai-je en le voyant entrouvrir la bouche. Tu n'es pas responsable. Oui, tu as laissé tombé cette poutre mais qui d'autre que toi a essayé de la soulever ? Qui d'autre ? Personne Liam, personne. Tout ce que tu as voulu faire c'est me sauver et je devrais t'en vouloir pour ça ? Non. C'est hors de question.

Je marquai un silence, me souvenant de ce que j'avais ressenti quand Mathilda me l'avait annoncé et décidai d'être franc jusqu'au bout avec Liam.

-Pour être tout à fait franc, quand Mathilda m'a annoncé que j'étais paralysé, je t'en ai voulu. Sur le coup j'ai éprouvé tellement de colère parce que justement c'était toi qui avait lâché cette poutre, mais j'ai très vite changé d'avis, dis-je rapidement avant qu'il ne se sente plus mal puisque ce n'était pas le but. Je ne te dis pas ça pour te faire culpabiliser puisque c'est tout le contraire. Je te le dis pour que tu comprennes que j'ai pensé à la même chose que toi quand j'ai su et j'ai finalement compris que j'avais tout faux et tu dois le comprendre aussi. Tu as voulu me sauver la vie, le reste n'a pas d'importance. Tu as tout fait pour me sortir de là. Finalement, ça s'est mal passé, oui, et alors ? Tu es resté, rien d'autre ne compte pour moi. Tu es resté et même encore maintenant tu veux rester.

Un sourire étira doucement mes lèvres et je posai mon front contre le sien.

-Est-ce que tu te rends compte de ce tout ce que tu viens de me dire ? Est-ce que tu te rends compte que par amour pour moi tu es prêt à tout chambouler, à tout accepter ? Jamais on ne m'avait aimé comme ça, jamais. Alors, mes jambes, je m'en fous... J'hésitai un instant avant de poursuivre. Bon, d'accord, je ne m'en fous pas mais ce n'est pas pour ça que je t'en veux et tu ne dois pas t'en vouloir non plus. Je refuse que tu portes le poids de ce qu'il s'est passé sur tes épaules : c'était un accident, rien d'autre.

Soudain, une image s'imposa à moi : Liam dans son lit de camp à l'infirmerie en train de mourir. Comme je m'étais senti coupable quand il m'avait expliqué pourquoi il était parti tout seul en ville. Comme je m'en étais voulu et comme tout ça avait failli entraîner notre perte à tous les deux... Gardant résolument mon regard dans le sien, je poursuivis donc, continuant mes tendres caresses sur ses joues pour essayer de le rassurer.

-Quand tu as failli mourir Liam, je me suis sentis coupable. Coupable pour les pellicules, coupable pour la bague, coupable. Et c'est en partie cette culpabilité qui a fini par me ronger pour m'éloigner de toi, entre autres choses. Je ne veux pas que tu traverses ça, je ne veux pas que tu vives ça. Je le refuse.

Un silence.

-Ce n'est pas ta faute.

Je rapprochai légèrement mon visage du sien, mes lèvres étant à présent très proches des siennes.

-Je t'aime Liam, je t'aime plus que tout au monde. Et, puisque tu m'aimes aussi, je veux qu'on se contente de ça. Je veux qu'on oublie pourquoi je suis dans cet état et je veux vivre avec toi, je veux me marier avec toi, je veux qu'on soit heureux et pour ça, tu dois arrêter de te sentir coupable. Il faut que ça cesse...

Puis, doucement, mes lèvres se posèrent sur les siennes. Ce ne serait pas facile mais nous pouvions être heureux. Il avait fait germer cette idée en moi en me promettant de rester à mes côtés et je refusais que tout vole en éclat à cause de moi et de cette fichue poutre. Il fallait avancer. Il le fallait sinon, c'en était fini de nous, c'en était fini de tout et je m'y refusais. Alors, j'allais tout faire pour qu'il se sente bien, j'allais tout faire pour faire disparaître cette culpabilité qui n'avait pas de raison d'être. En tout cas, en cet instant, j'étais persuadé que j'allais être capable de ce miracle, que j'allais être capable de tant de choses... J'avais cependant tort et ce, sur toute la ligne. J'allais bientôt découvrir que je n'étais pas prêt à être l'ancien Samuel, que je n'étais pas capable de soutenir Liam, que je n'étais plus l'ombre de moi-même.

Rien plus qu'une ombre.
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