Sorrow has a human heart { ALEXANDER }

J'avais l'impression de ne plus servir à rien ici. Mathilda me trouvait trop déprimée et déprimante. Et elle avait raison. Disparu mon joli sourire, disparu mon air enjoué... A l'infirmerie je restais assise et silencieuse pendant des heures à attendre alors que j'avais pris l'habitude de lui casser les pieds avec ma petite vie dégoulinante de bonheur. Aujourd'hui je lui cassais les pieds avec mon air dépressif. Si bien qu'elle finissait par me jeter dehors avec perte et fracas. Et je ne pouvais pas lui en vouloir. Les choses n'allaient déjà pas pour le mieux, alors si en plus le médecin faisait la tête... Je voulais vraiment me changer les idées. Sinon j'allais finir par faire une bêtise. Enfin non, plus maintenant que je savais que j'étais enceinte. Mais avant j'aurais bien été capable de faire une bêtise. Et je ne me serais certainement pas ratée... Je savais combien cela pouvait être égoïste, mais parfois je me disais que ce serait peut-être mieux pour tout le monde... Avant de me raviser et de me dire que ce serait lâche, stupide et complètement immoral. Heureusement qu'il me restait un minimum de bon sens. J'étais une grande fille, je devais être capable de reprendre les choses en main. Pas vrai ? Parce que si non, autant en finir tout de suite !

Je n'avais encore rien dit à Alexander. Et pour le moment je n'avais pas envie de lui dire quoi que ce soit. Déjà parce qu'il allait me passer un autre savon pour être sortie en étant enceinte. Oui mais figurez vous que si j'avais su, je ne serais pas sortie, moi ! Et puis il avait bien fallu que quelqu'un aille les chercher ces foutus médicaments ! Et puis Alexander ne pouvait pas penser à tout tout le temps... Si ? J'admets que cela faisait un moment que je n'avais pas vraiment fait attention à ce qu'il se passait dans la communauté. J'avais la tête ailleurs... en quelque sorte. Plus rien n'avait vraiment d'importance pour moi. Il pourrait bien y avoir une deuxième fin du monde que cela me serait bien égal. J'avais déjà perdu tout ce qui faisait mon monde à moi. Comme ça, du jour au lendemain , sans aucune raison particulière. Si raison il y avait, eh bien je n'étais pas au courant. Pour moi, ce n'était qu'une autre promesse non tenue. Mais bon, je n'en étais plus à une près... Cependant la douleur restait la même. Je me sentais vide, complètement vide... Le genre de vide qu'on ne comble pas.

Comme une idiote, j'étais restée plantée devant la porte de la chambre d'Ethan. Comme si j'espérais encore qu'il en sorte par magie. J'aurais pu attendre très longtemps comme ça. J'avais ouvert la porte en vitesse, comme pour vérifier. Évidemment que cette chambre était vide. Idiote ! J'aurais pu l'attendre des heures comme ça. Il était parti, et il n'allait pas revenir de si tôt. Tout le monde me regardait comme si j'étais une condamnée à mort. Voilà pourquoi je ne voulais rien dire à personne au sujet de ma grossesse. Là je deviendrais vraiment la pauvre petite chose. Nathaniel avait beau me dire le contraire, je connaissais les gens de la communauté. C'était forcément le genre de choses qui arrivaient quand on vivait en petit comité...

J'avais simplement décidé de retourner dans ma chambre quand j'ai croisé Gabrielle. Et c'est comme si une petite ampoule s'était allumée dans mon esprit. J'avais besoin de parler à Alexander. Parce que j'avais besoin d'un coupable, j'avais besoin de lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. J'ai attrapé Gabrielle par le bras. Elle m'a souri, tandis qu'Emma me disait bonjour à sa façon, avec le même sourire que sa mère et avec tout un tas de gazouillis difficilement traduisible.

« - Gabrielle, est-ce que tu sais où est Alexander ?
- Je crois bien qu'il est dans la réserve. Je crois qu'il règle certaines choses avec Aaron et...
- Merci, Gaby. »

Elle a bien tenté de me retenir, mais j'ai été plus rapide qu'elle. Je me suis dépêchée de descendre dans les galeries et d'aller à la réserve. Enfin, les réserves. J'ai ouvert assez violemment la porte de la réserve de nourriture. Ah, raté, ce n'était pas celle là. J'ai claqué la porte, avant d'ouvrir la suivante. La réserve de couvertures. Oui, oui, de couvertures. On n'a jamais assez de couvertures, selon Aaron. Ah, jackpot. Voilà que mes deux leaders préféraient me regardaient avec étonnement. Enfin, pour Aaron l'étonnement se résumait à un sourcil haussé avec scepticisme. J'ai inspiré à fond.

« Sors d'ici, Aaron. S'il te plait. »

Le concerné a jeté un coup d'œil à Alexander. Oui oui, j'étais bel et bien en train de le mettre à la porte. Je l'ai regardé avec un air insistant. Il a fini par jurer avant de sortir en claquant la porte. Je me suis aussitôt approchée d'Alexander et j'ai posé mes mains à plat sur sa poitrine avant de le repousser violemment. Enfin, j'ai essayé au moins. Je me suis mise à hurler.

« Pourquoi est-ce que tu l'as laissé partir ? Tu n'avais pas le droit ! Tu n'avais pas le droit de le laisser partir ! »

{ Ethan est parti depuis cinq semaines, et il a dit à Alex de dire à Kat' de l'oublier et de refaire sa vie s'il est pas revenu au bout de six semaines ^.^ Alex est censé l'avoir laissé partir pour voir s'il peut trouver des vivres et un autre endroit pour la communauté et touuuut ! }

Cela faisait un moment qu'il attendait cette confrontation. Katarina était malheureuse, Ethan était malheureux... Ils n'étaient que deux idiots qui étaient incapables de mettre de côté leurs griefs ou leur culpabilité pour enfin vivre ensemble et être heureux. Cela avait duré un temps... Avant de s'écrouler. Le passé d'Ethan ne jouait pas en sa faveur et il s'était fait tout un réseau de relations qui n'étaient vraiment pas recommandables. Et qui n'hésiteraient pas à se servir de Katarina pour faire pression sur lui. Le truc classique quoi. Sauf qu'Ethan avait préféré régler ça à sa manière, sans en parler à la concernée qui ne savait pas pourquoi il agissait ainsi et qui ne voulait pas comprendre.

Alex était déçu par ces deux bourriques qui se faisaient du mal. Pourquoi ne pouvaient-ils pas s'entendre comme Alexander et gabrielle? Les deux époux s'étaient rarement disputés... Mais Alex ne trainait pas un passé aussi pesant qu'Ethan. Quoique... sniper, ce n'était quand même pas anodin. Il avait tué bien des gens, juste parce qu'on lui en donnait l'ordre, sans états d'âme. C'était ainsi en temps de guerre et ses nerfs d'acier ainsi que sa faculté à tuer de sang froid leur avait permis de survivre au cataclysme et même de recommencer à vivre.

Etrange comme il pouvait cohabiter deux personnalités en un seul homme...

Il y avait le leader de la communauté, d'une patience assez impressionnante, d'un calme olympien, qui semblait tout pouvoir gérer sans jamais se mettre en colère, qui donnait sa chance à tout le monde, en essayant de croire à la bonté humaine.

Et il y avait le soldat, le tueur, celui qui n'hésitait même pas une fraction de secondes quand ils 'agissait de protéger les siens ou de faire son devoir. Il gardait le même calme, mais son empathie devenait alors un détachement à vous glacer le sang... Jusqu'ici, personne ne l'avait vu dans cet état là. Personne n'avait suscité cet état là. Sauf Gabrielle, lors de leur errance pour survivre, mais il n'avait pas eu le choix pour la protéger.

Il espérait bien ne jamais avoir à ressortir le soldat. Mais c'était un espoir bien utopique. Au sein même de la communauté il y avait des frictions... Les premières étant entre Ethan et Katarina qui perturbaient tout le monde. Sans oublier ce petit con qui tournait autour de la jolie russe. D'ici à ce que cela dégénère...

Alors Alexander avait envoyé Ethan en mission. Parce que le jeune homme avait besoin de s'éloigner de tout cela, parce qu'il fallait un laps de temps pour qu'il finisse par se rendre compte de sa connerie. En espérant qu'il s'en rende compte.

Mais Katarina était maintenant désespérément seule.

Alex ferma un instant les yeux alors que la voix de la jeune femme résonnait, intimant à Aaron de déguerpir. Il savait déjà qu'il allait essuyer un orage. Aaron jeta un regard outré à son ami et celui-ci hocha imperceptiblement la tête pour lui signifier d'obéir. Il n'avait pas fini de l'entendre ronchonner à ce propos. Katarina s'approcha alors et repoussa le jeune homme, le faisant légèrement ciller. Il s'y attendait et c'était une montagne de muscles, il n'allait pas reculer devant ce petit bout de femme, même en colère. D'une voix calme, mais ferme, il répliqua :

- "Je suis le chef de cette communauté Katarina et Ethan est mon second et un homme en qui j'ai confiance. Il n'y avait personne de mieux placé pour faire cela et tu le sais pertinemment. Si les règles ne te plaisent pas, tu peux t'en aller, je ne te retiens pas, mais tant que tu vivras ici, tu respecteras mes décisions, qu'elles te plaisent ou non. Vos querelles d'amoureux n'ont pas à interférer dans notre survie. Me suis-je bien fait comprendre?"

Le discours était rude pour la pauvre Katarina qui semblait déjà bien éprouvée. Alex se retint de la prendre dans ses bras, préférant qu'elle crève l'abcès maintenant.

- "Néanmoins, je ne suis jamais contre écouter les griefs des autres sur ma façon d'agir, alors vas-y, défoule toi, je t'en prie. Si cela peut te soulager et te permettre d'aller mieux..."

Sa voix se fit plus douce, plus compréhensive.

- "Je n'aime pas te voir si malheureuse."

Voilà, on y était cette fois ci. Round un, la crevette contre le roc.

Personnellement, je n'étais pas vraiment sûre de gagner face à Alexander, mais tant pis, j'avais vraiment besoin de me défouler, d'évacuer toute ma colère et toute ma douleur. J'avais aussi besoin de trouver un coupable, et Alexander en faisait un parfait. Même si je savais très bien qu'au fond, il n'y était pour rien. Ce n'était pas lui qui m'avait fait souffrir. En temps normal, je n'aurais jamais osé mettre Aaron dehors. D'habitude c'était lui qui me faisait déguerpir, c'était lui qui me secouait sans arrêt. J'imagine que pour lui ce ne devait pas être très agréable de se retrouver à ma place. Pour autant j'étais lucide, je savais très bien que s'il était sorti c'est parce qu'Alexander lui avait dit à sa façon de nous laisser seuls. D'un côté tant mieux, je savais que s'il était resté je n'aurais pas osé dire un mot. C'était stupide, mais Aaron m'avait toujours impressionné plus qu'Alexander. Les deux réunis c'était assez intimidant. Je préférais n'avoir à me débattre qu'avec Alexander.

J'ai eu très envie de secouer Alexander. Moi j'étais folle de rage, ma détresse se voyait très certainement et lui il restait calme, comme si j'étais en train de lui faire un bulletin météo. Je ne sais pas trop ce que j'attendais. Cela m'aurait peut-être calmée s'il m'avait hurlé dessus pour me remettre à ma place. Au lieu de cela, ma colère s'est sentie pousser des ailes. Je n'avais certainement pas besoin d'un petit discours sur le bien être de la communauté. Je savais très bien que nos histoires perturbaient tout le monde, mais j'étais déjà tellement perturbée moi même que je ne faisais pas attention aux autres. J'ai eu un petit rire nerveux. Très nerveux.

« Je peux m'en aller, tu ne me retiens pas ? Je croyais pourtant que tu avais promis à Ethan de faire attention à moi !»

Bon d'accord, j'imagine qu'il se souvenait très bien de sa promesse et qu'il aurait préféré m'enfermer dans ma chambre plutôt que de me laisser mettre un pied dehors. Il n'avait déjà pas été très content quand il avait appris que j'étais sortie sans sa permission. Mais il n'était pas mon père, je ne pouvais pas lui demander de respirer non plus ! Bien sûr, il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller contre son autorité. J'étais une fille trop obéissante pour cela. Enfin, en règle générale. Disons qu'il ne fallait pas que je sois trop perturbée. Et en ce moment j'étais très perturbée. J'étais à deux doigts de faire une crise de nerfs. J'ai dû faire une drôle de tête quand il m'a donné l'autorisation de me défouler sur lui. C'était véritablement la dernière chose à me dire. Parce que j'avais besoin de me défouler sur lui. Et j'allais le faire.

« Tu pouvais envoyer quelqu'un d'autre ! Il y avait des tas de types bien placés pour faire ça ! Tu sais très bien qu'il va mal ! Et s'il ne revenait pas ? Et s'il se faisait tuer ? Tu as pensé à ça ? »

J'ai commencé à taper sur sa poitrine avec mes poings. Non pas que je puisse lui faire mal, mais cela me soulageait. J'aurais aussi bien pu taper sur le mur, mais là je me serais fait mal. Et j'allais assez mal comme ça. À moins que je ne sois pas à ça près ? Enfin, je préférais ne pas essayer. Je ne sais pas trop combien temps j'ai frappé Alexander. En tout cas, il n'avait pas cillé. Au bout d'un moment je me suis accrochée à sa chemise, incapable d'en faire plus. Finalement, je ne me sentais pas si soulagée que cela.

« Si tu savais comme je me sens seule... J'ai été dormir dans son lit cette nuit. C'est bête, n'est-ce pas ? »

J'ai eu un petit soupir et je me suis passée une main dans les cheveux. J'ai croisé mes bras sous ma poitrine. Et voilà, la colère venait de laisser place à la tristesse. Encore. Décidément, mes colères ne duraient pas très longtemps. Ce qui n'était pas plus mal, en soit.

« Enfin, seule, façon de parler... Je... Je suis enceinte, Alex. »

Qu'il serve d'exhutoire au désespoir de Katarina ne le dérangeait pas le moins du monde. Il avait les épaules pour supporter sa colère, voire sa haine, même si cela le chagrinait. Qu'elle pense ou non ses mots, cela ne changeait rien. Pourtant, il ne se sentait pas coupable de quoique ce soit. Il avait agi en son âme et conscience et ne regrettai rien. Il occultait les relations difficiles et passionnées entre Ethan et Katarina, cela interférant avec leur travail. Alexander savait compartimenter ses émotions, son devoir, sa raison. Cela lui permettait de prendre des décisions sans jamais laisser ses sentiments interférer. Un atout. Pourtant, il se crispa imperceptiblement quand elle lui rappela la promesse qu'il avait faite au jeune homme de veiller sur sa moitié adorée et abandonnée. En effet, il avait promis. Comme il avait promis de se montrer dur et de casser toute relation entre eux si Ethan ne revenait pas... Un véritable crève coeur et il attendait avec angoisse le retour du jeune homme... Qui ne venait pas.

- "Je l'ai promis oui... Mais pas à n'importe quel prix Kat."

Elle se mit alors à lui faire ses reproches, lui disant qu'il aurait pu envoyer quelqu'un d'autre, lui demandant s'il avait pensé aux risques.

- "Non, bien sûr que non, je suis quelqu'un de complètement irresponsable, c'est bien connu... Ça me ravit d'envoyer mes amis vers le danger..."

Il s'était fait sarcastique, mais Katarina ne l'écoutait même plus, martelant sa poitrine de petits coups de poings désespérés et presque indolores. Cela finit par cesser et elle s'accrocha à lui en avouant sa solitude, trouvant sa façon de combler son absence risible.

- "Non, pas du tout."

Aller dormir dans son lit pour sentir son odeur n'avait rien d'idiot. il n'étais pas sans cœur, pas du tout même et était quelqu'un de très compréhensif et empathique. Mais Katarina réussit à le faire vraiment ciller et il perdit de son calme légendaire alors qu'elle avouait être enceinte. Il ouvrit de grands yeux ronds, sa bouche forma un mot qui ne sortit jamais. Il toussota, se racla la gorge et reprit contenance :

- "Tu es enceinte? Merde..."

Il n'en avait eu aucune idée... Ethan non plus, fort probablement... Cela changeait méchamment la donne et rendait le rôle d'Alex plus délicat encore.

- "Non, pardon, je veux dire... félicitations?"

Il était maladroit... Comment la féliciter alors que son petit ami et père du bébé risquait de mourir à l'extérieur? Et merde! Finalement, il prit Katarina dans ses bras protecteurs et rassurants et finit par murmurer :

- "Mais pourquoi êtes-vous si compliqués tous les deux? Pourquoi vous séparer alors que vous vous aimez à crever? Pourquoi manquer ainsi de confiance en l'autre et en vous même?"

Tout serait si simple alors...

J'étais en train de mettre tout le malheur du monde sur les épaules d'Alexander, qui je pense n'en méritait pas tant. Mais j'étais tellement en colère et tellement malheureuse que je ne me rendais pas compte de ce que je faisais réellement... Il semblait être le parfait coupable. C'était lui le chef de cette communauté, c'était à lui de décider qui devait ou non sortir. Il n'aurait jamais dû laisser partir Ethan. Il ne savait pas à quel point il était fragile, il ne savait pas à quel point il était... J'ai inspiré à fond pour tenter de me calmer. Je me retenais de balancer des horreurs à la figure d'Alexander, mais cela n'aurait pas été justifié et j'allais regretter tout cela. Et sincèrement, j'avais déjà assez de choses à me reprocher, la liste était pleine. J'ai jeté un regard furieux à Alexander. Je détestais l'ironie et là, très franchement j'étais à prendre avec des pincettes. Sinon... Sinon rien du tout, j'allais simplement m'énerver un peu plus et je finirais par coller taper dans la mur. Je me ferais certainement moins mal que si je cognais Alexander. Et puis de toute façon je n'aurais jamais osé le gifler, je le respectais bien trop pour cela. Quoique j'avais déjà giflé Ethan deux fois, malgré tout mon mon respect pour lui. Enfin lui, il m'avait quand même poussée à bout, il les avait mérité ses claques. Je crois.

J'ai fini par me calmer. Je ne savais pas rester en colère bien longtemps et finalement ce n'était pas un mal. Il fallait déjà me pousser à bout pour que je me mette en colère ne serait-ce que cinq minutes. J'ai fini par avouer à Alexander que j'avais pris l'habitude d'aller dormir dans le lit d'Ethan, rien que pour sentir un peu son odeur, sa présence... Pour moi c'était idiot, parce que cela n'avait rien à voir avec ce que je voulais vraiment. Je ne voulais plus dormir seule, je voulais me sentir en sécurité, dans ses bras... Alors que je venais de décider que je ne lui donnerais pas d'autre chance, que s'il revenait je le repousserait... J'étais décidée, et pourtant je savais que je l'aimais. Je ne le quittais pas parce que je ne l'aimais pas assez, je le quittais parce que je l'aimais trop.

Alexander a fait une drôle de tête quand je lui ai dit que j'étais enceinte. Ah, pas de doute, celle là il ne l'avait pas vu venir. Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un petit rire nerveux. Oui, merde, c'était le mot qui convenait. Je n'ai pas pu m'empêcher de secouer la tête doucement.

« Félicitations ? Et de quoi ? D'être enceinte alors que le père de mon bébé est perdu je ne sais où dans New York ? Félicitations, tu vas peut-être devoir élever cet enfant seule ? »

J'ai eu un petit soupir. Ces félicitations n'avaient pas lieu d'être. Parce qu'il n'y avait rien à féliciter. Je n'étais pas certaine de revoir Ethan un jour, alors très franchement... J'ai failli fondre en larmes à l'instant où Alexander m'a pris dans ses bras. Je me suis blottie contre lui, sans vraiment chercher à comprendre. J'ai fini par soupirer tout bas.

« Je lui ai fait confiance, Alex. Des dizaines, des centaines de fois. Et il m'a menti... il n'avait pas besoin de me mentir pourtant ! »

Bon j'imagine qu'Alexander ne devait pas voir de quoi je parlais. Même s'il connaissait Ethan et moi très bien, ils y avait certainement tout un tas de choses qu'il ignorait.

« Pourtant, tu sais bien que je suis capable de tout accepter, de tout encaisser, ou presque. Je me suis toujours foutu de son passé complètement. Je lui accordé ma confiance et lui il m'a menti. Et tu voudrais que je lui fasse encore confiance ? »

J'avais trop souffert de découvrir qu'il m'avait caché des choses et qu'il m'avait menti. Enfin, le verbe mentir était peut-être un peu fort. Je doutais qu'il l'ait fait sciemment. Mais j'aurais préféré qu'il me dise tout entièrement, peu importe si c'était difficile à supporter. C'était un junkie, je me doutais bien qu'il n'avait pas un passé tout blanc... Je n'étais pas stupide.

« Je t'en prie, ne dis à personne que je suis enceinte, pas même à Gabrielle et Aaron. J'en ai assez d'être regardée comme la pauvre petite chose qu'on a abandonnée. Alors être la pauvre petite chose abandonnée et enceinte... Je te jure que si Ethan reviens, je le tue. »

Encore fallait-il qu'il revienne. Au bout de cinq semaines d'absence, j'avais quand même un sale pressentiment.

Il ravala ses sarcasmes alors que Katarina se faisait acerbe en exposant la dure réalité de sa condition. En effet, le père était porté disparu et la conjoncture était mauvaise pour avoir un bébé... Mais quand même, c'était un sacré évènement! Alex n'avait pas douté une seconde quand Gabrielle était tombée enceinte. Alors qu'elle si. Les femmes étaient-elles donc toutes les mêmes? il la prit dans ses bras, alors qu'elle le faisait culpabilise,r malgré tout. S'il avait su... Aurait-il changé d'avis et envoyé un autre? Mais Ethan avait eu besoin de s'éloigner... Qu'ils étaient pénibles tous le deux à prendre ainsi leurs proches en otage dans leurs éternelles disputes!

- "Je sais que la trahison est dure à avaler Katarina, mais... Le mensonge est parfois nécessaire pour le bien d'une personne, voire de plusieurs. Je sais que tu détestes le mensonge, mais parfois, on n'a pas le choix... Je ne cherche pas à défendre Ethan, il est assez grand pour se débrouiller tout seul, mais trop idiot pour le faire correctement."

Non, il ne savait pas de quoi il s'agissait exactement, mais connaissant Ethan, il avait du mentir pour protéger Katarina. Les intentions étaient surement bonnes, même si le résultat ne l'était pas. Ethan était un brave type. Paumé, mais brave.

- "Je sais..."

Elle avait raison. Pourtant, il ne pouvait pas les laisser se déchirer ainsi alors qu'il devait y avoir un terrible malentendu.

- "Katarina, si tu me disais ce qu'il s'est passé exactement? Je pourrais peut-être vous aider... Je n'aime pas vus voir souffrir tous les deux, alors que vous êtes fous l'un de l'autre. C'est un terrible gâchis."

Elle lui demanda alors de jurer de ne rien dire et il haussa une épaule comme si cela allait de soi.

- "Je ne dirais rien. Mais si Gabrielle me demande des choses à ton sujet, je devrais lui mentir également. Pour toi. Comment me fera-t-elle confiance?"

Oui, il retournait les arguments de Katarina contre elle, mais c'était aussi une façon de lui faire comprendre que parfois on n'avait pas le choix, aussi difficile soit le résultat.

- "Tu n'es pas une petite chose abandonnée Katarina..."

J'ai froncé les sourcils. Je n'étais pas d'accord avec Alexander. J'étais persuadée qu'il valait mieux une vérité qui fait mal plutôt qu'un mensonge qui fait du bien. Parce qu'au final, un mensonge c'est comme un boomerang. Ça vous revient dans le visage à un moment où à un autre. Les mensonges d'Ethan avaient fait énormément de dégâts, même si ce n'était pas voulu. À cause de cela, nous étions sans cesse en train de nous déchirer. Et maintenant j'étais toute seule, enceinte. J'aurais préféré qu'il soit sincère, peu importe ce qu'il me dirait. J'aurais été prête à entendre et à accepter n'importe quoi. Parce que je l'aimais et que le passé importait plus que le présent. Enfin, c'était ce que je pensais... Ethan trainait son passé derrière lui comme un prisonnier tire un boulet. Mais c'était presque comme s'il ne voulait pas s'en débarrasser. Je ne comprenais pas pourquoi il refusait d'assumer son passé. Ce qui était fait était fait. Il ne pourrait rien y changer, même s'il le voulait. Pourquoi ne pouvait-il pas se mettre dans la tête que je l'aimais aujourd'hui et que son passé, je l'envoyais aux orties ? Je savais à quoi je m'engageais en sortant avec un junkie.

« Ce n'est pas qu'il est idiot... C'est qu'il ne s'en rend même pas compte, Alexander. Ethan ne voit malheureusement que la surface des choses. Il se rend pas compte du mal qu'il me fait... »

Ce n'était pas conscient. Et c'était bien le problème. Alors non, bien sûr, il ne le faisait pas exprès. Cela partait très certainement d'un bon sentiment. Il disait qu'il voulait me protéger. Pour cela il aurait fallu qu'il me protège de lui même... J'ai eu un soupir. Je luttais contre les larmes. Mais je n'avais pas envie de mouiller la chemise d'Alexander. Je préférais rester forte maintenant et pleurer plus tard, dans le lit d'Ethan, comme une imbécile. J'ai relevé les yeux vers Alexander et je me suis écartée de lui. Ce qui s'était passé exactement ? C'était... Compliqué. Je me suis passé une main dans les cheveux avant de me laisser glisser contre le mur. Je cherchais mes mots.

« C'est un cercle vicieux... Une espèce de je t'aime moi non plus... Quand il m'a quitté, nous n'avons presque eu aucun échange pendant deux mois. Pourtant, il était toujours là derrière moi, à me surveiller. Tu imagines bien que nous avons tous les deux fini par craquer. J'ai passé une nuit avec lui... Et au petit matin, il n'était plus là. Disparu, comme par magie. »

Par magie... Ou pas. J'avais vécu un véritable cauchemar.

« Et comme une idiote, je l'ai encore pardonné... Pendant un moment, j'ai vraiment cru que l'horreur était terminée. Tu sais qu'il m'a même demandé si je voulais bien devenir sa femme ? »

J'ai eu un petit rire nerveux. Comme une idiote, j'avais dit oui.

« Et puis un jour, il est revenu drogué... Il a dit que c'était pour me protéger d'un certain Alan... Encore une fois, j'ai pardonné. Encore une fois, il est parti. Il n'est pas revenu depuis. »

Un coup oui, un coup non... Je ne savais plus où j'en étais. Comment pourrais-je faire confiance à un homme qui m'abandonnait après m'avoir m'avoir promis de ne plus me quitter ? C'était à en perdre son latin... J'aurais aimé pouvoir tirer un trait sur lui et sur notre histoire facilement. Or, c'était impossible. Mes sentiments pour lui étaient bien trop forts.

« Ne joue pas à ça avec moi, Alexander... Toi et Gabrielle, ça n'a rien à voir avec Ethan et moi. Je ne te demande pas de lui mentir. Je te demande de ne pas lui en parler si elle ne te pose pas de questions. Mais si elle te pose une question, bien sûr que tu lui diras. »

J'avais peut-être été un peu sèche. Je me suis mordue la lèvre.

« Si je ne suis pas une petite chose abandonnée, qu'est ce que je suis, Alex ? Qu'est-ce que je suis ? Dis le moi, parce que je n'en ai absolument aucune idée pour le moment. »

- "Je sais que c'est beaucoup demander Kat, mais il va falloir faire preuve de patience avec lui... Il a été égoïste une grande partie de sa vie, laisse-lui le temps d'apprendre à faire attention aux autres. C'est difficile pour toi, je le sais bien..."

Que proposer d'autre? Ethan était un garçon adorable, mais il avait été un drogué qui s'était détruit une grande partie de sa vie en se fichant bien de ce que l'on pouvait en penser. Maintenant, il devait apprendre à vivre autrement, à vivre avec les autres, en comptant sur eux et surtout en faisant en sorte qu'on puisse compter sur lui. Ce n'était pas encore acquis, mais cela viendrait. Avec le temps et beaucoup de compréhension. Mais Katarina avait été plus que patiente et compréhensive, Alex comprenait qu'elle craque et désire qu'un homme s'occupe d'elle et endosse son rôle au lieu de la faire souffrir.

Il demanda alors ce qu'il se passait et Katarina le lui avoua à demi mots, le laissant perplexe. A quoi jouait-il cet imbécile? Pourquoi n'était-il pas capable de revenir vers elle pour de bon au lieu de jouer les filles de l'air? Il l'aimait à en crever, ça, Alexander en aurait mis sa main au feu. Si Ethan se comportait étrangement, c'était sans doute par culpabilité ou un truc du genre. Peut-être avait-il fait quelque chose qu'il ne se pardonnait pas, ou pensait-il la mettre en danger. Chevaleresque, mais compliqué pour une relation. Mais Alex cilla quand Katarina avoua qu'Ethan l'avait demandé en mariage. Il faillit lâcher un "hein?" particulièrement stupide tant sa surprise était grande. Alors là, il allait vraiment falloir prendre le taureau par les cornes et discuter avec Ethan... Remettre les points sur les I, parce que là, c'était n'importe quoi. Qu'il demande en mariage la jolie russe n'était pas un soucis, mais qu'il la quitte ensuite, c'était complètement incompréhensible.

Et enfin, elle avoua qu'il avait rechuté. Qu'il s'était drogué pour la protéger. Mouais, possible, mais il ne voyait pas bien comment. En tous les cas, ceci expliquait sa fuite. Soit il avait eu honte de son geste, soit il avait compris que ses vieux démons étaient un danger pour Katarina... Et si par dessus le marché, la jeune femme l'avait épinglé là dessus... Les pièces du puzzle s'assemblaient lentement.

- "Je n'ai pas envie de jouer, simplement t'amener à considérer les choses sous un autre angle..."

Il lui en demandait beaucoup et il le savait... Il prit le menton de Katarina entre ses doigts et la regarda droit dans les yeux :

- "Tu es une jeune femme amoureuse et désespérée du comportement de l'être aimé. Ressaisis-toi Kat, tu as un enfant qui compte sur toi."

Il lui embrassa doucement le front.

- "Ethan reviendra. Sinon, j'irais le chercher par la peau du dos s'il le faut."

Il reprit Katarina dans ses grands bras protecteurs et ne dit plus rien, laissant le silence parler pour lui. Il serait là pour elle quoiqu'il arrive... Et il ferait tout pour alléger sa peine...